Olivier Bories, Maître de conférences en Aménagement de l’espace, ENSFEA, CNRS, UMR 5193, LISST-Dynamiques rurales
Cet article méthodologique interroge le rapport de l’écriture filmique au paysage. Il propose plus précisément d’aborder les atouts de la méthode filmique dans la production scientifique d’images paysagères audiovisuelles. Ma réflexion de géographe s’inscrit dans le développement d’une géographie visuelle qui n’existe pas nommée comme telle. Dans les films-recherche dont j’ai porté les thématiques : Des champs et des maisons (Bories et Cazenave, 2017) et Ascenseur pour le potager (Bories et Fontorbes, 2018) nous montrons comment nous faisons à l’écran du paysage un « personnage », en insistant notamment sur le pouvoir d’évocation sensorielle et émotionnelle que porte en elle l’écriture filmique. Nous discutons de nos positions et de nos choix filmiques, par exemple de l’observation qui est centrale dans notre pratique audiovisuelle « socio-géographique » et paysagère.
Mots-clés : Paysage, Écriture filmique, Géographie visuelle, Émotions, Aménagement
This methodological article questions the relationship between film writing and landscape. He proposes more precisely to address the advantages of the filmic method in the scientific production of audiovisual landscape images. My geographer's reflection is part of the development of a visual geography that does not exist named as such. In the films-research I have focused on : Fields and houses (Bories and Cazenave, 2017) and Elevator for the kitchen garden (Bories and Fontorbes, 2018) we show how we do on screen landscape a "character", particularly insisting on the power of evocation sensory and emotional that carries in it the filmic writing. We discuss our positions and our filmic choices, for example the observation that is central in our audiovisual practice "socio-geographic" and landscape.
Keywords : Landscape, Film writing, Visual geography, Emotions, Planning
Le paysage est un objet principal de la géographie. Dans le domaine du paysage la géographie produit beaucoup d’images. Le paysage comme « étendue de pays que l’on embrasse d’un seul coup d’œil » (Dictionnaire Quillet-Flammarion, 1983) mobilise principalement le regard et la vue. Il se prête donc parfaitement à la fabrication visuelle. La science du paysage porte une culture de l’iconographie. Les images du paysage sont cartographiques, peintes ou dessinées. Elles sont aussi aujourd’hui presque exclusivement photographiques, à l’image des travaux conduits par la Mission Photographique de la DATAR autour de la représentation des paysages français et des observatoires photographiques (Bertho, 2013 ; 2017) ou de ceux, plus récents, conduits dans le cadre de l’ANR « Photopaysage » autour du projet de paysage et du rôle de la photographie au sein des débats sur les mutations territoriales (Pousin, 2018).
Alors que cette géographie du paysage appelle l’usage de l’écriture audiovisuelle dans une pratique iconographique déjà très riche, les images scientifiques en paysage ne sont que très rarement filmiques. Déjà en 1986 E. Dalmasso écrivait que « les géographes ont manqué ou sont en train de manquer la révolution de l'audiovisuel en dépit des efforts de quelques-uns, ce qui dans un monde de l'image est grave ». Et si X. Browaeys (1999) rappelle qu’en géographie « des films d'excellente qualité ont été réalisés », il dit aussi : « que ces réalisateurs (C. Collin-Delavaud, Ph. Pinchemel et J.-L. Tissier, L. Faugères, L. Federmeyer, J.-L. Portron...) font toujours figure d'exception dans une géographie universitaire qui ne s'est jamais approprié l'image animée ». Les premiers films du géographe Jean Bruhnes tournés en 1912, ainsi que ceux des années 1950 et 1960 produits par le Centre Audiovisuel de l’ENS Saint-Cloud confirment toutefois le lien établi, même ténu, entre l’outil cinématographique et la géographie (Chenet et al., 2011). Dans le domaine paysager, l’audiovisuel permet contrairement à la photographie de prendre en compte les mouvements et les sons. Ils sont essentiels dans la composition et la qualification d’un paysage. Dans les films de géographie comme dans la plupart des productions audiovisuelles, le paysage n’est jamais l’acteur principal. Il n’est pas au centre de la réflexion sur l’image. Il est à l’image. Il ne s’impose pas comme ces « silhouettes » qui s’agitent au premier plan et font l’action.
Au cinéma, le paysage est souvent un décor « d’arrière-plan » choisi pendant les repérages pour ses qualités esthétiques. Il « habille » le jeu d’acteurs qui se joue sur le devant de la scène et capte l’attention du spectateur. Le paysage dans le film est vu davantage qu’il n’est regardé et étudié. À ce propos S. Bernardi (2006) interroge la place qu'occupent les paysages dans les films d'Antonioni. Il parle de « paysage-personnage » ou mieux de « personnage-paysage » pour considérer le paysage filmé non pas seulement comme un thème iconographique ou comme un objet esthétique d’arrière-plan mais comme un protagoniste du film qui remet en cause le sujet humain comme centre du monde (C. Doumet et al., 2003). Certains réalisateurs comme Agnès Varda (1985) dans le film Sans toit ni loi font au paysage une place particulière à l’écran conduisant un véritable travail filmique paysager (cf. les deux cyprès jumeaux du Pioch-Palat, Saint-Aunès). Mais cette préoccupation d’un passage « du paysage-décor au paysage-personnage » qu’illustre Joël Brisse par ses courts-métrages La pomme, la figue et l’amande (1998) et Les Oliviers (2013) reste une exception parmi peu d’autres. Il y a la trilogie réalisée par P. Pinchemel et J-L. Tissier : Anatomie du paysage (1977), Physiologie du paysage (1979) et Pathologie du paysage (1986). Il y a aussi le film réalisé par Bernard Kayser Un tracteur de banlieue (1970) et les réalisations de la série Paysage de J-L. Portron (1991). Plus récemment Des bois noirs (2017) de François-Xavier Drouet sur le paysage de la monoculture forestière dans le Limousin ou de Laurent Hasse Le bonheur…terre promise (2012) sur les paysages de sa traversée de la France à pied, ainsi que les films-recherche de J-P. Fontorbes, par exemple Je vais voir mes vaches (2009) sur les paysages de l’élevage du plateau de l’Aubrac.
Dans cet article il s’agit d’interroger le rapport de l’écriture filmique avec le paysage et de montrer les atouts de la méthode filmique dans la production scientifique d’images paysagères audiovisuelles. Cet article s’intéresse notamment à la prise en compte de la sensibilité, celle qui fait le paysage (comme un être sensible dans l’espace géographique) et celle des chercheurs-réalisateurs qui mettent ce paysage à l'écran. L’article permet de développer l’approche méthodologique et les quatre axes qui structurent notre manière de filmer : l’observation, l’émotion, la rencontre et l’ordinaire.
Ma réflexion s’inscrit plus largement dans le développement d’une géographie visuelle qui n’existe pas nommée comme telle, alors que les sciences sociales reconnaissent en France depuis longtemps l’anthropologie visuelle (Macdougall, 2004) dont Jean Rouch est l’un des fondateurs, théoriciens et praticiens. Dans une moindre mesure la sociologie filmique2 avec notamment les travaux conduits au Centre Pierre Naville (Université d’Évry, Paris-Saclay) dans l’axe Sociologie visuelle et filmique fondé par Joyce Sebag (Meyer, 2018) ainsi que des séminaires, par exemple « Sociétés Images et Sons » créée en 2004 par Jean-Pascal Fontorbes et Anne-Marie Granié au sein du laboratoire Dynamiques rurales (Université Toulouse II).
Je crois, en tant que géographe, que la vidéo est un outil pour construire une connaissance géographique et paysagère qui ne se limite pas à la description analytique de l’espace et du décor. Je pense que l’écriture filmique porte en elle un pouvoir d’évocation sensorielle et émotionnelle déterminant dans l’étude du paysage que je veux pouvoir mobiliser. Je pense que le paysage est comme l’indique l’historien du sensible Alain Corbin (2001) : « une lecture de l’espace chargée de significations indissociables de la personne qui le contemple. Il sollicite tous les sens et se construit selon des systèmes de croyance, de convictions scientifiques et de codes esthétiques ». « Le paysage est fait de signes et il nous fait des signes » (Ferras, 1990). C’est pour appréhender, étudier et comprendre ces signes, le sensible du paysage, que nous avons décidé de le filmer.
Pour discuter de cette relation entre écriture filmique et paysage en géographie, où la place de la méthode est centrale, j’utiliserai deux « films-recherche » (Fontorbes, 2013) : Des champs et des maisons co-réalisé avec J-M. Cazenave et Ascenseur pour le potager co-réalisé en 2018 avec J-P. Fontorbes. Selon J-P. Fontorbes (2013) : « le vocable film-recherche recouvre une double acception : d'une part, les sujets, objets filmés s'inscrivent dans un questionnement scientifique, c'est-à-dire que la recherche est effectuée avec le film dans tout son processus, et d'autre part, la manière de filmer est interpellée dans sa dimension heuristique et renvoie aux gestes du cinéaste et principalement au geste documentaire ».
Si je porte la thématique du paysage dans nos réalisations, nous construisons le film à plusieurs et nous formons un collectif d'écriture filmique . Je parlerai donc dans cet article à la première personne du pluriel3.
Ces deux films-recherches parlent d’aménagement et de gestion de l’espace, bien sûr de paysage. Ils s’inscrivent en effet dans une préoccupation de recherche géographique liée à la transformation physionomique des espaces péri-urbains et urbains et aux dynamiques foncières qui les accompagnent. Nos films parlent de paysage. Ils sont des films de paysage. Dans ces réalisations paysagères nous questionnons le projet de paysage à travers le changement esthétique des lieux et les stratégies d’acteurs qui participent au bouleversement de l’ordre paysager établi. Nous filmons à l’articulation de la production paysagère et des producteurs de paysage, non seulement pour montrer le paysage et le résultat de l’action, la figure paysagère, c’est-à-dire la trace : « cet élément intemporel mais capable de fabriquer du temps et de l’espace et qui raconte une géographie » (Nochy, 2018), mais aussi pour en comprendre le sens à travers les représentations et les interactions sociales des acteurs qui la soutiennent.
Travailler avec le film sur le paysage comme objet sensible perçu et vécu, c’est interroger autrement notre rapport au monde et à la nature. Y. Luginbuhl (1989), Y. Michelin (2000) et plus récemment E. Bigando (2013) l’ont fait avec la photographie. Avec l’audiovisuel, avec les mouvements de la caméra et les sons du micro, nous investissons le champ des « préférences paysagères » (Bories, 2008). Dans nos films-recherches, il s’agit de révéler des goûts, de comprendre des attachements à l’esthétique des lieux, de démêler des résistances ou des adhésions aux changements et aux projets paysagers, d’investir un registre esthétique, de saisir des manières d’habiter son territoire, de vivre avec son lieu de travail (Fontorbes et Granié, 2000). Ces travaux filmiques prennent d’autant plus de sens qu’ils se situent dans un contexte de préoccupations vives autour des problématiques environnementales dont la protection des paysages : préservation des terres agricoles, renaturation de la ville, etc. Nous filmons pour rendre visible le visible (Klee, 1998), pour montrer et représenter la réalité observée autrement dit la matérialité du paysage, sa composition, ses mutations. Nous filmons aussi pour comprendre l’invisible paysager, c’est-à-dire le sensible, la symbolique et l’émotion de celui qui regarde et pour la restituer à l’écran. Au croisement du paysage objet (matériel) et du paysage sujet (perçu) nous construisons avec ces deux films une « socio-géographie » filmique, interdisciplinaire, située au carrefour de la géographie et de la sociologie.
Ce film-recherche réalisé en 2017 s’intéresse - au départ - à l’étalement urbain et au paysage produit par l’artificialisation pavillonnaire d’une terre agricole en périphérie de l’agglomération toulousaine (Bories, 2016). Malgré les injonctions politiques et réglementaires appelant partout à une densification de la ville – plus impérative encore à Toulouse au regard de la dynamique démographique -, nous continuons d’agir, incapables de nous réguler sur un territoire. Nous grignotons le moindre carré de foncier périphérique sans conscience de la finalité des paysages, si ce n’est dans le cadre d’un affichage politico-médiatique à visée électorale. Par la thématique de l’artificialisation et cette hypothèse de recherche sur une prédation foncière qui perdure nous réalisons un film de géographie. Nous souscrivons à ces propos de X. Browaeys (1999) « en soi une image n'est pas géographique, c'est l'application d'une problématique géographique qui en fait un document géographique ». Nous avons donc filmé à Vigoulet-Auzil durant trois années (fin 2013-fin 2016). C’est une petite commune d’un millier d’habitants située à quelques encablures au Sud de Toulouse, sur une zone de coteaux en balcon sur la chaîne des Pyrénées. La commune, épargnée de l’artificialisation par une protection historique des terrains dans son document d’urbanisme, jouit d’un paysage d’une rare qualité à tout juste 10 kilomètres du centre-ville. La population Vigoulétine est majoritairement aisée et vieillissante. L’école ferme des classes. Pour faire face à la problématique démographique et attirer de nouveaux ménages plus jeunes la municipalité décide de réviser son PLU. En 2010 elle déclasse des terres agricoles et programme leur urbanisation. Rapidement le projet de lotissement sur le secteur de Canto-Coucut divise la population locale. La crainte du changement paysager provoque la résistance de certains administrés. Le projet de paysage communal cristallise un conflit qui se politise. La campagne électorale municipale met le paysage et la disparition des terres agricoles au cœur des projets politiques défendus. En 2014 l’élection municipale est remportée par la liste des opposants à la zone pavillonnaire. Les nouveaux élus proposent le BIMBY (Build In My Back Yard) pour artificialiser moins brutalement le territoire et le paysage.
C’est un film-recherche réalisé en 2018. Comme le précédent, il s’intéresse au paysage et à la problématique de la transformation paysagère et à sa réception. Cette fois le changement se fait sur un toit en ville avec une opération d’agriculture urbaine. Ce film-recherche concerne l’installation d’un grand jardin potager sur le toit de la clinique Pasteur au centre-ville de Toulouse. En 2014 ce sont 250 jardinières qui ont été installées par l’entreprise Macadam Garden sur le toit de ce grand établissement de santé toulousain spécialisé en cardiologie. Le jardin d’une surface totale de 500 m² forme une ceinture potagère pas très épaisse qui circonscrit la partie centrale du toit occupée par les locaux techniques. Il est divisé en plusieurs secteurs ou « coins ». Il y a par exemple le coin des fraises à l’Est ou celui des tomates au Sud. Au 4ème et dernier étage de la clinique le jardin potager est un nouvel îlot de nature agricole en ville, appréciés pour son cadre de vue par les occupants des immeubles voisins qui le surplombent depuis leurs balcons.
Avec Ascenseur pour le potager nous avons voulu interroger la fabrication de la ville et montrer la transformation paysagère en cours des espaces densément urbanisés. Nous avons étudié cette participation d’une forme nouvelle d’agriculture urbaine à la construction paysagère de la ville-campagne (Donnadieu, 2003), plus verte, fertile et comestible, plus viable (Mougeot, 2006), peut-être un peu moins urbaine, plus hybride, agri-urbaine, à la fois résidentielle mais aussi plus jardinée. Nous avons questionné son insertion dans l’espace ultra-urbanisé du centre-ville et discuté de cette agriculture de comblement qui conquiert de nouveaux fonciers. Ici c’est sur un toit, ailleurs dans un sous-sol (Bled, 2015). Cette action potagère filmée en ville parle d’espace, rare au cinéma selon J. Lévy (2013), mais aussi d’échelles, de frontières et de circulations. Ce sont autant de thèmes géographiques que nous abordons et que nous étudions en images et en sons (Bories et al., 2018). À travers l’expérience potagère nous avons traité de cette circulation en cours des marqueurs de la ruralité, ici paysagers, qui participent à la « ruralification » (Bories, 2015) concrète et/ou symbolique de l’espace urbain. Nous avons rendu visible la force paysagère de l’action agri-urbaine et mis à l’écran cette nouvelle possibilité de végétaliser la ville pour une reconnexion citadine avec la nature.
Le film-recherche s’intéresse aussi aux femmes et aux hommes qui jardinent là-haut. Ce sont des personnels soignants, des techniciens, des administratifs dont nous fixons et enregistrons les pratiques, les représentations et les interactions sociales. Tout cela renseigne les rapports au jardin potager en ville, à l’aliment et à la place de l’alimentation dans notre rapport au monde et les analogies entre le soin au patient et le soin au potager y sont nombreuses – nous les avons mises à l'écran.
Avec nos films-recherches en paysage nous nous aventurons vers la production et la mise en forme de connaissances scientifiques moins conventionnelles. Nous pensons comme l’indique J. Lévy (2013) « qu’en ajoutant d’autres langages à visée scientifique, on contribue à ouvrir un débat sur l’ensemble des outils de raisonnement que les tendances à la standardisation des produits de communication scientifique risqueraient de fermer et de verrouiller ». Le film-recherche est notre écriture pour analyser et rendre compte au plus près d’une réalité de terrain, ici paysagère, pour la mettre en récit. Il est aussi – et surtout – notre méthode d’accès au terrain, un outil pour faire nos relevés de données et fixer l'information. Nous nous rapprochons en cela des films de Benoît Raoulx, très ancrés dans la géographie sociale. Ils relèvent du « cinéma direct » en faisant de l’expérience du tournage le terrain même du géographe. La force de notre méthode tient à quatre facteurs entremêlés (ici cités sans ordre de priorité) : l’observation, l’émotion, la rencontre et la prise en compte de l’ordinaire. Ils constituent la colonne vertébrale de notre façon de filmer. Je considère que cette manière de faire du terrain enrichit l’approche paysagère.
Jean Brunhes avait coutume de dire : « qui est géographe sait ouvrir les yeux et voir ». Nous dirions plutôt regarder. Toujours est-il que les géographes nous ont appris l’intérêt de l’observation. L’observation est le premier stade de l’analyse géographique. Elle permet de porter un regard sur l’espace géographique. Nous nous en saisissons et nous rendons observable l’observé paysager. L’observation est centrale dans notre pratique audiovisuelle « socio-géographique » et paysagère. Elle est compréhensive (Lallier, 2018). Ainsi nous nous mettons à l’écoute « visuelle » des lieux et des individus que nous filmons. Nous ne voyons donc pas, nous regardons les espaces vécus (Frémont, 1999) dont nous étudions les transformations physionomiques. Le choix de l’observation renvoie directement à notre positionnement théorique sur le paysage. Nous pensons comme l’indique P. Sansot (1983) que le paysage est « à l’entrecroisement de la nature et de la culture ». Il est à la fois devant et derrière les yeux. Le paysage relève d’une collection d’objets inscrits et visibles dans l’espace. Il tient aussi – et surtout – à la présence d’un observateur. Selon cette posture « culturaliste » (Berque, 1990, 1996) à laquelle nous souscrivons théoriquement, et contrairement à ce qu’affirme J-C Filleron (1998), il n’existe pas selon nous de paysage sans observateur. Il n’est de paysage que perçu. Dans cette approche et cette position, le paysage est défini à la fois comme « une apparence et une représentation : un arrangement d’objets visibles perçu par un sujet à travers ses propres filtres. Certains de ces éléments n’ont pas attendu l’humanité pour exister mais s’ils composent un paysage, c’est à la condition qu’on les regarde. Seule la représentation les fait paysage. » (Brunet et al., 1993). Il y a donc à travers ce positionnement théorique une adéquation entre l’objet que nous filmons, ici le paysage, son habité, et le type de posture filmique que nous adoptons. Quand le film fait du paysage un personnage, l’observation est cruciale. D’ailleurs selon S. Bernardi (2006) « étudier le paysage au cinéma signifie aussi réfléchir sur l'acte de voir qui est l'acte constitutif du cinéma même ». Avec nos films-recherches de paysage nous construisons par l’observation du sens entre le sujet, la méthode et l’écriture. Cette observation nous engage dès lors dans un rapport très fort au terrain et à ses acteurs. Nous sommes attentifs aux questions qu’il nous pose et nous développons une « vigilance paysagère », approche directe, concrète et sensuelle des lieux que nous parcourons avec la caméra. Avec l’observation compréhensive nous construisons véritablement une relation à l’espace, au paysage et à celui qui l’habite.
Dans notre pratique filmique nous nous engageons avec l’observation compréhensive dans un rapport au territoire et au paysage qui prend en compte les émotions. Sans ces émotions nous pensons que l’interprétation paysagère serait incomplète. Nous croyons comme l’indique P. Guinard (2016) : « que les émotions participent à notre manière de nous rapporter et de nous identifier à l’espace, de l’habiter, de nous y déplacer, de le pratiquer ou encore d’agir sur lui ». Les émotions sont donc des outils de compréhension de l’espace et par conséquent des paysages que nous filmons. Dans nos films-recherches nous n’étudions pas les émotions, nous les acceptons et nous les prenons en compte. Elles font partie du film. Elles correspondent aux réponses affectives provoquées par un rapport à l’espace et au paysage. B. Morovich et P. Desgandchamp (2016) parlent d’émotions spatialisées. Notre travail filmique sur les changements paysagers se place dans une géographie des émotions qui peine encore à trouver sa place dans la discipline. Avec la prise en compte des émotions dans nos films-recherche nous assumons pleinement notre rapport d’intériorité avec les savoirs scientifiques et paysagers mis à l’écran, cette subjectivité et la positionnalité sensible et impliquée du chercheur dans son rapport au terrain (Volvey et al., 2012). Nous les revendiquons. Il y a dans ce choix de posture et d’approche méthodologique l’expression de notre engagement : « Appréhender nos émotions, non comme un biais mais comme une expression de ce qui nous relie au monde et aux autres, permettrait alors de mieux rendre compte de la manière dont nous produisons notre terrain, dont nous faisons de la géographie » (Guinard et Tratnjek, 2016).
Les émotions qui nous intéressent sont les émotions des habitants filmés qui observent leurs paysages, qui se réjouissent d’une belle vue ou qui s’inquiètent d’un changement brutal dans leur cadre de vue. Ces émotions paysagères sont aussi celles, partagées, du chercheur filmeur qui devient un « sujet-cherchant » (Volvey, 2012) et un corps engagé dans l’espace. Nos films-recherches enregistrent et entremêlent les sensibles de chacun sur la pellicule. A. Marshal (2009) parle de « la sensibilité photographique du géographe ». Nous parlons d’une sensibilité filmique et nous la défendons, car c’est en partie avec cette prise en compte des émotions que le paysage devient véritablement « personnage4 ». Le paysage n’est pas à la périphérie du film-recherche mais bien au cœur de l’image, au premier et non à l’arrière-plan. Nous pensons que le paysage est émotion(s). L’observateur et l’observation ne suffisent pas à son existence et : « le paysage a dorénavant un statut de concept évoquant la relation sensible de la société au cadre de vie qui l’entoure » (Geisler, 2013). Sans les émotions la concordance que nous défendons entre le sujet, la méthode et l’écriture serait incomplète. Nous ne nous limitons donc pas à montrer le paysage visible, celui qui ne ferait que renvoyer à l’observation comme nous l'avons déjà évoqué, cette fois nous le rendons visible (Klee, 1998) par la prise en compte des filtres sensibles de tous ceux (l’équipe de chercheurs filmeurs, les habitants filmés) qui le regardent et qui le pratiquent, l’apprécient ou le rejettent. Nous donnons à partager cette esthétique silencieuse d’un instant inattendu de fin d’hiver ou du contraste entre la ville et la campagne sur un toit de Toulouse.
Nous ne choisissons pas seulement d’utiliser ces images parce qu’elles sont de belles images de paysage, qui plairont aux spectateurs, mais parce que nous sommes convaincus qu’elles portent le sens de nos émotions paysagères, visuelles et sonores, à ce moment précis, émotions transmissibles à l’écran et peut-être partagée par le spectateur. Nous ne nions pas la part esthétique de la création géographique (Volvey, 2016). Nous la revendiquons même dans nos films. Nous sommes, par exemple, attentifs à la qualité de la lumière : « en particulier lorsque l'on filme des paysages. On recherchera les lumières obliques du commencement et de la fin du jour. Parce qu'elles permettent de mieux rendre la profondeur » (Browaeys, 1999).
C’est de cette façon que nos films-recherches font véritablement exister le paysage en tant que tel. Il est « le personnage » du film, l’acteur principal. Et comme le soulignent J-P. Fontorbes et A-M. Granié (2018) : « le film permet l’adéquation entre l’objet et son écriture par la mise en vue du sensible et l’impression (au sens imprimer) de la diversité des émotions ». La prise en compte du sensible dans nos réalisations est d’autant plus intéressante et légitime que l’émotion paysagère semble universelle. Nous pensons que le paysage provoque la plupart du temps des émotions, même si nous sommes conscients que l’on peut traverser un paysage sans le voir. Par exemple dans le documentaire de L. Hasse (2012) le paysage incarne « le bonheur », le sien et celui des habitants avec lesquels le réalisateur discute chemin faisant. Pour d’autres il pourra mobiliser la peur, l’inquiétude, la crainte, la fierté, l’indignation, l’enthousiasme, la joie, la satisfaction, la haine, le mépris, etc. (Guinard et Tratnjek, 2016). Avec les images et les sons nous rentrons pleinement dans cette émotion paysagère qui détermine l’expérience de paysage et « l’évocation des plaisirs s’opère en restituant l’émotion qui touche l’observateur. » (Pollien, 2007). Nous enregistrons non seulement des paroles et les expressions verbales de l’émotion paysagère mais nous captons aussi – et surtout - tous les signes non verbaux du sensible : des regards, des hésitations, des intonations, des gestes, des postures, des silences, etc. Nous aurions pu facilement utiliser par exemple les paroles de ce président de SAFER qui nous explique les modalités compliquées d’une transaction foncière concernant des terres agricoles à bâtir. Nous avons choisi de faire parler à l’écran son long silence et son regard fuyant, pour donner à comprendre son embarra et avec, la complexité d’arrangements politico-économiques qui prennent le pas sur le projet de paysage. Le silence nous parle ici des stratégies d’aménagement d’un territoire et d’un impact sur le devenir esthétique des lieux.
Avec le film de paysage nous rendons aussi visible un indicible souvent force d’évocation émotionnelle qui nous informe sur un positionnement paysager (goût, colère, satisfaction, etc.) et pourtant difficile à enregistrer d’une autre manière, notamment à l’écrit. Nous inscrivons nos réalisations filmiques dans cette posture compréhensive qui consiste à s’imprégner mais aussi à accepter de se laisser surprendre, notamment par les émotions, les siennes et celles des autres, pour faire une place à l’informalité (Colignon, 2017), enregistrer ce qui surgit, les situations authentiques que nous interpréterons par la suite. Quand nous filmons le paysage nous sommes donc à l’affût, sur nos gardes, en éveil, en observation active. Chez Mme H., par exemple à Vigoulet-Auzil, qui discute avec nous des paysages qu’elle habite. Soudainement dans la conversation son visage s’éclaircit, ses traits se font différents et sa voix nettement plus enjouée, son intonation change, ses mots sont plus appuyés, et dans le silence qui précède, comme pour marquer davantage l’importance de son annonce paysagère : « Ici les paysages, mais ce sont des vraies peintures, de vraies peintures !!! », puis la répétition pour surligner davantage son ravissement quotidien d’un cadre de vue de qualité. Dans ce court plan séquence, tout y est pour exprimer l’émotion paysagère de notre interlocutrice saisie sur le vif et cet attachement à l’esthétique des lieux vécus ; les gestes, l’expression du visage, l’intonation de la voix, et peu de mots suffisent à signifier la force et l’intensité du plaisir paysager.
Ce sont pour nous les signes à saisir et à montrer à l’écran, ceux d’une motivation à résister contre l’urbanisation programmée de son territoire. Nous donnons à voir et à comprendre l’émotion paysagère des autres en utilisant à l’écran les images d’un langage non verbal. Avec la caméra et le micro nous nous faisons chasseurs d’instants et de signes.
Ces signes paysagers ne sont pas que des images, ils sont aussi des sons. Nous pensons que le son : « à travers les émotions qu'il engendre, participe à fabriquer l'identité des lieux ou à la révéler aux usagers » (Morovich et Desgrandchamp, 2016). Le paysage s’écoute. Il a sa propre musicalité. C'est elle qui nous renseigne à l’écran sur sa composition et la vie de ce paysage. Notre « écoute visuelle » du paysage se double alors d’une « écoute sonore », et l’observation d’une approche acoustique, tout cela pour compléter notre imprégnation et notre immersion totale dans le paysage que nous filmons. Le rôle de l’oreille dans l’immersion est fondamental (Torgue, 2017). Dans nos films-recherches nous n’entendons pas, nous écoutons le paysage et nous découvrons avec les sons ce qui est hors cadre, autrement dit cette musicalité. D’autres spécialistes du design sonore parlent de signature (Carron et al., 2015), renvoyant à l’idée d’identité et de marque. Cette signature sonore nous permet de travailler indirectement la composition du cadre : « Ce que l'on choisit d'y accueillir et donc ce que l'on élimine. Rappelons que c'est là que se joue le caractère indiciaire de l'image » (Browaeys, 1999). Nous choisissons un visuel à partir d’un audio. Nous faisons véritablement de l’audiovisuel. Cette signature sonore nous renseigne aussi sur les caractéristiques et les particularités des lieux que nous filmons, le « soundscape » selon Shafer (1979) car : « l’ouïe est capable de saisir le lieu en tant qu’unité paysagère composée ». Les sons d’un territoire, d’un espace témoignent d’une présence, d’une activité. Ils donnent vie au paysage et provoquent eux aussi des émotions. Cette émotion sonore peut être une gêne alors un « bruit » (Torgue, 2017) ou au contraire un plaisir et plutôt une musique. C’est cela que l’on retrouve dans Ascenseur pour le potager (Bories et Fontorbes, 2018). Nous acceptons sur le toit potager de filmer avec le bruit incessant de la soufflerie des machines. Il nous agace parce qu’il recouvre les conversations des jardiniers et brouille la compréhension des interactions sociales qui se jouent là-haut et que nous étudions, mais ce bruit fait partie de cette réalité du lieu, de ces caractéristiques paysagères acoustiques avec lesquelles nous voulons discuter d’espaces, de frontières et de géographie. « Les sons d’en haut, les bruits d’en bas contribuent à rendre compte de la représentation du potager sur le toit. Les bruits des machines mais aussi celui des voitures dans la rue, des avions dans le ciel ; les sons des mains jardinières qui écartent les feuilles, qui enlèvent les gourmands, qui ratissent la terre, le son de l’eau qui sort de l’arrosoir nous en disent long sur le potager et son paysage, son rapport en rupture avec la ville, en bas, toute proche. Les émotions et les plaisirs s’entrechoquent. Nous n’avons pas besoin d’enregistrer un commentaire pour comprendre la symphonie du jardin » (Bories et al., 2018). Nous choisissons avec le film de nous faire entrer dans le paysage sonore de ce jardin. Nous composons avec les bruits, sans trop les atténuer au montage pour mieux donner à partager la réalité de ce paysage d’agriculture urbaine.
En nous intéressant à la signature sonore nous renforçons l’appréhension et la prise en compte du sensible et des émotions dans notre engagement filmique et notre quête de sens entre sujet, outil et écriture. Comme l’indique J. Sapiéga (2010) : « cela nous permet d’entrevoir le fait que le son offre lui aussi une ressource de spatialisation très importante ». Pour reprendre les propos de J. Lévy (2013) : « le son nous intéresse donc en ce qu’il éloigne ou rapproche la perspective d’une prise en compte de l’espace ». La notion de paysage sonore n’est pas assez utilisée, notamment dans le domaine de l’aménagement de l’espace. Il reste à inventer des méthodes et des outils de qualification du paysage sonore (Geilser, 2011, 2013). Avec l’audiovisuel et l’avantage de pouvoir travailler et écrire sur le paysage à deux niveaux de langages et de sens combinés, visuel et sonore, qui parlent à notre sphère intime et permettent d’établir une interface avec l’extérieur nous y voyons cette perspective intéressante. Les émotions dans les films que nous réalisons interroge volontairement la part esthétique de la création géographique (Volvey, 2016).
Notre posture méthodologique audiovisuelle ne se cantonne pas seulement à l’observation visuelle et sonore du paysage aussi fertile soit-elle. Nous rappelons que nous filmons à l’articulation de la production paysagère et des producteurs de paysage. Nous nous intéressons donc aussi à ceux qui composent le cadre de vue et nous étudions avec l’audiovisuel le rôle des représentations et les interactions sociales dans le résultat du projet et de l’action paysagère. Nous plaçons notre questionnement filmique dans le travail d’A. Berque et son interrogation : « comment se fait-il que notre civilisation, qui possède de tels moyens d’agir sur son milieu, maîtrise si peu le sens de cette action ? Étudier, en tant que tel, le sens de la relation des sociétés à l’espace et à la nature, ce peut être un premier pas vers la maîtrise de ce sens ». (Berque, 2000). Il n’y a pas de projet de paysage sans représentations sociales. Alors pour le comprendre le projet de paysage il faut investir le sens et les valeurs de ceux qui portent l’action. Nous associons donc à l’observation paysagère et à la prise en compte de l’émotion dans notre pratique filmique la « rencontre sociale » avec des jeux de hasard, de contingence, de rendez-vous conversationnels (Granié, 2005) très importants. Dans cette rencontre il faut « savoir être là », comme le dit C. Lallier (2011) quand il parle d’observation filmante : « au sens d’établir et de maintenir une relation sociale avec les personnes filmées, de construire une relation de face-à-face avec ceux que l’on filme, afin de percevoir ce qui se joue, ce qui se produit symboliquement, dans la situation d’échanges observée ». Ces rendez-vous conversationnels sont des temps d’échanges où chacun apprend à se connaître et à se reconnaître par le partage d’idées, (pas simplement paysagères) et de représentations du monde allant jusqu'à l’objet méthodologique qui nous semble le plus approprié à notre quête de sens : le film-recherche. Comme l’indiquent A-M. Granié et J-P. Fontorbes (2017) : « avec le film nous construisons une relation très intéressante de réciprocité dans la reconnaissance, sans laquelle rien n’est possible ». La rencontre organise notre proximité avec ceux qui habitent et fabriquent les paysages que nous étudions. Et la proximité nous engage un peu plus dans cette immersion presque « obsessionnelle » qui pilote notre approche filmique des paysages. Comme l’indique J-P. Fontorbes (2013) : « le film recherche est une histoire de rencontre » et de confiance.
C’est la confiance avec les filmés, nos partenaires dans la recherche, qui nous autorise à accéder avec la caméra et le micro à ces espaces, parfois réservés, que nous avons besoin d’investir pour étudier. La relation de confiance a ici quelque chose à voir avec la géographie. C’est par exemple dans le film Des champs et des maisons (Bories et Cazenave, 2017) la salle d’un conseil municipal où se discute – non sans tensions intéressantes pour le chercheur – et se vote en assemblée d’élus le nouveau plan local d’urbanisme, celui qui officialise le déclassement des terres agricoles en zones urbanisables et signifie ce prochain changement paysager territorial qui alimente la contestation locale.
C’est aussi le toit, celui d’une clinique privée dans laquelle on ne rentre pas si l’on n’a pas besoin de soin, encore moins avec une caméra eu égard à l’intimité des malades. T. Theys (2015) rappelle que l’établissement de santé qui s’est érigé en enclave urbaine est un lieu clos. On parle d’ailleurs d’enceinte hospitalière. Jamais nous n’aurions pu nous percher sur le toit de cet établissement et conduire nos investigations scientifiques et filmiques sur cette opération potagère sans la confiance absolue et l’engagement d’une direction. Nous avons filmé dans un lieu géographique particulier, en hauteur (risques) et au milieu des appareils qui alimentent les dispositifs médicaux des étages en dessous, les blocs opératoires.
Par l’expérience de notre entrée dans l’enceinte qui relève d’une relation de confiance pleinement établie – mais aussi celles d’autres acteurs extérieurs -, nous avons pu interroger dans le film-recherche le franchissement de l’enceinte, discuter du contact et de la connexion avec ce dehors (nous) qui entre dedans. L’hôpital devient avec ce jardin potager le lieu d’une hospitalité qui nous permet avec les images et les sons d’interroger les frontières et les circulations, de réaliser un film de géographie et de paysage.
Dans notre méthode filmique nous tenons autant à la qualité de l’observation et aux émotions qu’à celle des liens qui nous unissent aux enquêtés le temps de la recherche. « “Savoir filmer” n’implique pas de maîtriser une quelconque grammaire cinématographique mais de savoir être là, au sens d’établir et de maintenir une relation sociale avec les personnes filmées, de construire une relation de face-à-face avec ceux que l’on filme, afin de percevoir ce qui se joue, ce qui se produit symboliquement, dans la situation d’échanges observée » (Lallier, 2011). De toute façon il nous serait bien impossible d’observer et de capter l’émotion quelle qu’elle soit, et ici paysagère sans y associer la rencontre humaine. La méthode fait ici du sens et le lien entre l’observation, l’émotion et la rencontre, trois des quatre piliers de notre approche filmique. Par ailleurs il ne faut pas oublier que cette relation aux hommes et aux paysages s’établie avec le temps. Alors nous filmons en prenant le temps d’obtenir des paroles paysagères et nous prenons le temps de filmer, souvent des plans longs pour rentrer dans nos paysages et laisser aux autres aussi le temps d’y rentrer, par exemple sur les coteaux agricoles de Vigoulet-Auzil dans le brouillard. Si la durée moyenne du plan au cinéma a été divisée par deux en cinquante ans, passant de 10 à 5 secondes, nous montrons avec nos films-recherches en général et sur le paysage une autre façon de filmer, saisissant toutes les occasions de notre immersion et de celle du spectateur. Nous faisons un « cinéma du processus » (Fontorbes, 2013). En filmant les paysages et ses producteurs nous voulons prendre le contre-pied d’une recherche scientifique productiviste qui ne prend plus le temps. La construction du paysage nécessite du temps. Notre démarche audiovisuelle et scientifique avec l’audiovisuel est aussi en cela militante.
Il y a dans notre approche filmique et nos films-recherche cette volonté de rentrer dans l’expérience avec une posture d’observation de l’ordinaire. Nous filmons au plus près avec les gens, avec les lieux et ces paysages « ordinaires » (Luginbühl, 2007) du périurbain et de la ville qui mettent en avant une relation « tissée dans la quotidienneté » et qui renvoient à une plus grande proximité et une plus grande subjectivité (Bigando, 2006). En filmant l’ordinaire nous établissons un nouveau point d’achoppement entre le sujet, la méthode et l’écriture. Et nous pénétrons non seulement l’expérience mais nous en faisons partie. Dans notre pratique filmique nous choisissons d’être à la fois dehors et dedans, témoin et partie prenante de la scène (Depardon, 1983), paysagère, que nous étudions. Nous nous embarquons dans la complexité (Morin, 2005). Nous filmons de façon « buissonnière », en référence à Pierre Sansot qui s’est fait le défenseur en France d’une appréhension buissonnière des paysages ; c’est-à-dire que les images et les sons sont prélevés et produits dans la déambulation, au fil des jours, des situations, des évènements, des rencontres et des pratiques, paysagères. Ici aussi nous nous laissons surprendre par l’imprévu. Nous nous « accordons à la situation » comme l’indique C. Lallier (2018), en observant les règles de l’échange, au sens de les respecter en tant qu’observateur, afin de pouvoir les décrire. De cette façon nous faisons aussi entrer l’autre, c’est-à-dire le spectateur du film-recherche, dans notre expérience du paysage et nous proposons « un cadre interprétatif permettant au spectateur de produire par lui-même sa propre compréhension de la circonstance observée… » (Lallier, 2009) et donc de faire aussi son expérience paysagère. Nous ne dispensons pas le sujet spectateur de ses responsabilités d’écoutes paysagères, visuelle et sonore, et nous n’en faisons pas un sujet passif qui subirait les territoires filmés (Chion, 1993). Nos films-recherches ne font pas de place à l’extériorité. Comme un paysage ils ne sont pas à voir mais à regarder. On s’embarque alors tous ensemble dans une expérience paysagère, sur le toit de la clinique pasteur à Toulouse, ou sur les coteaux de Vigoulet-Auzil.
Si nos films de paysages se nourrissent des émotions et des sensibles pour faire exister à l’écran l’observation géographique et faire du paysage « un personnage » ils sont aussi les résultats audiovisuels de notre approche filmique. Elle est interdisciplinaire et nos films de paysages en géographie sont « socio-géographiques ». Cette entrée par le paysage et l’étude filmique du projet de cadre de vue appelle la rencontre entre deux disciplines : la géographie, sociale, d’un côté et la sociologie, compréhensive de M. Weber (2011) d’un autre, qui s’intéresse par le comportement au sens que les gens et les organisations donnent à leurs pratiques. Le film (de paysage) nous permet véritablement d’agir sur le décloisonnement disciplinaire et d’organiser ce métissage des points de vue que la recherche scientifique en géographie peine bien souvent à mettre en œuvre : « les rapports des géographes avec l’interdisciplinarité sont aujourd’hui assez tièdes alors même que cette discipline pourrait être en un sens considérée comme un archétype de l’interdisciplinarité sur le front des rapports entre sciences sociales et sciences de la nature » (Mathieu, 1992). Nos films composent avec une pluralité des regards, des postures théoriques, des formes de pensées et d’écriture qui concourent non seulement à une géographie sociale renouvelée au plan méthodologique parce que l’approche avec les images et les sons montre, fait ressentir, interpelle le regard et l’écoute. Elle permet de confronter nos représentations auprès de celles et de ceux qui sont dans le paysage lorsqu’on leur projette le film. Les recueils d’avis de réception enrichissent considérablement nos analyses. Certains regardants découvrent ou/et redécouvrent in fine leur paysage. L’implication des personnes filmées renforce leurs identités, leurs points de vue, leurs regards sur le paysage. On est dans une sorte « d’intériorité » de géographie sociale. Le regardant filmé a une posture assumée dès lors qu’il permet une plus large diffusion du film. (Nous montrons toujours nos films pour accord avant de les diffuser). Tout cela procède d’une nouvelle approche du terrain, donc d’une méthodologie aussi renouvelée. L’approche filmique permet de comprendre et de montrer le paysage autrement, dans des temporalités différentes. Elle vient enrichir dans cette thématique paysagère des concepts clés de la géographie tels que l’observation, la description, le mouvement mais aussi la trace. Le film de paysage nous permet d’installer une nouvelle forme de surveillance paysagère. Elle n’est pas photographique comme celle produite par les observatoires photographiques du paysage (DGALN, 2008) mais filmique. Alors j’imagine aussi avec nos films recherches la construction, embryonnaire à ce stade mais jamais proposée, d’un observatoire filmique des paysages. Il s’agit de construire une surveillance audiovisuelle des paysages, dans le sillage et une perspective d’évolution des travaux conduits par la DATAR et la mission photographique, car « les images animées ont valeur d’archive qu’il s’agisse d’un film monté ou de rushes inutilisés mais souvent très intéressants. Ces documents peuvent alors faire l’objet d'une analyse comme n’importe quelle autre source de données géographiques » (Chenet et al., 2011).
1 Article rédigé à partir de la communication « Quand l’agriculture prend de la hauteur et s’installe sur un toit. Filmer au jardin potager de la clinique Pasteur à Toulouse », faite au colloque « Le film dans la pratique de la géographie », Session 5 « Des films de géographes », par Olivier Bories, Jean-Michel Cazenave, Jean-Pascal Fontorbes, Anne-Marie Granié, UMR CNRS 5193 Lisst-Dynamiques rurales, Université Toulouse 2.
2 La sociologie visuelle est beaucoup plus institutionnalisée à l’étranger, dans les pays anglo-saxons, particulièrement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, notamment avec les « Visual Studies » en tant que domaine expérimental d’étude et de recherche consacré à l’ensemble des artefacts visuels créés par l’homme, de leur production à leur réception.
4 Dans mon acception « le personnage » renvoie aussi à l’idée du dialogue, des interactions et des interrelations entre le paysage et le chercheur et les acteurs qui sont dans ce paysage. Le paysage est au centre de l’investigation. Je filme et j’interprète toutes les formes de liens et d’émotions avec le paysage.
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