Revue Française des Méthodes Visuelles
Géographies audiovisuelles

N°3, 07-2019
ISBN : 978-2-85892-471-4
https://rfmv.fr/numeros/3/

Cadrages Débordements

Framing Overflows

Nos films recherche. Histoires de rencontres

Our research films. Stories of encounters

Jean-Pascal Fontorbes, Maître de conférences HDR, ENSFEA, CNRS, UMR 5193, LISST Dynamiques Rurales

Anne-Marie Granié, Professeur émérite de sociologie, CNRS, UMR 5193, LISST Dynamiques Rurales

Dans ce texte, Jean-Pascal Fontorbes, réalisateur, et Anne-Marie Granié, sociologue, reviennent sur trente ans de collaboration entre terrains de recherche, analyses sociologiques et langage cinématographique. À travers l’analyse de trois de leurs films, ils nous montrent des situations de co-construction et défendent un modèle de « films recherche » fondés sur la rencontre avec l’autre, sur la compréhension des identités, sur l’observation des paysages et des émotions qu’ils suscitent, et sur l’attention portée aux interactions sociales.

Mots-clés : Films recherches, Rencontres, Identités, Paysages, Émotions, Travail

In this paper, Jean-Pascal Fontorbes, film director, and Anne-Marie Granié, sociologist, reflect on a thirty-year-long collaboration based on fieldwork, sociological analysis and cinematographic language. Through the analysis of three of their films, they highlight situations of co-construction and defend a model of “films recherche” based on encounters, understanding of identities, observation of landscapes and emotions, and attention given to social interactions.

Keywords : Films recherche, Encounters, Identities, Landscapes, Emotions, Work

Galerie des images
Image 1a - photogramme 1 : échauffement, <em>Le rugby dans le cuir</em>, 1985. Image 1b - photogramme 2 : vestiaire, <em>Le rugby dans le cuir</em>, 1985 : Mise en scène des corps, des rugbymen de Graulhet, expressions d'identité collective et individuelle, place du territoire et de la compétition sportive dans la construction de l'identité de l'équipe Image 2 - Photogramme de <em>Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches</em> (2009). [Valadier chemin estive] : Nous avons fait la montée des vaches à l’estive avec M. Valadier, ses fils et sa famille. Il partageait avec ses vaches ce désir de montagne, d’herbe et de fleurs. La distance parcourue n’a pas le sens de la distance exprimée en kilomètres. Le sens est donné par la traversée des paysages à l’ombre, au soleil, entre les arbres, sur le sentier, sur la route, en traversant un ruisseau. Image 3 - Photogramme de <em>Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches</em> (2009) [Valadier à l’estive regarde ses vaches] : Le paysage est avec le troupeau, le troupeau est dans le paysage, le troupeau contribue à la mise en vue du paysage. L’approche socio-géographique audiovisuelle témoigne de cette cohabitation. Images 4 - André Valadier à la foire de Lacalm Aveyron en 1953 ; La construction du métier et le contact avec les vaches. Photogrammes film de famille Valadier. Images 4 - André Valadier à la foire de Lacalm Aveyron en 1953 ; La construction du métier et le contact avec les vaches. Photogrammes film de famille Valadier. Images 6 - Photogrammes de Terroir, territoire, Aubrac : <em>Je vais voir mes vaches</em> (2009) Laguiole en 1953 et en 2009. Images 7 - Photogrammes de Terroir, territoire, Aubrac : <em>Je vais voir mes vaches</em> (2009) Laguiole en 1953 et en 2009. Images 8 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)<br/> Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté Images 9 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)<br/> Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté Images 10 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)<br/> Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté Images 11a – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)<br/> Couples dans leur décor domestique. Images 11b – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)<br/> Couples dans leur décor domestique. Images 11c – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)<br/> Couples dans leur décor domestique.

Cadrages Débordements

Nos films recherche. Histoires de rencontres

Introduction

Notre propos s'inscrit dans une longue réflexion inachevée concernant les apports de l'audiovisuel dans le dévoilement des réalités sociales. Il se place résolument du côté de l'écriture cinématographique comme écriture scientifique dans notre configuration interdisciplinaire de la sociologie et de l'audiovisuel produisant ce que nous appelons nos « films recherche » en tant qu'objets scientifiquement produits et producteurs de connaissances.

C’est à partir d'une posture réflexive que nous avons senti la nécessité de rendre compte de situations majeures de notre travail, les rencontres vécues, observées, analysées dans un mouvement perpétuel de « cadrages débordements ». Au rugby, le cadrage débordement est une manœuvre qui consiste à prendre à contre-pied un défenseur pour pouvoir ensuite le déborder en accélération. Nous utilisons cette expression car elle correspond bien à notre posture interdisciplinaire entre sociologie et cinéma : il s’agit d’allers-retours sur nos terrains de recherche entre les situations prévues et celles qui nous surprennent et que nous prenons en compte ; c’est aussi « le jeu » entre la sociologue et le cinéaste qui chacun à son tour déborde l’autre. Ces situations nous assurent et nous rassurent sur l'idée que la compréhension du monde se situe dans des situations de co-constructions.

La scientificité et la créativité constituent les deux fondements de ce que nous nommons le film recherche. D’une part, un film recherche s’attache à des sujets qui font l’objet d’un questionnement scientifique, c’est-à-dire que la recherche est effectuée avec le film, dans tout son processus. D’autre part, le film recherche a pour but d’interpeller la manière de filmer elle-même. Le film prend ainsi une dimension heuristique qui renvoie aux gestes du cinéaste et principalement au geste documentaire. Nous avons résumé le processus de réalisation du film recherche comme « une quête en direction d’une élucidation du réel vers une connaissance approfondie de la réalité sur laquelle le chercheur-cinéaste pose un regard particulier » (Fontorbes, 2013, p. 46-47).

Ces films de chercheurs sont des regards particuliers posés sur la réalité sociale. Tout chercheur doit accepter d’être soumis à la controverse, à l’interrogation. On est toujours en plein doute, aux frontières de la connaissance. Les films de recherche en SHS sont de véritables entrelacs de questions anthropologiques, géographiques, sociologiques, historiques et de questions cinématographiques, qui se nourrissent les unes des autres.

1. La rencontre cinéaste sociologue

La rencontre entre Anne-Marie Granié sociologue et Jean-Pascal Fontorbes cinéaste a été décisive, elle a lieu en 1980, sur le projet de film Ernest, le dernier pêcheur professionnel de la rivière d’Agout dans le Tarn. Jean-Pascal Fontorbes avait eu l’autorisation du professeur Bernard Kayser, de faire un film pour sa maitrise de géographie, qui montrait la relation d’Ernest à son milieu naturel. Au regard du cinéaste, la sociologue qui travaillait sur la thématique cultures et sociétés apporta les questionnements identitaires.

Cette approche avec le film est apparue pertinente pour la sociologue qui voulait aussi comprendre le sens des pratiques techniques en lien avec le social. Le réalisateur de son côté a été saisi de la richesse que pouvait apporter le croisement des regards, des manières de faire, et d'aborder tour à tour et en même temps le champ et le hors-champ constitués par nos objets d'études.

De la rencontre « en faisant » des premiers films recherche on est passé à la complicité. Chacun reste imprégné d'habitus disciplinaires forts, mais nous osons aussi prendre en compte ce que nous comprenons de la place de l’autre. La confrontation des débordements imposés par l’autre sont un enrichissement pour lire, voir, et comprendre la complexité. Encore aujourd’hui, c’est « l'homme à la caméra » et « la femme à la plume » qui nous caractérisent. Sans la rencontre il n'y a pas d’interrelation, d’intercompréhension, de relation dialogique et de relation de situations nécessaires à l'accomplissement de l'interdisciplinarité traduite ici par les films recherche. Dans cette rencontre nous regardons autrement - on regarde avec plusieurs yeux : l’œil de la sociologue, l’œil du cinéaste et l’œil de la caméra - et on traduit autrement. Cela veut dire que nous posons autant que faire se peut le regard avec les intentions de la recherche. On s'interroge tour à tour, et avec des outils différents, sur la manière dont on regarde l'autre et les choses.

Le séminaire « Sociétés, Images et Sons » de Toulouse

Depuis quatorze ans, nous animons un séminaire consacré à l’audiovisuel dans la construction et l’écriture des connaissances en Sciences Humaines et Sociales et à la création-recherche en cinéma. Résultat d’un partenariat entre l'UMR LISST-Dynamiques Rurales (Université Toulouse Jean-Jaurès), l’École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole (ENSFEA), l’École Nationale Supérieure de l’Audiovisuel (ENSAV) et Le Laboratoire de Recherche en Audiovisuel (LARA-SEPPIA), ce séminaire interroge les différentes manières de voir, de relever, de dire, de montrer, de rendre compte de savoirs situés. Convaincus, avec Leroi-Gourhan (1964), que l’entrelacs des images et des sons est une forme de la pensée manuelle, nous cherchons à introduire de plus en plus et de mieux en mieux la formation aux pratiques de l’audiovisuel, quelle que soit la procédure de recherche. Nous développons ainsi une réflexion autour de notions telles que « le paysage de la conscience » ou « le paysage de l’action ».

Ce séminaire traite des aspects méthodologiques et théoriques de l'audiovisuel dans la recherche en sciences sociales et en sciences humaines. Il compare films recherche et documentaires de création à partir de films, d’extraits et de rushes. Une partie de chaque séminaire est traditionnellement consacrée aux débats autour de la présentation de films réalisés par des étudiants. L'ensemble de la démarche se veut un espace d'échanges entre chercheurs en sciences humaines et sociales, étudiants, et professionnels des images et des sons, afin d’interroger la relation dialogique qui lie chercheurs et réalisateurs.

2. La rencontre avec les filmés dans Le Rugby dans le cuir (1985)

Ces rencontres étaient exceptionnelles dans le sens où elles nourrissaient immédiatement le corps de mon regard ; c'est-à-dire une façon d'écouter, de voir, d'imaginer, de m'approcher, de m'éloigner, de rentrer dans l'univers du ou des filmés, de comprendre le sens, de le construire filmiquement (choisir, assembler des fragments). (Fontorbes, 2003, p. 219)

Pour nous il n’y a pas de film recherche sans rencontre. Nos films recherches sont des histoires de rencontre qui co-construisent le dévoilement.

Pour recueillir des récits, avec les mots, avec le corps, il faut être dans la relation. S'il n'y a pas rencontre, il ne peut y avoir de relation. L’attitude d'écoute est centrale dans notre démarche. Écouter c’est prendre en compte l'autre qu'il soit individu ou objet pour s'approcher le plus possible de son point de vue, de ce qu'il est, même si nous ne sommes pas dupes des sur-déterminations qui peuvent influencer notre écoute et notre regard. Le temps est aussi central dans notre travail. Le temps de la rencontre, le temps du récit, le temps du faire, et le temps du regard.

La rencontre est-elle imposée par les chercheurs ? Parfois oui ; la caméra participe de la mise en scène du réel ; parfois non, les filmés peuvent imposer leur mise en scène. Le plus souvent la mise en scène du réel est le fruit de la rencontre c'est-à-dire de la relation établie que traduit une inter-compréhension, une écoute réciproque.

Le temps est aussi une prise de risque. Dans un temps long il peut y avoir des ruptures, des lassitudes, des conflits. Quand nous passons du temps avec des gens nous pouvons rendre compte de situations presque ordinaires. La caméra n'est pas invisible mais trouve sa place dans le collectif formé par les chercheurs et les filmés.

Vidéo 1 - <em>Le Rugby dans le cuir</em>rfmv

Vidéo 1 - Le Rugby dans le cuir
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié, 1985

Notre film Le Rugby dans le cuir offre un exemple du lien qui existe entre situation de rencontre et opportunité de filmer. Alors que nous filmions les joueurs dans les vestiaires avant un match important à Brive, nous avons été témoins d’une séquence de préparation des corps que nous analysons comme un véritable rituel intime (voir Images 1a et 1b).

Image 1a - photogramme 1 : échauffement, <em>Le rugby dans le cuir</em>, 1985.

Image 1a - photogramme 1 : échauffement, Le rugby dans le cuir, 1985.
© Extraits de Le Rugby dans le cuir, 1985

Image 1b - photogramme 2 : vestiaire, <em>Le rugby dans le cuir</em>, 1985 : Mise en scène des corps, des rugbymen de Graulhet, expressions d'identité collective et individuelle, place du territoire et de la compétition sportive dans la construction de l'identité de l'équipe

Image 1b - photogramme 2 : vestiaire, Le rugby dans le cuir, 1985 : Mise en scène des corps, des rugbymen de Graulhet, expressions d'identité collective et individuelle, place du territoire et de la compétition sportive dans la construction de l'identité de l'équipe
© Extraits de Le Rugby dans le cuir, 1985

Jean-Pascal Fontorbes (2007) explique que le manque d’espace lui a imposé une promiscuité forte avec les joueurs. Cela lui a non seulement permis de capturer « le rituel du vestiaire dans lequel le corps est central » et de montrer qu’il s’agit bien d’un « temps fort de la construction de l'identité collective de l’équipe ». À travers cette séquence, le cinéaste est aussi devenu, lui-même « une composante naturelle de l'ensemble du rituel » (Fontorbes, 2007, p. 188-189).

La séquence du vestiaire de rugby témoigne d’une reconnaissance et d’une confiance réciproque entre notre couple chercheur cinéaste et les filmés. De cette confiance naissent des conversations qui convoquent souvent le hasard et ses contingences. Si le cadrage renvoie au temps organisé, dans le sens prévu pour la rencontre, le débordement est convoqué par le hasard, il participe de la construction de sens proposé par la réalité imposée.

Se donner la possibilité de découvrir, d'être « embarqué », d'élargir le projet élaboré constituent pour nous un atout méthodologique. On apprend beaucoup de ces moments que l'on n'a pas prévus. « Nous utilisons le terme hasard dans le sens où Howard Becker dans Les ficelles du métier (2003) emploie la notion de coïncidence, c'est-à-dire à penser à ce type de dépendances que les événements entretiennent entre eux en termes de contingences » (Granié, 2005, p. 151).

3. Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches (2009) : Une histoire de territoire et d’émotions

La géographie travaille à la description, à l’analyse des lieux, le cinéma à la vision, à la sensation. Le cinéma se prête difficilement à la mesure, tant peuvent varier les paramètres de la prise de vue et de l’action d’un plan à un autre. Le cinéma peut certes opérer des prises de vues réglées au prix d’un appareillage et d’un paramétrage complexe, mais qui lui fait perdre ce qu’il a d’unique : sa capacité à saisir et à traduire publiquement nos manières d’habiter l’espace-temps, entre objectif et subjectif, entre réalité extérieure et vécu intérieur. Les films sont la matérialisation d’une géographie corporelle, pour ainsi dire, une exploration des lieux terrestres qui ne peuvent faire abstraction des corps qui y vivent, y ont vécu ou les ont traversés, y compris le corps du filmeur.

(Niney, 2003a, p. 26)

Une étude menée sur la construction territoriale nous a conduit à rencontrer André Valadier éleveur bovin sur le plateau de l’Aubrac Les nombreux moments que nous avons passés avec lui ont installé une connivence, un partage d’émotions qui ont fait émerger l’idée de fixer ses pratiques sociales, culturelles et professionnelles. Le film recherche Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches (2009), que nous avons réalisé rend compte de la complicité homme-territoire, sur l’Aubrac.

Le portrait d'André Valadier, est abordé dans son rapport au terroir, au territoire. N'est pas éleveur qui veut et où on veut. Le rapport au paysage, au temps, à la famille, au troupeau ; les pas, les traces des pas de l'homme, des vaches, les gestes et les regards rendent compte de cette complicité homme-territoire et de cette intimité de l’habiter. Au travers du portrait d'André Valadier et de ses récits (morceaux de vie et d'expériences), l’intention est de transmettre à celles et à ceux qui ne le savent pas (ou pas encore) que « l'on peut emprunter les mêmes pas sans remettre les sabots » (Valadier, 2009, extrait d’entretien). Il s’agit de ne pas tourner le dos à la tradition, tout en s’inscrivant dans la modernité pour s'ouvrir au monde et vivre dans le monde.

Vidéo 2 - <em>Terroir, territoire, Aubrac : <em>Je vais voir mes vaches</em></em>rfmv

Vidéo 2 - Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié, 2009

Le paysan fait le paysage

En référence aux travaux de B. Debarbieux (1999), nous nous sommes interrogés plus précisément sur la place occupée par l’estive comme lieu structurant le territoire du paysan et des animaux. Nous sommes restés longtemps sur l’estive avec la caméra (voir Figures 2 et 3). On y trouvait à la fois du social avec le buron, une proximité vache–homme–nature paysage, un espace ritualisé dans le temps. On est ici dans le temps d’en haut et dans « la nature ». À l’étable un peu plus tard on sera dans le temps d’en bas « enfermé ». Tout cela a du sens pour ceux qui le vivent, par la voix, les mots, les regards, les contacts paysan–vache–paysage. Le film fixe tout cela et nous convie à une géographicité centrée sur les acteurs qui « font avec l’espace » (Levy, 2013).

Image 2 - Photogramme de <em>Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches</em> (2009). [Valadier chemin estive] : Nous avons fait la montée des vaches à l’estive avec M. Valadier, ses fils et sa famille. Il partageait avec ses vaches ce désir de montagne, d’herbe et de fleurs. La distance parcourue n’a pas le sens de la distance exprimée en kilomètres. Le sens est donné par la traversée des paysages à l’ombre, au soleil, entre les arbres, sur le sentier, sur la route, en traversant un ruisseau.

Image 2 - Photogramme de Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches (2009). [Valadier chemin estive] : Nous avons fait la montée des vaches à l’estive avec M. Valadier, ses fils et sa famille. Il partageait avec ses vaches ce désir de montagne, d’herbe et de fleurs. La distance parcourue n’a pas le sens de la distance exprimée en kilomètres. Le sens est donné par la traversée des paysages à l’ombre, au soleil, entre les arbres, sur le sentier, sur la route, en traversant un ruisseau.
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié, 2009

Image 3 - Photogramme de <em>Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches</em> (2009) [Valadier à l’estive regarde ses vaches] : Le paysage est avec le troupeau, le troupeau est dans le paysage, le troupeau contribue à la mise en vue du paysage. L’approche socio-géographique audiovisuelle témoigne de cette cohabitation.

Image 3 - Photogramme de Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches (2009) [Valadier à l’estive regarde ses vaches] : Le paysage est avec le troupeau, le troupeau est dans le paysage, le troupeau contribue à la mise en vue du paysage. L’approche socio-géographique audiovisuelle témoigne de cette cohabitation.
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié, 2009

Les images 2 et 3 montrent que le paysage est toujours présent dans le métier d’éleveur pratiqué, vécu, raconté par M. Valadier. Le paysage entoure le paysan, le paysan fait le paysage, le paysage est dans et hors de l’étable, le paysage est aussi l’étable. En filmant la relation entretenue entre ce paysan-éleveur et son paysage, on tire le fil du métier de paysan, d’éleveur avec le temps qui marque le paysage dans le sens de le façonner. Le temps pris ici dans l’acception de la durée ; avec le temps qu’il fait, le temps lié aux saisons lorsqu’elles sont identifiées. Le temps nourrit la polysémie du paysage et les temps du métier. Ainsi, comme dirait J. Berque (2004) nous avons partagé une mise en relation de l’existence individuelle à son contexte spatial. Lorsqu’André Valadier s’entretient avec nous, adossé aux tuiles de lauses, l’homme et la matière sont réunis. Appuyé sur son bâton, adossé au toit l’homme se confie et nous interpelle.

Fixer l’évolution des paysages

L’esprit des lieux n’est pas dans les lieux mais dans les hommes […] les lieux n’ont pas d’esprit ; mais chacun leur en prête.

(Brunet, 1991, p. 24)

L’esprit des lieux se caractérise par des séquences d’évolutions, des séquences de résistances […] mais toujours dominées par des évidences liées au milieu nature […]. Il faut tenir compte de l’altitude, de la ressource à peu près unique : l’herbe.

(André Valadier, 2009, extrait d’entretien)

Valadier a mis à notre disposition des films de famille qui dans notre film prennent un caractère scientifique, dans le sens où ils apportent des connaissances d’hier. Le cinéma a fixé des choses qui sont des témoignages. Ces documents témoins à quarante ans d’intervalles prennent une autre dimension.

Images 4 - André Valadier à la foire de Lacalm Aveyron en 1953 ; La construction du métier et le contact avec les vaches. Photogrammes film de famille Valadier.
Images 4 - André Valadier à la foire de Lacalm Aveyron en 1953 ; La construction du métier et le contact avec les vaches. Photogrammes film de famille Valadier.

Images 4 et 5 - André Valadier à la foire de Lacalm (Aveyron), en 1953 ; La construction du métier et le contact avec les vaches. Photogrammes film de famille Valadier.
© A. Valadier

Nous les empruntons, les confrontons aux images actuelles et donnons une mise en perspective. Les mêmes paysages filmés dans les années cinquante et aujourd’hui se font ainsi écho, tout comme les mêmes paysages en fleurs au printemps et sous la neige en hiver se répondent. Nous avons voulu par ces images retrouver le « sentiment d’altitude et sentiment d’élévation » (Gracq, 1992), en filmant le paysage comme l’endroit où le ciel et la terre se touchent. Le cinéma permet de rendre compte de ce regard sur cette part du ciel qui entre en terre.

Images 6 - Photogrammes de Terroir, territoire, Aubrac : <em>Je vais voir mes vaches</em> (2009) Laguiole en 1953 et en 2009.
Images 7 - Photogrammes de Terroir, territoire, Aubrac : <em>Je vais voir mes vaches</em> (2009) Laguiole en 1953 et en 2009.

Images 6 et 7 - Photogrammes de Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches (2009).
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié

Laguiole en 1953 et en 2009

Les paysages d’hier et d’aujourd’hui sont montrés par un montage alterné des mêmes lieux à cinquante ans d’écart. L’esprit des lieux est fixé sur la pellicule. Les images des réalités d’hier sont montées en confrontation avec les images de la réalité d’aujourd’hui, de l’esprit du temps et des lieux. Jean-Pascal Fontorbes retravaille le matériau filmique d’hier en le mêlant par le montage à celui d’aujourd’hui pour construire du sens et ainsi montre une des efficacités du cinéma : le cinéma redonne vie aux traces des lieux et aux traces de la pensée d’André Valadier, en même temps qu’il les fixe.

André Valadier a construit son identité socio-professionnelle d’éleveur avec ses vaches et ses paysages de l’Aubrac, sur la commune de La Terrisse d’abord, puis avec les paysages et les lieux aux alentours. Il nous interpelle sur le sens qu’il donne à sa relation au paysage et plus largement au sens de la relation de nos sociétés (agricoles et rurales) à l’espace et à la nature.
La perte de sens du paysage semble ne pas avoir touché cet éleveur.

Il nous donne une représentation de son identité professionnelle par les façons, les manières dont il est à la fois en relation avec ses vaches et ses paysages, « son paysage ». Cette représentation renvoie à la notion de culture ancrée dans l’esprit et dans le corps par les mots, les gestes, les postures et les regards. Les usages des différentes unités paysagères révèlent les liens nécessaires et entretenus avec l’homme et le troupeau.

L'Aubrac, peut-il être pris comme lieu singulier au plan paysager dans lequel on peut lire des manifestations socio-territoriales liées au métier d’éleveur, mais aussi porteuses de systèmes de valeurs, symbole d’un métier inscrit en harmonie avec le paysage dans lequel il s’exerce ?

Le paysage de l’Aubrac, le troupeau, l’éleveur renvoient à un symbole plus large homme-nature et homme-culture professionnelle. Valeur de co-construction identitaire, de continuum et de résistance, les liens paysans-paysages que nous avons observés, perçus et prélevés ont une signification particulière dans ce temps de campagne évoqué qui ne correspond pas à « la rupture entre le paysan et le paysage précipitée par les orientations du monde industriel » (Valadier, 2009, extrait d’entretien).

Dans ce que nous avons filmé du paysan/paysage, il y a, nous semble-t-il, ce qu’André Valadier appelle « la sauvegarde d’une vocation à la fois naturelle et culturelle qui s’appuie sur une identité […]. Il y a du sensoriel, du culturel, de l’émotionnel et de l’esthétique » (Valadier, 2008, extrait d’entretien).

Nous avons tenté de prélever et d’écrire en film les images et les sons qui s’efforcent de traduire la notion d’itinéraire et de lieu. Mais ce n’est pas chose facile car si le film renseigne sur le « comment c’est », c’est la carte qui dit « comment y aller » (Niney, 2003b, p. 59). Dans ce film recherche nous montrons à la fois le « comment c’est » (la relation au paysage développée par André Valadier), le « comment y aller » (la montée à l’estive) et le « comment cela se fait que » (les entretiens réflexifs avec André Valadier).

4. CUMA Si ! (2011) : Une expérience collective

L’observation filmée d’une situation sociale ne consiste pas simplement à représenter une activité, mais à rendre compte d’une circonstance singulière à travers les interactions qui sont à l’œuvre entre acteurs. Autrement dit : ce n’est pas l’action qu’il convient d’observer, mais ce qui se joue entre la personne engagée dans son action et les autres individus, les objets et les espaces avec lesquels elle interagit.

(Lallier, 2009, p. 16)

L’organisation collective en agriculture que nous souhaitions comprendre nous a conduits à l’atelier de transformation de canards gras organisé en Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA) à Montesquieu Volvestre. Cette CUMA a été créée en 1985 par un groupe de néo-ruraux et d’autochtones au moment d’une crise sur le prix de vente des canards gras aux intermédiaires de l’industrie agro-alimentaire. La place des femmes dans cette organisation a été saisissante. Marie-Rose, Marie-Christine et Marie-Line avaient envie de témoigner et de partager avec nous leur vision du métier et du monde social. Dans le film CUMA Si ! (Fontorbes, Granié, 2011), trois couples d’agriculteurs (deux néo-ruraux les Bernard et les Ledru et un autochtone les Daran), nous racontent l’histoire de la CUMA ainsi que leur propre histoire. Paroles, lieux, séquences de travail sur leur exploitation et à la CUMA s’enchaînent et affirment que ces gens-là ont choisi « de vivre au verbe être plutôt qu’au verbe avoir » (Marie-Rose Daran, extrait du film CUMA Si !). Enfin, le député-maire du canton tire les conséquences des choix politiques locaux. Notre film permet ainsi de comprendre l’organisation du travail mais aussi les relations humaines souvent invisibles qui lient les différents membres de la coopérative.

Vidéo 3 - <em>CUMA Si !</em>rfmv

Vidéo 3 - CUMA Si !
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié, 2011

Comprendre l’organisation du travail

L’image et le son donnent à voir des situations de travail que ne peut rapporter le texte : le documentaire peut traiter le travail dans une visée quasi ethnographique en s’attachant aux détails, aux gestes utiles ou inutiles, à la qualité du mouvement (le geste coulé de l’OS), à l’ambiance, au silence, au bruit de fonds, aux non-dits et à l’expression des visages. Autant de menues choses qui parlent mais lorsqu’elles relèvent d’un texte, le rendent ennuyeux sauf pour quelques spécialistes ? Au contraire le documentaire rend accessible ces détails à des milliers de téléspectateurs. Mais la lecture en est-elle si simple ?

(Sebag, Durand, 2009, p. 63)

Ces CUMA – ateliers de diversification – convoquent différents types de spatialités comme autant d’éléments structurant de l’identité professionnelle et locale : le territoire (espace géographique), la filière de production (espace de diffusion des savoirs techniques et sociaux), le réseau (espace relationnel). Ils permettent et favorisent la valorisation de produits et l’émergence de systèmes alimentaires territorialisés. Ils participent à la reconstruction de l’identité professionnelle des agriculteurs et des agricultrices qui en sont membres. Ils contribuent à la production de systèmes d’innovation localisés.
D’un point de vue filmique, notre intention était d’analyser le travail dans un temps long, et non dans un temps accéléré et morcelé. Nous avions une double question : qu’est-ce que ces gens font dans leur travail et qu’est-ce que leur travail fait d’eux ? Nous avons voulu montrer les corps au travail.

Images 8 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)<br/> Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté
Images 9 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)<br/> Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté
Images 10 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)<br/> Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté

Images 8, 9 et 10 - Photogrammes CUMA Si ! (2011)
Le travail collectif du gavage à la fabrication du pâté
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié

Nous avons choisi de filmer et de monter en film tout le processus du canard gras, du gavage à la fabrication du pâté. Ce temps long permet de s’attarder sur la précision des gestes et sur la compréhension du travail et en plus de montrer le rôle de l’atelier en CUMA.

La division du travail est imposée de manière traditionnelle par les différentes tâches, mais elle n’est pas figée. Les postes de travail peuvent être interchangeables à certains moments. La séquence d’abattage des canards en est une illustration : c’est la femme (Marie-Line) qui commence à tuer puis par la suite elle donne le couteau à l’homme (Yannick). Les deux gestes montés en film permettent une comparaison entre le geste de l’homme et celui de la femme. Une même énergie se dégage dans le geste de tuer. Plus généralement, les hommes sont du côté de l’abattage et du plumage, les femmes du côté de la finition. Elles enlèvent les plumes rebelles, et épilent au chalumeau. À la fin de la séquence tandis que les femmes pendent les carcasses, les hommes nettoient. Les relations hommes-femmes sont ainsi vite apparues comme essentielles à la compréhension de la CUMA.

L’espace domestique comme « mise en scène de corps savants »

Les cultures corporelles n’aboutissent pas à une réelle visibilité par l’écrit. Il faut voir. L’œil, l’oreille enregistrent directement les perceptions. On n’écrit pas les cadences, les rythmes avec des mots. On n’imagine pas une recherche sur les danseurs sans assister à leur expression, à la mise en scène de leur corps savant.

(Guillou, 1987, p. 172)

Le parti pris de filmer les entretiens en couple côte à côte était prévu dès le départ. En effet pour nous il s’agissait d’une mise en scène qui devait permettre de lire les rapports de genre dans le couple. Cela nous a permis de filmer les manières dont se répartit la parole, dont s’expriment les postures corporelles de celui ou de celle qui parle ou ne parle pas, les interactions sociales (regards, écoute corporelle, mimiques…) entre la femme et le mari (voir Figures 4a, 4b et 4c).

Images 11a – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)<br/> Couples dans leur décor domestique.
Images 11b – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)<br/> Couples dans leur décor domestique.
Images 11c – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)<br/> Couples dans leur décor domestique.

Images 11a, 11b et 11c – Photogrammes de CUMA Si ! (2011)
Couples dans leur décor domestique
© J.P. Fontorbes, A.M. Granié

La mise en scène des corps et de la parole dans ces entretiens filmés nous permet de saisir toute la qualité des rapport homme-femme à l’œuvre au sein de ces couples. Ce qui est dit est rendu visible par le contrôle que les uns exercent sur les autres, puisqu’il n’y a presque jamais de dialogue entre les personnes. C’est autour des différents discours que s’est articulé le récit filmique. « En fin de compte si la parole génère l’image, c’est cette dernière qui lui donne sa dimension sociologique » (Guibert, 1998, p. 59). Ces entretiens filmés dévoilent des paroles de cumistes porteuses de valeurs spécifiques telles que l’action collective, l’écoute, le partage et l’engagement. Les expressions qui accompagnent ces valeurs et le ton avec lesquelles elles sont dites témoignent de leur force.

Nous avons également choisi le lieu de l’énonciation des différents discours avec soin. Chaque entretien a lieu dans la même pièce pour chacun des couples : la cuisine-salle à manger. La maison nous intéresse par la philosophie de l’habiter et son mode d’habiter. Nous avons cherché à montrer l’unité de cet espace intérieur qu’est la cuisine, d’où le choix du plan large. Ici l’espace domestique est un indicateur des manières de vivre de ces couples. L’objectif est de faire voir une cohérence, celle d’un mode de vie, celle d’un rapport à la campagne, celle du mode de socialisation. C’est pourquoi nous introduisons chaque couple par un plan du décor : pour les Bernard et les Ledru la cheminée, pour les Daran le buffet (il n’y a pas de cheminée dans la cuisine-salle à manger).

Les cheminées et le buffet parlent, livrent des indicateurs d’identité. Ainsi chez les Bernard, la cheminée où sont posés des santons provençaux nous donne à lire le changement d’identité territoriale. Les Bernard ont quitté la Provence car il était « impossible de s’y installer en tant qu’agriculteurs » pour le Volvestre car « c’était l’endroit où à l’époque,la terre était la moins chère ». Cette cheminée en chêne massif nous montre qu’ils sont devenus de vrais campagnards. Chez les Ledru, autre décor : la cheminée est bleue avec des frises de fleurs et des oiseaux. C’est un rapport bucolique, écologique, à la nature qui est mis en valeur. Chez les Daran, point de cheminée, mais un buffet avec des casseroles en terre et des gravures sur la vie à la campagne. Ici c’est « l’authenticité » de la vie agricole qui est montrée.

Nous avons ainsi choisi de filmer les relations entre l’homme et la femme, mais aussi entre les personnes et les objets qui les entourent, et même qui les enveloppent, puisque le cadre de la cheminée vient chaque fois sur-cadrer le couple.

Les cumistes sont d’ailleurs eux-mêmes tout à fait conscients de cette surimposition entre le paysage réel dans lequel ils évoluent et le paysage imaginé qu’ils projettent auprès de leurs clients puisque chacun reproduit son paysage sur l’étiquette de la boîte de conserve. Le paysage des Ledru est représenté par le village au sommet des coteaux du Volvestre, c’est le lien au terroir ; celui des Bernard convoque la campagne avec les Pyrénées, c’est le lien à la nature, celui des Daran montre la ferme, le lien au lieu de production. Les étiquettes nous livrent les représentations que se sont assignées ces éleveuses (ce sont les femmes qui ont dessiné les étiquettes) en vue de produire des effets sur les consommateurs et de se positionner en regard des autres formes de vente. Pour les allochtones (les Ledru et les Bernard), la représentation du paysage est liée à la nature, à l’environnement, tandis que pour les autochtones (les Daran) elle est liée au lieu, à l’exploitation agricole.

Par le montage et un effet graphique, le film permet de fondre le paysage réel dans le paysage redessiné sur l’étiquette. Paysage réel et paysage imaginé se superposent. Ces trois paysages reviennent tout au long du film comme transition entre les différentes séquences, comme un rythme ternaire, trois plans de paysage correspondant au paysage de chacun des couples, un paysage qui est tout à la fois représenté, vécu ou imaginé.

5. Du cheminement…

Cerner des significations sociologiques, fondées sur des connaissances apprises, transmises, expérimentées, testées, fait intimement partie de mon mode d’être au monde, du moins dans sa dimension la plus concrète, mais non exclusive. Avec ou sans caméra, je regarde autour de moi, pour chercher à comprendre quelque chose du champ perceptif foisonnant alentour et dans lequel on prend plaisir à se placer, en cadrant sans appareil. Ainsi du sens émerge sur lequel se fier en quelque sorte, afin d’effectuer le repérage puis le tournage, pratiques bien connues d’observation des documentaristes, mais encore des ethnologues, moins courante chez les sociologues plus tournés vers le langage et l’observation visuelle.

(Haicault-Bouchard, 1989, p. 34)

Dans l’ensemble de nos travaux filmiques, nous nous interrogeons sur ce que les images et les sons donnent à voir et à entendre. Comment ils nous aident à interpréter un fait social, des pratiques, des représentations, des objets temporels inscrits dans des espaces et des territoires.

Comme pour l’écrit, le film nous oblige à réfléchir sur des concepts, sur la narration filmique, sur la démonstration par la monstration. Ainsi sociologue et cinéaste partagent l’enjeu de mieux faire comprendre le monde. Nous faisons partie des artisans scientifiques du dévoilement qui considèrent que les spectateurs contribuent par leurs réactions à enrichir les façons de regarder, de comprendre des fragments de la réalité montrée. L’artisan renvoie au compagnonnage (sociologue/réalisateur dans la co-construction), au faire et au défaire, au chemin parcouru de chantier en chantier. Une autre façon par les cadrages débordements d'approcher la complexité.

Bibliographie

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Filmographie

Fontorbes J.P, Granié A.M. (1985), Le rugby dans le cuir, LORCA, 35 mm couleurs, 75 mn
Mise en ligne dans Mondes Sociaux, magazine de Sciences Humaines et Sociales ; UT2J 
http://sms.hypotheses.org/4876
Fontorbes J.P., Granié A.M. (2009), Terroir, territoire, Aubrac : Je vais voir mes vaches, ENFA DR, vidéo 42 mn.
Mise en ligne dans Mondes Sociaux, magazine de Sciences Humaines et Sociales ; UT2J 
http://sms.hypotheses.org/7983
Fontorbes J.P, Granié A.M. (2011), CUMA Si !, ENFA DR, vidéo, 50mn.
Mise en ligne dans Mondes Sociaux, magazine de Sciences Humaines et Sociales ; UT2J 
http://sms.hypotheses.org/4475

Pour citer cet article

Jean-Pascal Fontorbes, Anne-Marie Granié, « Cadrages Débordements. Nos films recherche. Histoires de rencontres », Revue française des méthodes visuelles [En ligne], 3 | 2019, mis en ligne le 5 juillet 2019, consulté le . URL : https://rfmv.fr