Sophie Gebeil1, MCF en histoire contemporaine, Aix Marseille Université, CNRS, TELEMMe
Cet article interroge, à partir d’une recherche-création articulée autour de la réalisation du webdocumentaire Fos/étang-de-Berre. 200 ans d’histoire industrielle et environnementale (abrégé Fos 200 dans l’article), les modalités selon lesquelles les modes d’écritures hypermédias incitent les chercheurs impliqués à repenser les fondamentaux de leur démarche d’enquête et leur posture en tant que producteurs de savoir. L’article aborde successivement les circonstances et le processus de recherche-création puis propose une mise en perspective réflexive centrée sur les transformations des modes d’écriture de l’histoire à l’ère des narrativités numériques. La première partie revient sur le contexte de réalisation de Fos 200 au sein du laboratoire TELEMMe, résultant de la rencontre entre des travaux participant au renouvellement de l’histoire industrielle et l’essor d’une réflexion centrée sur les médiations de l’histoire à l’ère numérique. La deuxième partie aborde les défis, les objectifs liés au processus de recherche-création et précise les phases de conception du webdocumentaire. La troisième partie porte sur l’impact de la recherche-création sur les transformations des pratiques de recherche, concernant la narration, l’enquête, le rapport aux sources et au corps social. Il s’agit de s’interroger plus largement sur les transformations des modalités d’écriture de l’histoire à l’ère des narrativités numériques et sur l’impact de ces « nouvelles » formes de mise en récit sur la « fabrique de la recherche » en SHS.
Mots-clés : Webdocumentaire, Visual studies, Médiation, Histoire, Internet
Based on a research-creation project centred on the production of the webdocumentary Fos/étang-de-Berre. 200 years of industrial and environmental history (abbreviated Fos 200 in the article), this article examines how interactive writing encourage the researchers involved to reconsider the fundamentals of their investigative approach and their posture as producers of knowledge. The article successively addresses the framework, the process of research-creation and proposes a reflexive perspective centred on the transformations of the writing modes of history in the era of digital storytelling. The first part focuses on the context, as the webdocumentary Fos 200 is the result of interdisciplinary and intersectoral research, combining Humanities, Media, and IT, industrial history and a reflection centred on the mediations of history in the digital age. The second part deals with the challenges and objectives related to the research-creation process and specifies the stapes of designing the webdocumentary. The third part examines the impact of this research-creation on the transformations of history writing, concerning narration, investigation, the relationship to sources and to the “social body”. The aim is to look more broadly at the transformations in the modalities of writing history in the era of digital narrativities and the impact of these “new” forms of writing on the “factory of research” in the Humanities.
Keywords : Webdocumentary, Visual studies, Mediation, Digital history, Internet
Cette proposition collective interroge la façon dont l’exploration des modes d’écritures interactives, non linéaires et hypermédias de la recherche en sciences humaines et sociales (SHS) incite les chercheurs impliqués à repenser les fondamentaux de leur démarche d’enquête mais aussi leur propre posture à l’ère du numérique, en tant que producteurs de savoirs qui laissent des traces sur le Web. Cet article s’appuie sur une recherche-création articulée autour de la réalisation d’un webdocumentaire intitulé Fos/étang-de-Berre. 200 ans d’histoire industrielle et environnementale (abrégé Fos 200). Porté par une équipe composée de six chercheurs, une réalisatrice, un développeur Web et deux cadres administratifs de la recherche, ce projet s’inscrit dans la filiation de travaux interdisciplinaires développés depuis plusieurs années au sein du laboratoire TELEMMe. Associant trois spécialistes de l’histoire économique du territoire, une sociologue des conflits socio-environnementaux, une géographe et une historienne du Web, la conception du webdocumentaire s’est déroulée selon une démarche fondée sur une coopération étroite des savoirs, des compétences et des techniques entre les membres de l’équipe TELEMMe (voir la présentation de l’équipe dans l’annexe 1). Ce processus de création interroge, dans une perspective interdisciplinaire et intersectorielle (sciences humaines/informatique), les modalités d’écriture de l’histoire à l’ère des narrativités numériques et l’impact de ces « nouvelles » formes d’écriture sur la « fabrique de la recherche » en SHS.
Plus particulièrement, il s’agira ici d’envisager les modalités selon lesquelles la création du webdocumentaire Fos 200 questionne l’écriture de l’histoire dans son rapport aux sources, aux méthodes d’enquêtes, aux récits, aux choix des espaces-temps et des temporalités de la narration, mais aussi à ses effets dans les sociétés locales. Dans cette optique, nous avons partagé in vivo l’objectivation de sources disciplinaires au sein de vastes corpus multi-documentaires, la subjectivation de l’expérience vécue et l’analyse discursive des retours d’expérience des chercheurs impliqués à partir d’un questionnaire dédié (annexe 2).
L’article présentera d’abord le contexte de cette démarche collaborative qui explique la richesse de l’interdisciplinarité, l’accent étant mis à la fois sur la dimension historique, sociale, environnementale, économique et territoriale du dispositif, tant au niveau des modes d’enquête, de l’exposition des sources audiovisuelles ou nativement numériques, que de la mise en récit d’acteurs, d’événements, de lieux, de liens… Ensuite, cette expérience collective d’écriture nativement numérique de l’histoire met en exergue le fait que la méthodologie employée constitue un élément de connaissance à part entière qui gagne à être mis en perspective au regard des travaux sur les médiations de l’histoire à l’ère du numérique. Il s’agira enfin de proposer un retour réflexif émanant des chercheures et des chercheurs qui, confrontés aux formes de narrations audiovisuelles et à la dimension computationnelle de l’écriture Web, ont été amenés à déterminer ce qui fonde l’ontologie de leur(s) discipline(s) ou de leur pratique de recherche, tout en ayant parfois à jouer littéralement leur propre rôle face caméra.
Cet article entend donc partager la démarche ici éprouvée pour construire une narration hypermédia et délinéarisée de deux siècles d’histoire, abordant des enjeux qui constituent encore aujourd’hui des questions sensibles sur le territoire industriel, tout en souhaitant contribuer à une meilleure compréhension de l’impact des narrations numériques sur les pratiques de recherche en SHS.
Pour comprendre la démarche et les modalités ayant présidé à la réalisation du webdocumentaire Fos 200, revenons dans un premier temps sur le contexte et le cadre scientifique dans lequel s’inscrit ce projet.
En 2017, l’équipe de recherche a obtenu un financement pour le projet de valorisation d’un fonds photographique : « PICTURE IT – Analyse socio-historique du territoire industrialo-portuaire de Fos. Regards croisés sur l’œuvre du photojournaliste indépendant Jacques Windenberger2 ». Il s’agissait d’explorer près de 2 200 diapositives déposées aux archives départementales et jusque-là inaccessibles, concernant la construction du port et la zone industrielle de Fos-sur-Mer au début des années 1970. L’objectif était de numériser ce fonds photographique qui commençait à se détériorer, de le contextualiser et de mettre en place un outil informatique et un dispositif ergonomique pour le rendre accessible à tous ceux qui s’intéressent à ce moment fort de l’histoire économique, sociale, technique et environnementale. Le projet rassemblait une équipe d’une dizaine de personnes couvrant plusieurs champs disciplinaires : histoire, géographie, sociologie, informatique, spécialistes de l’analyse de l’image photographique, du numérique, de la valorisation scientifique, de la conservation des fonds patrimoniaux et de la formation des enseignants. L’ancrage scientifique reflétait la double dynamique des travaux conduits depuis plusieurs années au sein du laboratoire TELEMMe : d’une part l’histoire industrialo-portuaire méditerranéenne et d’autre part l’histoire des modes de médiations de l’histoire en croisement des visual studies et des humanités numériques (HN).
En effet, outre les perspectives historiques et sociologiques adoptées, plusieurs aspects relevant de la place de l’image, des médiations audiovisuelles et numériques, ont été abordés. Le fonds photographique de Jacques Windenberger a donné lieu à l’élaboration d’une base de données dont les mots-clefs reflètent la multiplicité des approches (histoire environnementale, sociale, industrielle ou encore de la photographie) et qui a ensuite alimenté la réalisation d’un mur d’images offrant à l’internaute une navigation textuelle mais aussi iconographique3. Cette création associée à une réflexion sur les modes de médiation des archives photographiques en ligne s’est accompagnée de la réalisation de portraits filmiques du photographe afin de donner à voir sa démarche et les conditions d’élaboration de ce fonds méconnu. Suite à un premier entretien avec Jacques Windenberger, nous avons souhaité rendre accessible son propos au sein du carnet de recherche dédié, articulant ainsi l’enquête socio-historique et visuelle avec l’exploration de modalités de diffusion audiovisuelle et numérique4. Finalement, le choix a été fait de confier la réalisation filmique du portrait et des entretiens du photographe à Agnès Maury, réalisatrice, chargée de projet audiovisuel à l’origine de l’association Les Films du Papillon. Le tournage a ainsi rassemblé des chercheures de l’équipe avec la réalisatrice qui a produit cinq vidéos d’une dizaine de minutes mises en ligne sur le carnet de recherche Le grand chambardement, puis projetées lors d’une conférence publique à Fos auprès des habitants en septembre 2019 afin de favoriser le dialogue sciences/société5.
Outre cette approche filmique, le laboratoire TELEMMe a également développé une expérience de conception de dispositifs innovants de médiation de la recherche. Dès 1999, un Recueil électronique donnait à voir une recherche-création articulant une réflexion sur l’écriture hypertextuelle de l’histoire et la production d’un site Web dédié (Zubillaga, 2003). Depuis ce projet pionnier, plusieurs créations numériques ont été réalisées : murs d’images, édition scientifique en ligne, sites Web adossés à des bases de données au moyen des outils et des méthodes des humanités numériques6. Ces différentes dynamiques ont donné lieu à l’ouverture d’un atelier transversal intitulé « visual studies et humanités numériques », qui vise à élaborer une réflexion collective et à accompagner des projets relatifs aux HN en prêtant une attention particulière à l’analyse et à l’usage des dispositifs visuels. Enfin, le contexte de réalisation du webdocumentaire Fos 200 est aussi marqué par l’implication des équipes du laboratoire, dans la réalisation d’actions à destination des publics scolaires et enseignants. En effet Fos 200 s’inscrit aussi dans la continuité de projets visant à offrir aux enseignants des ressources scientifiques permettant d’étudier en classe les dynamiques territoriales (mutations industrielles, risques socio-environnementaux, éco-citoyenneté…), à l’image des productions réalisées en ce sens en partenariat avec l’Ina Méditerranée7. Il est également marqué par les initiatives développées ces dernières années dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information, notamment en lien avec la formation initiale des enseignants dispensée à l’Inspé d’Aix-Marseille8.
Les multiples expérimentations menées au sein de ce projet reflètent les problématiques abordées par les équipes de recherches. Les travaux concernant l’histoire industrielle, sociale et environnementale du territoire ont mis en évidence le fait que les enjeux dépassent largement le cadre local. Depuis plus de deux siècles, les rivages de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre sont confrontés aux impacts et aux risques socio-environnementaux des industries polluantes, d’une durée sans équivalent dans l’ensemble du Bassin méditerranéen. Depuis plus de deux siècles également, les habitants de cet espace naturel et villageois longtemps voué à l’agropastoralisme, à l’exploitation du sel, à la pêche et aux pratiques balnéaires s’inquiètent et s’opposent plus ou moins régulièrement, ouvertement et violemment aux diverses nuisances liées à la présence des usines de soude dans le cadre d’un rapport de force inégal, et rarement victorieux, impliquant habitants, riverains, industriels, experts et pouvoirs publics : « Dans la première moitié du XIXe siècle, des évènements dramatiques – plus de 360 décès – opposent les villageois de Saint-Mitre et les dirigeants de l’usine de soude du Plan d’Aren, ce qui est d’une ampleur inédite pour un conflit environnemental usinier » (Daumalin, 2019).
Ainsi, la mise en perspective diachronique devient centrale pour éclairer les questions sensibles qui agitent le territoire d’étude aujourd’hui. Cette entrée par le « temps long » a été associée aux travaux conduits, à TELEMMe, au sujet des modes d’écriture et de médiation de l’histoire à l’ère numérique, fruits d’un croisement entre histoire médias et étude des mises en récit publiques de l’histoire (Cousin et Gebeil, 2014 ; Crivello, 2016). Ces dernières années, ce cadre de l’histoire culturelle a nourri une réflexion sur l’étude des pratiques mémorielles en ligne, en particulier à partir des archives du Web, donnant lieu à une démarche interdisciplinaire intégrant les sciences de l’information et de la communication (Gebeil, 2015). Au sein de ces travaux, les webdocumentaires relatifs au passé sont appréhendés comme objets d’étude en tant que sources nativement numériques au même titre que tout contenu, toute trace en ligne au profit d’une histoire culturelle du Web. Selon cette approche, les webdocumentaires sont considérés comme des dispositifs de médiation du passé (Fleury et Walter, 2011), notion qui permet de les étudier dans leur globalité, en prenant en considération leur dimension computationnelle, visuelle, discursive, mais aussi le contexte sociotechnique, culturel ou politique. L’étude se fonde alors sur l’identification des conditions de production et des choix, des contraintes, qui ont présidé à la réalisation de ces objets hypermédia. Comme c’est bien souvent le cas dans les projets créatifs, cet arrière-plan analytique a nourri le passage à la réalisation en invitant « à tirer les leçons de l’analyse préalable de webdocumentaires, notamment historiques » (Soulez, 2017).
C’est dans ce contexte propice à l’expérimentation de formes d’écriture innovantes que l’équipe rassemblée autour des photographies de Jacques Windenberger illustrant l’édification de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, a ainsi souhaité éprouver de nouvelles formes de narrations des SHS. L’idée de concevoir ensemble Fos 200 est finalement née de l’évolution des travaux menés au sein de l’équipe dont les résultats ont fait émerger la nécessité de penser les impacts sociaux-environnementaux en articulation avec le temps long de l’histoire du territoire (Centemeri et Daumalin, 2015). Les expériences de collaborations dans la réalisation des vidéos avec Agnès Maury et la création du mur d’images autour des archives photographiques nous ont conduit à privilégier la création d’un objet hypermédia avec pour souhait d’explorer les potentialités offertes par une écriture Web-native de l’histoire.
Lors de la réalisation de Fos 200, le collectif de recherche s’est engagé dans un processus créatif sur une période juxtaposant le temps de l’enquête et le temps de la diffusion, traditionnellement disjoints.
L’enquête centrée sur l’histoire industrielle et environnementale s’est poursuivie parallèlement à la conception du webdocumentaire à travers le dépouillement de nouveaux fonds d’archives, la réalisation d’enquêtes de terrain, la collecte et l’enregistrement de témoignages. Parallèlement, dans une logique de recherche-création, nous nous sommes questionnés sur les transformations induites par les spécificités des narrations nativement Web concernant l’écriture de l’histoire et plus largement de l’élaboration de la connaissance en SHS. Cette deuxième partie met donc l’accent sur le processus de création en exposant la diversité du collectif impliqué, les spécificités de l’écriture nativement Web et la démarche adoptée pour construire une narration hypermédia et délinéarisée de deux siècles d’histoire qui constituent encore aujourd’hui des questions sensibles sur le territoire.
L’exploration d’une écriture hypermédia de 200 ans d’histoire s’est faite au sein d’une équipe interdisciplinaire et hétérogène d’un point de vue professionnel formant un collectif à compétences multiples. Le rôle des universitaires et chercheurs impliqués était de garantir la rigueur scientifique des connaissances mobilisées concernant l’histoire industrielle, sociale et environnementale du territoire. L’ensemble des partenaires s’est engagé dans l’écriture des parcours, le choix des documents, des relectures de texte de façon collaborative tout en veillant à la cohérence d’ensemble. À titre individuel, l’ancrage de nos recherches en SIC et l’étude des médiations mémorielles et historiques en ligne nous ont amenés à assurer la mise en relation des différentes dimensions (contenus, aspects juridiques liés aux droits de la priorité intellectuelle associés aux documents, narration, aspects audiovisuels et numériques) et des partenaires. L’équipe comprenait aussi deux ingénieurs d’étude dont les compétences ont été précieuses. Coordinatrice scientifique du laboratoire, Agnès Rabion est aussi une habitante de Fos-sur-Mer très investie dans la vie locale et possédant une grande maîtrise de la cartographie géographique et politique du territoire. Elle a donc parfois assuré le rôle de « fixeur9 » tout en permettant de gagner du temps sur la localisation des photographies. Dans le même temps, Delphine Cavallo, responsable de la communication scientifique du laboratoire a également contribué à rendre intelligible les enjeux techniques, concernant le développement, la conception et la diffusion du webdocumentaire tout en apportant une réflexion orientée vers les humanités numériques à laquelle s’ajoute un suivi des questions juridiques et éthiques concernant les sources. Pour la réalisation audiovisuelle et graphique, ainsi que pour le développement informatique, nous avons fait le choix de travailler avec des partenaires issus des mondes socio-économiques dans les domaines de l’audiovisuel et du développement informatique. L’expérience filmique avec Jacques Windenberger a permis d’instaurer une relation de confiance entre les membres du laboratoire et la réalisatrice Agnès Maury ce qui a nourri l’envie de poursuivre le partenariat autour d’une écriture audiovisuelle et graphique sur support numérique. Pour le développement, le choix du prestataire s’est porté vers l’entreprise Gamuza dont la particularité est d’être membre de la communauté SPIP, logiciel de programmation libre, et engagée dans le partage des développements issus de leurs réalisations avec l’ensemble de la communauté, rejoignant ainsi les enjeux de la science ouverte.
Évelyne Broudoux définit le webdocumentaire comme étant « un documentaire réalisé en vidéos, en bande-son, en textes et en images, dont la scénarisation tient compte de l’interactivité dans la fragmentation des récits et dans l’interface graphique et qui s’insère dans un dispositif personnalisant la communication avec l’internaute (réseaux sociaux, commentaires, etc.) » (Broudoux, 2011). Il s’agit d’un format relativement ancien, à propos duquel le centre Pompidou proposait dès 2002 une définition : « […] un documentaire travaillé avec les outils multimédias, textes, images, vidéos, une manière de mettre les nouvelles technologies au service de la connaissance et d’un point de vue » (Chatelet, 2016). Les webdocumentaires disposent de leurs propres lieux de légitimation (festival, sites dédiés) tout en étant souvent englobés dans des catégories plus larges et mouvantes. En SHS, ils font l’objet d’une réflexion pluridisciplinaire dans la continuité des travaux sur les écrits d’écran (Jeanneret et Souchier 2005) et sont considérés comme des « écritures alternatives10 », des nouveaux formats médiatiques (Mercier et Pignard-Cheynel 2014) en lien avec les études sur la transmédialité (Cailler et Masoni Lacroix 2017).
Contrairement à ce que le terme même laisse à penser, un webdocumentaire n’est pas une simple « extension d’un film documentaire linéaire sous une forme informatisée et connectée » (Chatelet, 2016). Il s’agit en effet d’une création hypermédia à replacer dans un « répertoire de formes d’écriture numérique » dont le caractère computationnel ne reconfigure pas seulement les « systèmes techniques de production et de manipulation qui agit sur la nature même de la connaissance » (Crozat et al., 2011). Si l’intention est souvent documentaire, le caractère dit interactif allant de la possibilité de cliquer pour suivre des parcours prédéfinis jusqu’à l’ajout de contenus au sein même du dispositif ou de communiquer avec les créateurs, est extrêmement variable dans le paysage des webdocumentaires au sein duquel, les actions de l’internaute sont souvent généralement assez contraintes. Comme le souligne Elaine Brito, en tant qu’architexte, le webdocumentaire « conditionne ainsi à la fois une mise en forme des données et une textualisation de la pratique de l’écriture-lecture » (Brito Fichefeux, 2019).
Au niveau collectif, ce projet fut une première expérience de recherche-création, entendue comme « croisement entre la recherche universitaire et la création artistique qui vise un double objectif : la production d’une œuvre (matérielle ou immatérielle), artefact ou spectacle original, ainsi que la production de connaissances ». Dans le cas présent, il s’agit de « faire de la recherche par la production médiatique » (Paquin et Noury, 2020), ici en l’occurrence une production hypermédiatique.
Dans cette perspective, la réalisation de Fos 200 s’inscrivait dans plusieurs enjeux relatifs à l’épistémologie et à la médiation de la recherche en SHS.
L’intention initiale était de rendre accessible de nouvelles connaissances sur l’histoire industrielle et sociale du territoire permettant d’éclairer les problématiques contemporaines concernant la question environnementale liée au fait industriel, mais il s’agit aussi « de permettre une meilleure compréhension et contextualisation, de faire éclore une sensibilité plus juste, des citoyens, aux problèmes actuels, pour qu’ils soient mieux informés et moins manipulés » explicite Xavier Daumalin. Cette dimension renvoie aux défis inhérents à tout projet de médiation scientifique : comment concilier l’exposition accessible de résultats de recherche inédits et complexes avec la nécessité de capter l’attention de l’internaute ? Ce défi n’est pas spécifique au webdocumentaire mais à « toute production historienne qui cherche à sortir du champ du discours spécialisé » (Soulez, 2017). Dans le cas de Fos 200, nous avons fait le choix de conserver le « pacte documentaire » en associant la mise en perspective sur le temps long des phénomènes étudiés avec la mise en lumière de la pratique historienne. Donner à voir ainsi les modes d’enquête permet à l’internaute d’entrer dans les résultats de l’étude tout en apportant des connaissances sur la pratique de recherche, dans sa complexité, dans ses gestes et parfois dans sa dimension personnelle. Dès lors, ce projet interroge aussi les modes d’exposition de l’enquête en SHS et par là même la posture du chercheur dans son « rapport au social » (Soulez, 2017) puisqu’il ne s’agit pas seulement d’exposer des faits historiques mais bien de donner à voir et donc de « mettre en scène » la recherche en tant qu’activité professionnelle. Cette mise à l’écran de la pratique d’enquête génère un questionnement sur le degré d’exposition de soi, d’implication corporelle, de partage des émotions et des sentiments, autant d’éléments à rebours des codes académiques traditionnels.
Ensuite, l’exposition de la pratique de recherche au sein du dispositif s’inscrit dans les questionnements liés à l’écriture de l’histoire à l’ère numérique. Les possibilités de diffusion des sources numérisées ou nativement numériques dessinent en effet les contours d’une narrativité digitale de l’histoire propre au Web, caractérisée par un récit délinéarisé, fondée sur des contenus multimédias, hypertextuels et intégrant des outils de personnalisation et d’implication de l’internaute. L’expérimentation de ces formes narratives invite les chercheurs-concepteurs à s’interroger collectivement sur ce qui caractérise l’exposition des résultats de recherche consacrés à l’étude du territoire et l’essence même du récit historique. Par la pratique d’une écriture hypermédia et numérique, le collectif s’est alors questionné sur les critères qui distinguent un récit académique d’une approche plus journalistique ou documentariste. Cela renvoie aussi à la place réservée aux matériaux, aux traces de l’activité humaine, au sein d’un dispositif numérique dans lequel la dimension visuelle joue un rôle central. L’exposition des sources soulève en outre la question de la mise en visibilité des témoins, des acteurs et offre la possibilité de donner à voir une pluralité de points de vue.
Par ailleurs, le fait de concevoir des parcours narratifs invite aussi à penser le degré d’accompagnement ou à l’inverse de liberté accordé à l’internaute, car, comme le souligne Guillaume Soulez, le webdocumentaire offre la possibilité d’une « mise en délibération de l’écriture de l’histoire elle-même ». La question du « pouvoir d’agir du spectateur », qui est à l’origine des notions de spectacteur ou d’interacteur, est alors transposée à la capacité d’action offerte à l’internaute dans la mise en récit de l’histoire au sein du dispositif et impose aux concepteurs une série de choix en fonction des intentions initiales et du public visé (Soulez 2017).
Ayant à l’esprit ces problématiques de recherche, la création du webdocumentaire visait plusieurs objectifs partagés :
La réalisation collaborative s’est organisée en plusieurs tâches réparties sur différentes étapes donnant lieu à des réunions en présentiel ou à distance sur une période de six mois. En effet, les caractéristiques observables au niveau analytique se traduisent par un certain nombre d’impératifs du côté de la conception. Le cahier des charges comporte notamment la nécessité de :
Une première mise en ligne du site ouvre une quatrième phase, consacrée à la résolution de bugs éventuels sur les trois écrans (ordinateur, tablette et smartphone) et d’amélioration de la navigation. À l’issue de ces brefs tests d’usage, a eu lieu la mise en ligne définitive accompagnée d’actions de valorisation à l’attention des publics visés (société civile, relais médiatiques, milieu scolaire ou académique).
En tant qu’expérience d’écriture de l’histoire à l’ère des narrativités numériques, la création de Fos 200 interroge les modes d’élaboration et de diffusion de la recherche en SHS et au-delà. En prenant appui sur les choix effectués dans le webdocumentaire et sur les retours d’expérience collectés, cette troisième partie envisage l’impact de cette création sur les transformations de l’écriture de l’histoire, concernant la narration, l’enquête, le rapport aux sources et au corps social.
Le webdocumentaire articule une entrée spatiale et une entrée diachronique structurée en quatre périodes (image 2).
Ce découpage spatio-temporel aborde la longue histoire de l’industrialisation du territoire en interrelation avec les aspects sociaux et environnementaux. Fos 200 met ainsi en évidence les grandes transformations à l’œuvre durant les différentes périodes mais aussi « un continuum de mobilisations, contestations, revendications, procédures qui donnent à voir des populations, des associations, des syndicats, des acteurs individuellement et collectivement engagé dans la défense de leur environnement résidentiel et de leur cadre de vie » (Béatrice Mésini). Une telle mise en perspective fut l’occasion, pour les chercheurs dont les travaux portent sur la période la plus contemporaine, d’ajouter une dimension synchronique à leur réflexion lorsque celle-ci n’était pas déjà présente avant le projet de webdocumentaire. La navigation non linéaire par arborescence se prête alors particulièrement bien à cette approche puisqu’elle permet ainsi d’aborder « simultanément, sous la forme d’un panorama, plusieurs idées ou aspects d’une même question » concernant une période ou un espace sélectionné par l’internaute (Agnès Maury). Lors de la conception, l’écriture de Fos 200 mobilise des supports multiples (images, sons, vidéos, textes) et constitue un exercice spécifique du fait des contraintes liées à l’architecture hypertextuelle de l’information (Souchier, 1996 ; Tardy et Jeanneret, 2007). Par exemple, chaque chercheur a été amené à rédiger des textes synthétiques pour présenter une dimension ou un document particulier, avec un souci d’accessibilité à destination d’un public non académique. C’est donc une écriture fragmentaire et très contrainte (durées des vidéos très brèves par exemple) à laquelle les chercheurs doivent s’atteler et dont seul l’agencement au sein du dispositif permet de donner sens. La narration par période et l’accès cartographique produisent ensuite la mise en perspective des problématiques contemporaines locales, notamment sociales et environnementales. Comme souvent dans les webdocumentaires historiques, la narration part du présent pour ensuite aller vers des périodes et des événements passés contrairement à un documentaire historique linéaire. L’internaute est alors amené à « penser le présent de son geste comme facteur de différences qui peut renvoyer à la pratique de l’écriture de l’Histoire dans laquelle il inscrit son parcours » (Soulez 2017). En effet, cette mise à distance critique vis-à-vis de la perception contemporaine, est également nourrie par l’exposition, dans Fos 200, des méthodes d’enquête qui jouent un rôle fondamental au sein du dispositif.
Plutôt que de construire une intrigue par acteurs ou par grandes thématiques, nous avons fait le choix de mettre l’accent sur la façon dont les chercheurs impliqués explorent l’histoire du territoire dans ses différents aspects.
Pour une partie d’entre eux, le temps de l’enquête archivistique dans les fonds et empirique sur le terrain était réellement synchrone et itératif avec le temps de la réalisation du webdocumentaire. Par exemple, Fabien Bartolotti, doctorant du laboratoire TELEMMe, explique : « […] le projet m’a également permis de synthétiser, dans le cadre d’un nouveau support d’écriture, certains aspects de mes travaux en cours ». Il en est de même pour Béatrice Mésini pour qui le projet fût l’occasion « d’élargir le cadre de ses observations synchroniques sur les circulations de travail et les modes d’habiter dans la zone industrialo-portuaire de 1970 à 1974 (caravanings, campements informels, foyers, abris, cabanons…) ». De la même façon, de nouveaux entretiens avec des acteurs sociaux ont été menés et de nouvelles archives dépouillées à cette occasion. Le webdocumentaire constitue donc un espace de diffusion d’analyses et de matériaux inédits, allant au-delà du cadre de la « vulgarisation » scientifique.
La juxtaposition entre le temps de l’enquête et le temps de la création contribue à faciliter le travail de réalisation des capsules vidéo, au sein desquelles les chercheurs présentent leur méthode de travail, tout en offrant la possibilité de diffuser rapidement de nouveaux documents et analyses. En effet, comme cela a déjà été souligné de longue date dans les travaux sur les transformations de l’écriture de l’histoire à l’ère numérique, les dispositifs en ligne permettent de donner à voir « l’entrepôt de l’historien », contrecarrant ainsi les limites imposées par les formats classiques de publication (Mounier, 2014). Cette dimension est particulièrement appréciée des chercheurs pour qui les aspects méthodologiques sont essentiels tout en étant traditionnellement peu diffusés au-delà des cercles académiques. Faire connaître les conditions de la « fabrique de la recherche » et donner ainsi à voir la recherche en train de se faire revêt une finalité pédagogique majeure à l’heure où des inquiétudes s’expriment sur le déploiement de récits numériques concurrents. Il ne s’agit pas, à travers Fos 200, d’imposer une vérité académique immuable mais bien de donner à voir comment se construit la méthodologie de l’enquête, l’argumentation scientifique et l’épreuve de la validation, tout en fournissant l’appareil critique et les clefs d’appropriation à destination d’un plus large public. Christelle Gramaglia résume parfaitement cet enjeu : « C’est une belle vitrine pour présenter ses résultats, mais aussi expliquer ses méthodes. Le grand public ou les collègues de sciences naturelles ne savent pas forcément comment on travaille (parfois ils confondent travail sociologique et journalistique)… ».
L’activité professionnelle du chercheur apparaît alors dans sa dimension concrète et humaine. En pénétrant dans « les coulisses », l’internaute découvre la diversité des outils (image 3), depuis le carnet de note à l’ordinateur portable équipé de logiciels de reconnaissance textuelle en passant par l’appareil photographique, le magnétophone ou la caméra.
Il éprouve aussi la multiplicité des approches à travers un large spectre de pratiques de recherche : consultation des archives, observation paysagère, entretiens oraux avec des enquêtés, etc. La transparence méthodologique ouvre la voie à la vérification, à la critique ce qui renforce ainsi la légitimité de ce qui est affirmé.
Par exemple, dans la période 1 « 1809-1850. Première industrialisation » (image 4), le film introductif explicite par le son et l’image la méthode d’analyse des fonds d’archives manuscrites de l’historien Xavier Daumalin : dépouillement, numérisation par la photographie, prise de notes systématique sur carnet, structuration d’un dossier de fichiers informatiques, dans ses lieux, ses temporalités, ses outils, repris dans le fond graphique, et ses gestes. Ce temps pris à l’explicitation méthodologique est apprécié des chercheurs car cette dimension est souvent rapidement abordée dans les publications académiques traditionnelles de leur discipline. Le caractère délinéarisé et hypermédia du webdocumentaire permet de mettre en abime la diversité des sources et des approches en jouant sur la variation des formats et l’interface graphique.
En retour, la mise en visibilité des méthodes d’enquête, la création d’un tel document interactif a aussi eu pour effet de rapprocher les démarches, favorisant ainsi la « co-construction des méthodes d’observation sur un espace géographique donné et des univers socio-économiques localisés » (Béatrice Mésini). En effet, plusieurs sorties ont été organisées in situ afin de permettre à la réalisatrice et aux universitaires de s’imprégner des problématiques et des enjeux du sujet, tout en procédant à des prises de vues. Ces moments furent alors l’occasion d’articuler, à partir d’espaces micro-locaux, des événements précis avec la mise en perspective des processus sur le temps long, et ce au niveau collectif, la création elle-même participant au développement d’un regard spécifique sur l’objet d’étude. Une dynamique similaire se retrouve concernant les sources qui constituent le cœur de l’enquête et le matériau premier du webdocumentaire.
Comme l’indique à juste titre Rémy Besson, « le web permet que la présentation d’une démonstration menée par l’écrit alterné avec la monstration des sources qui l’ont rendue possible » (Besson, 2019). Le soin apporté aux sources, à leur analyse et à leur indexation au sein du dispositif est plus particulièrement visible dans les moments de « contre-points » consacrés à l’exposition des méthodes d’analyse. En histoire, les sources renvoient à l’ensemble des traces du passé, même le plus récent, sous toutes ses formes (textuelles, iconographiques, orales, cartographiques, etc.) et tous ses supports (manuscrits, photographies, enregistrements de témoignages, médiatiques, audiovisuelles, digitales, etc.11).
Pour réaliser le webdocumentaire, les chercheurs ont intégré dans la plateforme, les sources numérisées ou nativement numériques en détaillant les informations permettant de les décrire et de les référencer, ainsi qu’une analyse contextualisée sous forme textuelle. Ainsi, les sources deviennent, pour la réalisatrice et le développeur, un fichier numérique auquel sont associés un identifiant et un ensemble de métadonnées au sein de l’architecture hypertextuelle qui structure le documentaire. La source est ainsi transformée en un fragment narratif qui pourra être ensuite relié aux autres fichiers et prendre place dans les parcours de narration. Le chercheur participe ainsi à la fabrique de l’œuvre collective qui contient aussi une table des sources téléchargeable. Le soin apporté aux sources et à leur traitement joue un rôle central dans l’établissement de la preuve en histoire et leur mise en visibilité au sein du webdocumentaire vise aussi à montrer au public qu’elles constituent la matière première de l’analyse du passé.
Cela impose néanmoins aux chercheurs-créateurs d’envisager différemment leur rapport aux sources. Celles-ci ne sont plus reléguées aux notes de bas de page et aux annexes mais occupent une place centrale au sein du dispositif. D’une part, cette mise en avant vient parfois à rebours d’un rapport parfois intime, sensuel et émotif à l’archive (Farge, 1989). D’autre part, les critères de sélection sont transformés au profit d’une approche visuelle ou éditoriale. En effet, comme pour toute œuvre médiatique ou cinématographique, entrent en jeu les critères juridiques et esthétiques. Ainsi, les documents pour lesquels les droits de la propriété intellectuelle ne permettent pas la diffusion en ligne sont écartés. De la même façon, seules les vidéos des témoins acceptant une autorisation de diffusion ont pu être insérées dans le dispositif. Comme le souligne Christelle Gramaglia, « la sélection des témoignages, des documents qui pourront alimenter le webdocumentaire s’effectue avec un soin particulier pour les questions sensibles, presque esthétiques ». En collaboration avec la réalisatrice, cette chercheure responsable de la période 4 « Depuis 2000. La relance » a été amenée à reconsidérer son rapport aux enquêtés (image 5). En tant que sociologue, Christelle Gramaglia recueille, auprès d’acteurs des mobilisations du territoire, des témoignages dont elle sait qu’ils vont être anonymisés lors des publications. À l’inverse, elle fut contrainte, lors de la conception du webdocumentaire, de choisir les témoins en vue du tournage en fonction de leur potentialité préjugée à jouer leur propre rôle face caméra, tout en veillant à ce que la sélection soit représentative de la pluralité des acteurs qu’elle étudie.
Cette insertion transforme le rapport aux enquêtés : outre le passage du son à l’audiovisuel, Christelle Gramaglia a mis à profit l’implication des acteurs dans sa démarche de recherche préalable au service de la co-conception des séquences d’entretiens filmés face à la caméra d’Agnès Maury. Si la chercheuse apprécie la mise en lumière des acteurs de la période, la sélection des témoins fut une question complexe et sensible, ne devant pas mettre à mal le lien de confiance noué avec les enquêtés depuis parfois plusieurs années. Ainsi, des aspects qui sont habituellement exogènes liés aux exigences du tournage et aux enjeux de médiation, entrent dans le processus de recherche-création.
À cela s’ajoutent les spécificités propres à la circulation des documents en ligne, qui peuvent être repris isolément et mobilisés ailleurs sur la Toile, sur les réseaux socio-numériques par exemple. Il est donc nécessaire de prendre en compte l’existence de ce processus de recontextualisation lors de la diffusion des sources, sans que cela ne relève de contraintes juridiques (Treleani, 2013). Un témoin peut notamment avoir signé une autorisation de diffusion dans le cadre d’un témoignage filmé mais la sélection d’un extrait à destination du webdocumentaire impose au chercheur de considérer les aspects éthiques et ainsi d’évincer une séquence qui lui semble contrevenir à sa propre déontologie dans son rapport à l’enquêté (informations intimes, image qui pourrait lui nuire, etc..). La mise en ligne invite donc à une prudence accrue quant à la sélection des sources tout en impliquant un effort dans la variation des formats et de supports, afin de répondre au cahier des charges qui visent à donner à voir les sources dans leur hétérogénéité, ce qui a constitué un critère supplémentaire. Malgré ces contraintes, la mise en visibilité des sources est particulièrement appréciée des chercheurs engagés dans le projet car elle contribue à « montrer le caractère matériel et sensible de leur profession », comme le souligne Christelle Gramaglia.
Le processus de médiation conduit aussi à transformer le rapport aux sources puisque de nouveaux contenus ont été créés pour l’occasion, comme c’est souvent le cas dans les webdocumentaires en général. Outre les séquences filmées avec les chercheurs, la réalisatrice Agnès Maury a produit des entretiens avec des habitants ou des acteurs de l’histoire sociale, économique, politique, industrielle ou environnementale. Dès lors, il n’est plus seulement question de médiatiser des sources préexistantes mais bien de co-production de sources écrites et visuelles, associant le regard du chercheur avec l’approche documentaire et esthétique de la réalisatrice. L’architecture par fragment du webdocumentaire apporte ici de la souplesse du côté de la conception puisque la co-production peut intervenir de façon très ponctuelle. En retour, les sources ainsi co-produites sont marquées par le contexte de création couplée à l’enquête historique. Cette exploration des supports audiovisuels et numériques nourrit d’ailleurs le souhait de prolonger les expériences collectives visant à croiser les regards sur un terrain ou un corpus commun et à développer davantage le recours aux méthodes visuelles. Par exemple, la sociologue Christelle Gramaglia utilise déjà la photographie lors de l’enquête de terrain et rend compte ainsi de son souhait d’approfondir cette démarche :
J’essaye d’insérer, de plus en plus, l’image à mon travail sociologique. L’expérience du webdocumentaire m’encourage à aller plus loin, à réfléchir sur les nouvelles formes d’écriture sociologique, tant pour mettre en avant les dimensions matérielles et sensibles des terrains investigués que pour anticiper la restitution de mes résultats aux enquêtés sur un mode qui les intéresse et possiblement les valorise.
Comme l’illustrent ces propos, dans le cas de Fos 200, le caractère visuel de la démarche d’enquête est couplé avec le souci de rendre compte du travail fourni auprès des enquêtés à des fins explicatives et pédagogiques envers un public non spécialisé.
Le webdocumentaire est destiné un large public, y compris à des élèves de troisième ou des lycéens. Dès lors, comment, en l’absence de ressort fictionnel ou ludique, transmettre un discours accessible et donner envie d’en savoir plus ? Outre les pistes pédagogiques qui proposent aux enseignants des possibilités d’exploitation avec leurs élèves, le documentaire est conçu selon plusieurs niveaux de lecture. Les périodes et l’entrée cartographique ouvrent ensuite vers des ramifications narratives qui peuvent aussi être appréhendées isolément. Ainsi, la navigation peut être adaptée en fonction du temps de consultation envisagé. Comme souvent dans ce type de création (Gebeil, 2018), l’interactivité relève du mode hypermédiatique dans lequel, selon la terminologie de Samuel Gantier, les actions de l’internaute se limitent à la consultation des différents parcours à sa convenance (Gantier, 2016). Si la possibilité de contacter l’équipe via un formulaire pour partager son propre récit ou pour toute autre demande existe, les actions de l’internaute ne lui permettent ni d’ajouter des contenus ni d’interagir avec les créateurs. Les différents niveaux de lecture proposés visent à faciliter les parcours de lecture des utilisateurs, ce qui nécessite davantage d’efforts par rapport à une interactivité plus ouverte (Gantier, 2016). Ces choix découlent principalement de contraintes techniques et économiques, mais aussi de la nécessité, une fois le webdocumentaire en ligne, d’envisager une modération ou un suivi de l’interaction le cas échéant, ce qui exige des moyens humains et financiers.
Cependant, le souci de rendre accessible un travail de recherche à destination d’un large public a constitué un facteur important de motivation pour les participants au projet. Les chercheurs impliqués ont ainsi vu dans ce projet l’opportunité de toucher « un large public », souhaitant susciter des réactions au-delà des sphères universitaires mais aussi, donner à voir, valoriser les enquêtés, les populations, les acteurs et les actrices de cette histoire à l’heure où la question des risques environnementaux se pose avec acuité, au-delà du territoire de Fos-sur-Mer/étang-de-Berre.
L’histoire industrielle du territoire relève d’une politique nationale d’aménagement mise en œuvre dans les années 1970. Les débats concernant l’industrialisation et ses effets, tant sociaux qu’environnementaux, ont été l’objet d’un renouvellement scientifique durant ces dix dernières années. Ces travaux récents éclairent d’un jour nouveau cette histoire, notamment grâce à l’ouverture vers les problématiques environnementales, les sciences expérimentales et les méthodes participatives. La zone de Fos/étang-de-Berre a connu une médiatisation croissante concernant l’impact des pollutions sur les milieux humains et physiques, sur fond d’incertitudes liées au changement climatique, « sans que les observateurs et les populations connaissent la profondeur de cette histoire ». Dans ces conditions, selon Xavier Daumalin qui est à l’initiative du projet, « le webdocumentaire apparaît comme une opportunité pour éclairer le débat public alors que la question des effets sanitaires et environnementaux de la pollution industrielle revêt une gravité particulière à l’échelle du territoire ». Il s’agit aussi de restituer à la société civile les résultats d’une recherche réalisée par des fonds publics. De plus, donner à voir les modalités et les méthodes de travail des chercheurs, constitue aussi une incitation à la vérification des sources, à la critique, tout en contribuant à solidifier le propos. La transparence ouvre la voie à la vérification ce qui renforce la légitimité de ce qui est dit. La création de Fos 200 contribue donc aussi à la réflexion sur la « dimension civique » du métier d’historien, aspect traditionnellement peu abordé dans les revues disciplinaires (Lazar et Vogel, 2017). Rendre accessible des travaux récents et des processus complexes, tout en donnant à voir la recherche en train de se faire au sein du webdocumentaire, constitue dès lors un engagement singulier pour les professionnels de l’histoire. En effet, si la profession a dépassé le mythe de l’objectivité à l’origine de sa construction comme science humaine au XIXe siècle, les historiens sont traditionnellement invités à « mettre leur personnalité entre parenthèses », comme l’illustre l’effacement du « je » dans le récit historique (Prost, 2010). Cette posture de neutralité est considérée de façon implicite comme un gage de rigueur. Or, les capsules du webdocumentaire donnent à voir la fabrique de la recherche et amènent les participants à évoquer « l’arrière-boutique », leur « atelier ». Cette mise en scène de sa propre activité professionnelle face caméra a constitué un exercice inédit et parfois déroutant pour les chercheurs, renvoyant, pour citer l’un d’entre eux, à « un questionnement plus intime sur soi, sur le sens de notre métier et sur notre relation à ce métier ». Elle constitue effectivement une forme d’exposition de soi, d’individuation, à laquelle la profession n’est pas habituée et dont la trace va potentiellement circuler en ligne, rejoignant ici les problématiques liées à l’identité numérique et à l’e-réputation. Cet aspect est révélateur de la dynamique collective : pour les chercheurs, se prêter au jeu peut sembler dérangeant, alors que pour la réalisatrice elle va de soi. Agnès Maury explique ainsi avoir elle-même été fascinée par le fait de partager le travail du chercheur, ses outils ses méthodes, et il est apparu de son point de vue incontournable de partager ce « off », d’incarner la recherche en « donnant à voir les hommes et les femmes dont c’est le métier, de sortir le savoir de sa tour d’ivoire ». La prise de risque et la crainte du jugement des pairs sont aussi évoquées dans les retours d’expérience des chercheurs s’agissant de l’exposition individuelle ou de la nécessaire simplification inhérente à ce type de création.
Grâce aux efforts consentis, ces vidéos donnant à voir « les coulisses du métier » sont porteuses d’une grande valeur heuristique parce qu’elles constituent justement un matériau permettant de traiter de la posture du chercheur à « l’ère des écrans ». Elles donnent d’abord à voir les formes d’attachement aux lieux, aux objets de la recherche, dessinant ainsi les contours d’une « écologie émotionnelle du monde savant » (Waquet, 2019). Ensuite, elles illustrent la pluralité des pratiques professionnelles de recherche en SHS mais aussi au sein de la discipline historique. Comme le souligne Philippe Rygiel, « l’historien contemporain apparaît alors d’abord comme un polygraphe hypertextuel dissimulant aux regards l’essentiel des inscriptions qu’il produit » à partir de documents qu’il consulte dans des lieux spécifiques (Rygiel, 2011). Les vidéos du webdocumentaire montrent au contraire l’acte d’histoire dans sa diversité et dans sa dimension parfois intime, donnant à voir l’histoire comme « système de pratiques sociales relativement stabilisées » ce qui constitue une dimension essentielle dans la vocation éducative du dispositif. Fos 200 propose ainsi une double réflexion, d’une part sur l’histoire comme élément de compréhension des enjeux contemporains dont l’analyse est souvent présentiste, et d’autre part comme un ensemble d’individus-chercheurs dont une partie de l’activité consiste en la production de savoirs selon des méthodes plurielles et validées entre pairs.
Dans cet article, la recherche-création articulée autour de la réalisation du webdocumentaire Fos 200 permet de mettre en évidence la façon dont les « écritures innovantes » renouvellent les formes d’élaboration et d’exposition des savoirs tout en questionnant les chercheurs sur leur méthodologie, leur pratique d’enquête et leur posture.
Le recours au webdocumentaire comme format narratif transforme l’écriture de la recherche de par sa dimension créative, il rend possible l’agencement de sources hétéroclites qui prend sens, par la mise en lien via l’hypertextualité des différentes ramifications offertes par les parcours. « Dispositif méthodologique de représentation documentaire de la recherche », le webdocumentaire encourage une écriture rhizomique de la recherche (Merzeau, 2006 ; Brito Fichefeux, 2019). Le dispositif encapsule ainsi, au sein d’un même hypermédia, l’analyse historique des dynamiques industrielles, sociales, environnementales du territoire de Fos/étang-de-Berre, la mise en visibilité des modes d’enquêtes et du chercheur, et un arsenal documentaire multimédia et référencé grâce aux métadonnées. Considérant « le webdocumentaire comme architexte pour le chercheur » (Brito Fichefeux, 2019), ce format ouvre aussi la réflexion vers l’intégration de la dimension créative dans l’écriture d’une histoire sensible.
Comme l’ont expérimenté les partenaires académiques et numériques, développer la créativité implique de stimuler les six sens exposés par Daniel H. Pink :
i) le sens du design, soit cultiver la beauté du monde, ii) le sens de l’histoire, c’est-à-dire savoir, par un récit bien choisi, imaginer de nouvelles perspectives, créer de l’émotion par une mise en contexte des événements, iii) le sens de la symphonie pour saisir les liens et donner une cohérence à l’ensemble, iv) le sens de l’empathie pour comprendre ce que l’autre ressent et prendre soin de lui, v) le sens du jeu en vue de collaborer malgré la complexité et, enfin, vi) le sens du sens, soit trouver sa raison de vivre et donner un sens à sa vie.
(Pink, 2007 ; cité par Perret et Gagnon, 2016, p. 3)
Dans Fos 200, la recherche du « sens du design » a irrigué la sélection des documents d’archive, la réalisation d’une documentation inédite (principalement audiovisuelle) et la conception de l’interface graphique en prenant en compte la dimension esthétique. Ensuite, la « mise en contexte » s’appuie sur une approche géo-historique mais aussi à travers la volonté de donner à voir le récit des acteurs. La quête du « sens de la symphonie » relève de l’architecture informationnelle qui sous-tend le webdocumentaire rendant possible les multiples ramifications des parcours et la cohérence envisagée par les chercheurs. Par ailleurs, la prise en considération de l’empathie est visible dans les portraits de chercheurs et la mise en visibilité des témoignages. Si la dimension ludique et le « sens du jeu » sont en revanche peu présents dans Fos 200, l’intention est, à travers l’accès aux coulisses de la recherche, de créer une sorte de connivence avec le public qui découvre ainsi le « off » du travail d’enquête. La créativité se fonde aussi selon Pink sur « le sens du sens » qui se traduit dans le webdocumentaire par la volonté de transmettre un savoir fiable et vérifiable mais aussi dans la finalité civique et éducative du projet : au-delà de la dimension explicative, il s’agit aussi d’engager les internautes dans une approche réflexive et active concernant les impacts et les risques de l’industrialisation sur les territoires.
Se faisant, l’exploration des formes de narration nativement numériques à travers la réalisation de Fos 200 invite les chercheurs à reposer des questions anciennes, dans le rapport aux sources, à la narration mais aussi concernant le rapport science/société. À l’image des approches cinématographiques, « il s’agit de considérer le film, non pas comme la simple illustration d’un phénomène social, mais comme un élément de sa construction » (Pink, 2007 ; cité par Perret et Gagnon, 2016). Selon cette perspective, le webdocumentaire est alors lui-même un artefact dont l’élaboration est scientifiquement et socialement située, assumant ainsi une dimension subjective qui « peut rejoindre les préoccupations actuelles de la pratique des chercheurs, autour de la problématique du regard et de la résonance entre le chercheur et la société́ » (Raoulx et al., 2012).
1 En collaboration avec Béatrice Mésini (chargé de recherche en géographie et sciences politiques, CNRS, TELEMMe), Xavier Daumalin (AMU, TELEMMe), Christelle Gramaglia (chargée de recherche en sociologie, UMR G-Eau, INRAE Montpellier), Fabien Bartolotti (doctorant en histoire contemporaine, AMU, TELEMMe), Olivier Raveux (chargé de recherche, CNRS, TELEMMe)
2 « PICTURE IT », LabexMed, région PACA : http://labexmed.fr/fr/project/picture-it/.
3 « Le grand chambardement. La construction de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer explorée à travers l’œuvre photographique de Jacques Windenberger » : http://pictureit.mmsh.univ-aix.fr. Développement informatique réalisé par Éric Carroll, alors ingénieur d’étude à l’UMR TELEMMe et membre du projet « PICTURE IT ».
4 Voir ce billet sur le carnet de recherche : https://regardsfos.hypotheses.org/a-propos
5 Voir le programme de l’atelier « Le grand chambardement. Regards croisés sur la construction de la zone industrielle de Fos. Photojournaliste, scientifiques, acteurs et habitants » (20 septembre 2019, organisé par Xavier Daumalin, Sophie Gebeil, coord. Agnès Rabion) : http://telemme.mmsh.univ-aix.fr/activites/rencontre.aspx?id=1315
6 Citons par exemple les sites suivants :
Ex-voto de Provence (coordonné par Bernard Cousin et réalisé par Éric Carroll) : http://exvoto.mmsh.univ-aix.fr.
80 documents à la Une, s’informer et informer en Europe méridionale (coordonné par Elisabel Larriba et réalisé par Delphine Cavallo) : https://80docsalaune.nakalona.fr.
7 Voir par exemple le projet « Sudorama » (INA Méditerranée et la région Sud, en partenariat avec l’UMR TELEMMe) : https://fresques.ina.fr/sudorama
8 Voir par exemple le programme de la journée scientifique « Citoyenneté numérique : une entrée par l’Education aux Médias et à l’Information » (14 octobre 2019) : http://sfere.hypotheses.org/11729. Ou encore le projet « Scola Média » : http://tice.espe.univ-amu.fr/scolamedia/
9 Dans le secteur journalistique, le fixeur est une « personne qui guide et facilite le travail des journalistes étrangers dans un pays ou une région donnée » (Blandin, 2018, p. 305-311). Ici, il s’agissait de faire le lien entre l’équipe de TELEMMe et les membres de la société civile (habitants, collectifs militants, membres associatifs ou syndicalistes, ouvriers, etc.) mais aussi les élus locaux.
10 Voir le programme du Salon des écritures alternatives en sciences sociales (10 janvier 2020, MUCEM) : http://www.mucem.org/programme/salon-des-ecritures-alternatives-en-sciences-sociales.
Voir également le site Web de « La fabrique des écritures » (Centre Nobert Elias) : http://lafabriquedesecritures.fr/.
11 Nous intégrons ici, compte tenu de la dominante historique du webdocumentaire, les matériaux issus de l’enquête sociologique ou géographique comme le paysage, l’observation dans la notion de source.
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