Michaël Meyer, Unité de sociologie visuelle, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève & LACCUS, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne.
Solène Gouilhers, Unité de sociologie visuelle, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève & Haute École de Santé Vaud, HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale.
Cornelia Hummel, Unité de sociologie visuelle, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève.
Leah R. Kimber, Unité de sociologie visuelle, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève.
Irina Radu, Unité de sociologie visuelle, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève & Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften (ZHAW).
Loïc Riom, Unité de sociologie visuelle, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève & Centre de sociologie de l’innovation, Mines ParisTech, PSL Université, i3 CNRS UMR 9217.
Cet article résulte d’un atelier de sociologie visuelle mené en automne 2017, à bord d’un bateau « Belle Époque » sur le lac Léman. Il interroge le statut, dans notre corpus qui se voulait scientifique, de photos qui ne semblent avoir d’autre vocation qu’esthétique. Plutôt que de détourner le regard de photos dont le statut peut paraître anecdotique, voire problématique, nous nous proposons de prendre au sérieux la question de la tension, voire de l’opposition, entre la « belle » photo (qualité esthétique) et la « bonne » photo (qualité heuristique). Il nous semble en effet que cette question, bien que peu discutée dans la littérature en méthodes visuelles, habite les coulisses de la production de matériel visuel par des chercheurs. Pour ce faire, nous avons retenu un ensemble de 57 « belles » photos que nous soumettons à un questionnement épistémologique engageant quatre pistes de réflexion et cadres théoriques différents. Notre démarche vise à encourager une expérimentation réflexive des méthodes visuelles.
Mots-clés : Photographie, Sociologie, Atelier, Lac Léman, Bateau, Esthétique
This article builds on a workshop in visual sociology, held in the fall of 2017, on board of the “Belle Époque” ship on Lake Geneva. We reflect on the status of photographs – intended to be primarily scientific – which seemed to serve no purpose other than being “aesthetically pleasing”. Instead of turning away from these images, which in our eyes have an anecdotic or sometimes even problematic character (scientifically speaking), we put forward the idea that the tension – or even opposition – between the “beautiful” picture (aesthetic quality) and the “good” picture (heuristic quality) should be taken seriously. This question, still rarely discussed in the literature on visual methods, is yet often in the background of researchers’ visual material production. In this way, we focus on a series of 57 “beautiful” photographs, which we submit to an epistemological analysis, using four strands of reflection based on different theoretical frameworks. This exploratory approach aims to encourage reflexive experimentation in the field of visual methods.
Keywords : Photography, Sociology, Workshop, Lake Geneva, Boat, Aesthetic
Un après-midi de septembre 2017, six sociologues embarquent à bord d’un bateau à vapeur « Belle Époque » pour huit heures de navigation sur le lac Léman. Cette croisière constitue l’un des ateliers de l’Unité de sociologie visuelle de l’Université de Genève. Pendant cet exercice annuel, nous expérimentons collectivement les méthodes visuelles sur des terrains propices à des observations de courte durée et sans relation directe avec nos objets de recherche habituels. La pluralité des regards sur le même terrain permet de mettre en évidence des dénominateurs communs entre les photos des uns et des autres, mais aussi des spécificités en lien avec les perspectives théoriques ou les thématiques de recherche de chaque membre du groupe. Il s’agit d’aborder, en groupe et par le terrain, une question tant méthodologique qu’épistémologique : comment faire de la recherche avec des images (et non sur des images ; Maresca et Meyer, 2013) ?
Équipe :
Solène Gouilhers, Cornelia Hummel, Leah R. Kimber, Michaël Meyer, Irina Radu, Loïc Riom.
Étapes :
1. Une série de repérages par une membre de l’équipe
2. Une séance préparatoire
3. Sur le terrain : deux croisières sur le bateau Belle Époque « Savoie »
Aucune annonce préalable de notre présence n’a été faite à l’équipage, mais nous ne visions pas une observation incognito. Lorsqu’interrogés et spontanément lors de conversations avec l’équipage, nous avons déclaré l’objectif de notre atelier photo-sociologique à bord.
4. Partage des données sur un serveur sécurisé
5. Une séance de travail : visionnement et pistes d’analyse
6. Valorisation (présentation en séminaire de recherche et publication)
Matériel de prise de vue :
Quatre appareils photos : Pentax K-3, Fujifilm FinePix S1800, Fujifilm FinePix X100, Canon 650d
Deux smartphones : Samsung Galaxy S8, iPhone 6
Total des photos prises : 443
De retour sur la terre ferme, nos photos et notes de terrain sont placées sur un serveur partagé. Une séance de travail est organisée pour visionner collectivement ces images. La séance permet de poursuivre le partage, commencé lors du terrain, de nos impressions, et d’esquisser des pistes d’analyse. Les photographies discutées sont alors les « traces ouvertes » de notre exercice, c’est-à-dire « traces d’une configuration spatiale, de conditions sociales, et de relations sociales entre enquêteurs et enquêtés » (Chauvin, 2017, en ligne). Certains se saisissent de la sociologie de la traduction pour éclairer les agencements sociotechniques du bateau, d’autres portent leur attention sur les différents groupes professionnels à travers le concept d’écologies liées, d’autres encore s’interrogent sur la mise en scène visuelle de la nostalgie. Durant cette mise en commun, les discussions sont parfois entrecoupées d’exclamations auxquelles nous ne prêtons, dans un premier temps, qu’une attention limitée : « elle est belle cette photo ! », « j’aime bien celle-là ». À ce stade, nous ne débattons pas de la qualité esthétique de nos photos puisqu’elles n’ont pas d’autre vocation que celle d’être des données, au même titre que nos notes de terrain.
Au fil du temps et en préparant une restitution de notre atelier pour un séminaire de recherche, les mentions a priori anodines relatives à la beauté de certaines photos continuent à émailler les conversations. Lors du passage en revue des images choisies pour un premier projet d’article, l’une de nous dit à voix basse, presque pour elle-même, « elle est belle cette photo, quand même ». Pourquoi « quand même » ? Pourquoi la qualité esthétique de nos photos est-elle d’emblée considérée comme une caractéristique secondaire, non pertinente, voire même une caractéristique dérangeante ? Cette question émerge de façon particulièrement saillante dans notre exercice collectif : nous avons tous et toutes pris des photos que nous jugeons « belles ». Il ne s’agit pas de quelques clichés, pris par les membres expérimentés de notre groupe et maniant les appareils les plus sophistiqués, mais, au contraire de dizaines de photos, réalisées avec toutes sortes d’appareils. L’esthétique de nos images s’est glissée en passager clandestin à bord de notre enquête. Que faire de ces photos ? Nous pourrions rapidement refermer la question en sortant cet ensemble d’images de notre corpus de travail pour le mettre dans un fichier « souvenirs de terrain ». La belle photo n’aurait ainsi aucune qualité heuristique : elle ne servirait pas à la production de connaissances. Ce point de vue peut être illustré, sous forme de clin d’œil réflexif, par une photo accompagnée d’un commentaire envoyée par l’un des membres du groupe, au lendemain de la croisière (Image 2) : voici donc une « bonne » photo sociologique – elle n’est pas belle et « raconte des choses ».
Plutôt que de détourner le regard de ces photos dont le statut peut paraître anecdotique, voire problématique, nous proposons de prendre au sérieux la tension entre « belle » photo (qualité esthétique) et « bonne » photo (qualité heuristique). Il nous semble que cette question, bien que peu discutée dans la littérature en méthodes visuelles, habite les coulisses de la production de matériel visuel des chercheurs et des chercheuses. L’anthropologue-photographe Sylvaine Conord rappelle que « [e]n sciences sociales, une “bonne” photographie n’est pas nécessairement “belle” au niveau des formes ou des couleurs, mais délivre du sens par rapport au sujet » (Conord, 2002, en ligne). Ce qui intéresse d’abord les chercheurs, ce serait prioritairement le contexte de production et le contenu informatif de l’image : « produites selon les choix exclusifs de l’anthropologue, [les photos] apportent des informations diversifiées aidant à la description et la compréhension des faits sociaux » (Conord, 2002, en ligne). On comprend dès lors que ce premier réflexe professionnel relègue les discussions esthétiques, mais aussi techniques, par exemple du côté des enquêtés. Sylvaine Conord défend que « [q]uand les photographies sont réalisées selon les critères esthétiques et les choix de mise en scène de soi des sujets photographiés, elles révèlent des éléments concernant la présentation de soi et les mises en représentation » (Conord, 2002, en ligne). Entre les jugements de goûts des sujets photographiés et l’appréciation des images selon les critères scientifiques des chercheurs, il y a donc des interstices où se glissent des éléments de discussion esthétique.
La sociologie de l’art a ouvert la voie à une prise en compte et une analyse des dimensions visuelles et esthétiques à l’œuvre dans le travail artistique : « sociology simply needs to develop new tools to take this more visual, aesthetic intelligence into account » (Krzys Acord, 2006, p. 75). Cette intelligence esthétique ne concerne-t-elle pas également le chercheur ou la chercheuse en train de prendre une photo ? Les chercheurs et les chercheuses en sciences sociales sont-ils si étrangers aux considérations esthétiques ? La multiplication de « concours d’images scientifiques2 » laisse en tout cas penser que le monde de la recherche possède une sensibilité esthétique à sa production visuelle. Il devient alors d’autant plus important de poursuivre l’effort réflexif et épistémologique sur le rôle des images dans la construction de l’enquête. Notre expérimentation collective durant cet atelier aura finalement mené à une question certes ambitieuse, mais dont la mise à l’agenda nous apparaît capitale pour les méthodes visuelles.
Pour initier la discussion, nous avons retenu un corpus de 57 photos (sur les 443 photos réalisées lors de notre terrain) qui suscitent, chez nous, l’élan spontané « ah c’est beau » ou « c’est une belle photo », mais parfois aussi une forme de dérision (« ah c’est vraiment la carte postale, là ! »), reflétant la perplexité du sociologue face à sa propre photo de coucher de soleil (Image 3).
Dans les sections qui suivent, nous interrogeons ces photos sans toutefois complètement entrer dans une analyse des qualités qui les rendent esthétiques (lumière, cadrage, composition) ou dans une analyse en termes d’intention du sociologue-photographe. Il ne s’agit pas de déterminer si l’intention était, ou pas, de faire une belle photo, en reconstruisant a posteriori des motivations distinguant, par exemple, documentation et esthétisation. Le duo constitué par deux photos très similaires (Images 4a et 4b) permet de montrer qu’il est difficile de distinguer ces deux dimensions. D’abord envoyée durant la croisière aux autres membres du groupe via l’application de messagerie WhatsApp avec la mention « l[à] où le personnel fume », l’image 4b révèle des qualités esthétiques lors de son exportation du smartphone, à la faveur du dévoilement du cadrage d’origine une fois extraite de l’application. Le renforcement de la perspective (diagonale du bastingage se prolongeant en direction de la ligne d’horizon) fait soudain d’elle une « belle » photo intégrée dans le corpus ad hoc3.
Images 4a et 4b - À gauche, photographie prise lors de la croisère, transmise immédiatement par
l’application Whatsapp avec ajout textuel, non classée dans le corpus ; à droite, la même photographie exportée de la mémoire du téléphone et classée dans le corpus « belles photos ».
Un deuxième exemple est offert par une photo de la timonerie (Image 5) prise lors de la visite de cet espace habituellement inaccessible aux passagers. On peut partir du principe que l’intention était de documenter l’espace de travail, et en particulier la barre. Toutefois, le Jet d’eau éclairé par le soleil couchant est avantageusement placé au centre d’une des fenêtres et ce détail esthétise la photo. Si tenter de reconstituer et d’analyser les ressorts de l’intention esthétique paraît vain, il en est de même pour l’intention documentaire. Les trois personnes qui ont photographié la barre l’ont fait de façon identique, de face ou de trois-quarts, alors que l’explication donnée par le capitaine « demanderait » à ce que les photos soient faites de biais. En effet, ce que l’on voit n’est pas une barre, mais en réalité deux barres : une grande, à l’ancienne, et une petite qui est dotée d’une assistance hydraulique – cette dernière étant la barre utilisée la plupart du temps. La différence entre les barres a d’ailleurs été éprouvée par un membre du groupe sur invitation du capitaine. A posteriori, la mise en parallèle des photos et des notes de terrain prises dans la timonerie révèle que l’angle de prise de vue a affaibli la valeur documentaire (barre) au profit de ce qui est visible par la fenêtre (lac, ciel, Jet d’eau).
La difficulté à distinguer les intentions documentaires et esthétiques du sociologue-photographe incite à considérer notre corpus de « belles » photos comme une production commune achevée : les photos sont là, sous nos yeux, et plutôt que de nous interroger sur le pourquoi de leur production, nous nous concentrons sur ce qu’elles sont. Nous proposons alors de les interroger à partir de quatre pistes de réflexion épistémologiques. Chacune de ces pistes permet de discuter la qualité esthétique de nos photos sous un angle spécifique. La première suit l’idée que le regard des chercheurs, comme celui de n’importe quel photographe, serait préformé par une iconographie préexistante, un bain visuel auquel nous n’échappons pas. La deuxième piste s’élabore autour du rôle des images dans la mise en scène du Léman et de la promotion d’une expérience « authentique » du lac. La troisième piste réinvestit la notion d’« aire du photographiable » pour réfléchir à la place des faiseurs d’images à bord. La dernière piste suggère de partir de l’appareil photo comme « médiation » pour penser la production des belles photographies.
Notre démarche ne vise pas à offrir un modèle théorique intégré des approches visuelles en sciences humaines et sociales (pour cela, voir Pauwels, 2011), mais à refléter les allers et venues de nos réflexions issues de l’atelier. Elle se veut exploratoire et vise à encourager l’expérimentation et la réflexion.
L’examen de nos « belles » photos ouvre une première piste : nous avons produit des photos vernaculaires, s’inscrivant dans la lignée des photographes amateurs dont la pratique a été rendue possible par l’invention en 1888 des appareils photos compacts Kodak, et ensuite par leur très large diffusion. Des générations de femmes et d’hommes ont suivi l’injonction « Pressez le bouton, nous faisons le reste » et ont produit des millions de « snapshot », ces instantanés auxquels les acteurs du monde de la photographie d’art reprochent, entre autres, leur naïveté et leur manque d’ambition (Schibler, 2011). Ce geste « naïf » qui consiste à immortaliser un être aimé ou un paysage émouvant fait écrire à Roland Barthes :
Chaque fois que je lisais quelque chose sur la Photographie, je pensais à telle photo aimée, et cela me mettais en colère. Car moi, je ne voyais que le référent, l’objet désiré, le corps chéri ; mais une voix importune (la voix de la science) me disait alors d’un ton sévère : « Reviens à la Photographie. Ce que tu vois là et qui te fait souffrir rentre dans la catégorie ‘Photographies d’amateurs’ », dont a traité une équipe de sociologues : rien d’autre que la trace d’un protocole social d’intégration destiné à renflouer la famille, etc.
Barthes, 1980, p. 19-20
Barthes fait référence ici à l’analyse critique de la photographie amateur comme pratique procédant du culte de la famille par le biais de son auto-mise en scène photographique (Bourdieu, 1965a). La sociologie du tourisme s’est également saisie de la photographie amateur par le biais du néologisme « kodakisation », celui-ci désignant les ponts qui relient l’avènement du tourisme, la photographie de famille et les manières de voir des familles (family gaze) : « [Targeting] the new middle-class family and tourism […] Kodak re-made and re-scripted photography as a leisurely family-centred performance » (Urry et Larsen, 2011, p. 176).
La catégorie « photographies d’amateurs » a non seulement prêté le flanc à la critique familialiste, mais on devine également, entre les lignes de Barthes, le soupçon moral qui plane sur la prise spontanée de l’émouvant. Avec une plume autrement plus acide, Susan Sontag évoque de la sorte la facilitation technique de la prise de vue offerte par Kodak : « Dans le conte de fées de la photographie, la boîte magique garantit la véracité et bannit l’erreur, compense l’inexpérience et récompense l’innocence » (2008, p. 82). La photographe Lisette Model entre dans le débat moral en répondant à Sontag que « l’innocence est la quintessence de l’instantané. Je souhaite distinguer l’innocence de l’ignorance. L’innocence est l’une des plus importantes composantes pour être quand l’ignorance est l’une des plus basses » (Model in Bastid, 2014, en ligne).
Nos « belles » photos sont-elles des accidents issus d’une rencontre portant le sceau de l’innocence entre un photographe et un paysage ? Nous ne pouvons pas nous arrêter à ce constat car, bien que sociologues, nous suivons Barthes dans ses interrogations sur les photos aimées : « Le noème de la Photographie est simple, banal ; aucune profondeur : “ça a été” » (1980, p. 176). Le « ça », dans sa double position de réalité présente (la photo que je regarde) et de passé (ce qui était au moment de la prise de vue), invite à penser nos photos comme renvoyant à un référent inscrit dans la temporalité longue des représentations touristiques qui préforme notre regard de touriste photographe amateur. Dans cette perspective, le sociologue muni d’un appareil photo serait un touriste comme un autre, son regard lui aussi touristique (tourist gaze) étant « largely preformed by and within the existing mediascapes » (Urry et Larsen, 2011, p. 188).
Notre sélection de « belles » photos magnifie, en effet, le paysage lémanique : le lac, les Alpes, le ciel, les ports. De plus, nos photos s’inscrivent pleinement dans le photogénique du XXe siècle qui emboîte le pas au pittoresque du XIXe siècle. La reproduction de représentations préexistantes apparaît de façon troublante lorsque nous découvrons une carte postale de 1912 montrant un bateau Belle Époque dans la rade de Genève4, au départ d’un embarcadère situé en face de celui où nous avons embarqué un siècle plus tard. Le face-à-face constitué par la carte postale (Image 6a) et l’une de nos photos (Image 6b) souligne la façon dont les gravures, peintures, photographies prises de la rade genevoise au cours du temps organisent le regard.
Images 6a et 6b - Carte postale de 1912, « Patrimoine du Léman » collection de M. Didier Zuchuat, Patrimoine du canton de Vaud, Suisse, en ligne ; et une photographie prise avant le départ de notre croisière de l’après-midi et classée parmi le corpus de « belles photos ».
De ce point de vue, les géographies préformées picturalement et photographiquement deviennent des référents au sens de Barthes, et la photographie touristique ne serait qu’une succession de « ça a été » et précisément d’un ça a déjà été photographié. Nos « belles » photos seraient alors l’expression d’une inévitable intrication entre la pratique de la photo prise sur le Léman et le genre photographique « photo lémanique » (par analogie à la photo « alpine », voir Urry & Larsen, 2011). Le photographe – même lorsqu’il est sociologue - n’a pas d’autre choix : « La Photographie emporte toujours son référent avec elle » (Barthes, 1980, p. 17).
La tendance à reproduire ainsi des points de vue canoniques du Léman est confirmée par de multiples invitations explicites, issues en particulier des milieux touristiques. Ainsi le « Grand Tour of Switzerland5 » est une opération marketing de Suisse Tourisme, visant à promouvoir la Suisse et l’offre touristique du pays. Cette proposition d’itinéraire est jalonnée de 46 « spots photo du Grand Tour » où ont été installés de grands cadres métalliques rouge, en forme de blason, invitant les visiteurs à prendre et à partager des images de ces emplacements. Plusieurs de ces installations se situent au bord des lacs suisses, dont trois avec vue sur le Lac Léman (Image 7). Que la prise de vue soit faite à travers le blason, avec celui-ci dans l’image ou en se faisant photographier dans celui-ci (grâce à un marchepied intégré à la structure), les visiteurs peuvent jouer avec le point de vue photographique sur le lac. Suisse Tourisme annonce d’ailleurs « Nous mettons en scène pour vous les plus beaux panoramas jalonnant le parcours » et les visiteurs n’ont alors plus qu’à déclencher leur appareil et obtenir ainsi un point de vue déjà validé sur le Léman.
À l’instar du « John Ford’s Point » à Monument Valley (Arizona, USA), des processus sociaux, économiques et communicationnels cultivent et transmettent la photogénie des lieux. Certaines de nos images du Léman sont belles car elles contribuent et font écho à cette iconographie préexistante du « beau » paysage lémanique, dans lequel les bateaux « Belle Époque » constituent un point d’intérêt visuel majeur.
Tandis que la première proposition suggère la piste d’un œil préformé par l’iconographie touristique, une deuxième escale épistémologique explore le caractère performatif de la photographie. Nous partons alors du lac Léman envisagé comme une scène goffmanienne : nos « belles photos », si proches de l’iconographie lémanique retrouvée sur les cartes postales, ne se réduisent plus à une forme de « citation » (quotation) visuelle, mais participent à une « mise en scène » (Goffman, 1959). Même si cette dernière est, certes, partiellement pré-agencée – un concept que développe Larsen avec l’idée de staged authenticity (Larsen, 2010) – elle engage le photographe et son regard. Larsen souligne ainsi, à propos de la photographie touristique, « photography produces new rather than mirrors situations, which is in line with Goffman’s idea that the self and social groups are a dramaturgical effect emerging through the enactment » (Larsen, 2010, p. 325).
Considérons le bateau comme un élément scénique en soi, s’inscrivant dans une scène plus large : le Léman. Celle-ci est à la fois composée et animée d’une multitude d’entités : les touristes, les membres de l’équipage, l’eau, les montagnes, le ciel, les nuages, les ports, les bateaux, le Jet d’eau de Genève, etc. La prise de vue, la représentation photographique du bateau, est élaborée entre des avant – et des arrière-scènes. Les dispositifs d’arrière-scène ont pour fonction de soutenir l’avant-scène qui, elle, répond à la recherche d’authenticité du touriste (Pearce et Moscardo 1986). Nos « belles » photos reflètent l’avant-scène en captant l’authenticité du bateau, de son équipage, des serveurs évoluant dans les restaurants Belle Époque, du paysage et des touristes à travers les prises de vue. Les dispositifs de coulisses, que nous n’avons pas ou peu photographiés, sont les cuisines, les vestiaires du personnel, ainsi que les activités qui se déroulent « hors saison », telles que la maintenance des bateaux – autant de dispositifs qui n’ont pas vocation à être vus.
Mentionnons toutefois une exception notable et significative des ressorts de la mise en scène de l’authentique : sur le bateau « Savoie », ce qui est habituellement caché aux yeux des passagers, à savoir la machinerie, est placé aux premières loges du paysage « interne » du bateau (Image 8). En effet, une ouverture entourée d’une barrière permet aux passagers d’admirer la partie la plus spectaculaire – et restaurée avec soin – de la machine à vapeur : les grandes bielles qui vont et viennent dans le cadre en fonte frappé du nom du fabricant (Sulzer Frères Winterthur) et la date de fabrication (1914). La partie visible de la machine (le reste de la salle des machines étant cachée) est une attraction majeure abondamment photographiée par les passagers, dont nous, sociologues.
Adopter une perspective dramaturgique nous incite à considérer que le paysage dans lequel s’inscrit le bateau est loin d’être « donné », mais qu’il doit être performé. La notion d’« empaysagement » développé par Debarbieux (2007 : 8) permet d’éclairer le rôle joué par le paysage dans la scène lémanique :
L’empaysagement désigne […] un tournant dans la façon qu’ont les sociétés contemporaines de se penser elles-mêmes et de penser leur inscription matérielle par l’entremise de la représentation et de l’action paysagère. Les ressorts de cet empaysagement des consciences sont à rechercher tantôt dans une volonté de compensation, souvent passéiste ou nostalgique, à l’évolution des pratiques de l’espace et de la mise en péril des territorialités politiques, tantôt dans le souci de reconstruire du projet politique territorialisé sur des bases nouvelles
Debarbieux, 2007, p. 8
Autrement dit, l’empaysagement est la façon dont le paysage est amené à participer à la façon dont se pense et s’affirme l’identité d’une région. En ce sens, les bateaux de la flotte « Belle Époque » participent à part entière à la mise en paysage du Léman, notamment par le biais des cartes postales et photographies, tant amateurs que professionnelles, prises depuis le rivage ou depuis les bateaux. L’ensemble des entités participant à cette mise en scène contribuent à la réalisation d’une authenticité couplée à l’identité visuelle propre à l’arc lémanique. Dans ce contexte, on ne s’étonne pas de retrouver un bateau « Belle Époque » dans le dossier de candidature des vignobles en terrasses du Lavaux au patrimoine mondial de l’UNESCO (Image 9) : le bateau figure à droite du cadre, la marque de son sillage suggérant qu’il vient de traverser l’image6.
Image 9 - Capture d’écran du dossier de candidature de Lavaux au patrimoine mondial de l’UNESCO, « Lavaux, vignoble en terrasse face au lac et aux Alpes », 2006, p. 6 . Première photographie pleine page à l’intérieur du dossier, elle est positionnée entre les préfaces des autorités politiques et la table des matières.
De fait, le paysage (le lac, le ciel, les berges) a une forte présence dans nos « belles » photos, associé à des éléments qui signalent le point de vue depuis le bateau. L’image 10 représente majoritairement une photo de paysage, magnifiant la rade de Genève sous le ciel rosé du coucher de soleil, où seul le drapeau et le sillage signalent que nous sommes sur une embarcation. Cette photo, de par ses éléments, ne permet pas d’être située dans un temps historique, mais reflète plutôt notre propre performativité dans la constitution iconographique d’un Léman authentique. Il en est de même pour l’image 11, dans laquelle dialoguent la table dressée à la façon de l’époque et le Léman.
« Rather than mirroring, photographs partly create geographies, culturally, socially and materially » écrivent Urry et Larsen (2011, p. 172) : c’est ce que nous faisons lorsque nous octroyons une place de choix au paysage. Nos photos en plans larges ont ainsi fréquemment été élaborées en intégrant spontanément une règle des tiers qui donne visuellement une place au paysage, y compris sur des images visant à documenter des éléments matériels du bateau (Image 12, règle des tiers au profit du bateau). L’ancre du bateau ou encore les cordes d’amarrage ont été mises en image par le biais de cadrages qui les positionnent dans le paysage. Si la règle des tiers permet de dynamiser la composition de façon à éviter le placement central du sujet principal, elle permet aussi de rappeler et relier le sujet avec son contexte, ce dernier prenant parfois un ascendant visuel sur le bateau (Images 13 et 14, règle des tiers au profit du paysage) – le bateau à la fois empaysagé et empaysageant.
Notre troisième piste s’intéresse davantage aux logiques qui prévalent à la création et surtout à la validation des « belles » images. L’hypothèse est que nos « belles photos » reflètent une « aire du photographiable » (Bourdieu, 1965b), c’est-à-dire ce qui sur le bateau est désigné comme objet digne d’être photographié par différents acteurs (la compagnie de navigation, les institutions patrimoniales, les touristes).
[L’aire du photographiable] se trouve définie par des modèles implicites qui se laissent saisir à travers la pratique photographique et son produit parce qu’ils déterminent objectivement ce qu’un groupe confère à l’acte photographique comme promotion ontologique d’un objet perçu en objet digne d’être photographié, c’est-à-dire fixé, conservé, communiqué, montré et admiré
Bourdieu, 1965b, p. 24
Autrement dit, photographier un élément du bateau, c’est simultanément lui conférer une certaine valeur sociale ou professionnelle (si on admet une flexibilité par rapport à ce que Bourdieu entend par groupe dans la définition ci-dessus). L’équipage est en partie le gardien de cette consécration en suggérant, par exemple, des points de vue aux visiteurs-photographes ou en acceptant parfois d’être pris eux-mêmes en photo.
Un élément « photographiable » sort très nettement de notre corpus : l’ancien restauré. La valeur patrimoniale des bateaux sur les lacs suisses fait d’ailleurs l’objet d’initiatives de sauvegarde depuis plusieurs années. La « Flotte Belle Époque du Lac Léman », selon son intitulé officiel, est inscrite au registre des monuments historiques du canton de Vaud depuis 20117. Classé à l'Inventaire suisse des biens culturels d'importance nationale (PBC)8, le bateau Savoie est d’ailleurs l’un des quatre seuls bateaux de la flotte Belle Époque à avoir conservé sa machine à vapeur d'origine. À ce titre, certaines de nos « belles photos » s’apparentent à un « inventaire culturel » (Collier et Collier, 1986, p. 45). On y trouve des éléments valorisés à bord et retenus pour le classement du Savoie : « les œuvres vives, le système de propulsion à vapeur d'origine, les roues à aubes, les superstructures, les aménagements intérieurs, les décors intérieurs et extérieurs, et l'armement de chaque navire9 ».
Nos photos « sociologiques », au contraire, trahissent bien souvent l’aire du photographiable du Savoie. Elles contreviennent aux attendus sociaux de la photographie à bord du bateau, pour répondre à ceux de la sociologie avec les images. On sait que la confrontation entre une aire du photographiable et ce qui est effectivement photographié par des sociologues peut provoquer un « malentendu » (Papinot, 2007) et des « réticences » (Hummel, 2017) dans les relations d’enquête. En chercheurs formés à l’observation, nous savons que ce ne sont pas toujours les lieux, objets ou situations les plus flagrants qui sont les plus utiles à l’analyse sociologique. L’appareil photographique nous confirme dans le besoin d’aller chercher le détail (in)signifiant, qu’il soit caché ou simplement renvoyé à l’arrière-plan, qui permet de relire l’ensemble d’une scène (à l’image, cela peut par exemple devenir un jeu entre un premier et un second plan). Ces détails, qui demeurent en temps normal de l’ordre de « l’invu » (Guinchard, Calla et Petit, 2017, en ligne), heurtent l’aire du photographiable du Savoie. Ainsi les mises en images de tuyaux enroulés sous les bancs du pont avant (Image 15), les poubelles près des escaliers conduisant à la première classe (Image 2) ou encore le cendrier du personnel de bord (Image 4a) n’ont pas suscité de compliments esthétiques dans notre groupe. Par contre, ces prises de vue ont parfois fourni les premières intuitions analytiques sur le travail invisible de l’équipage et la gestion ordinaire des flux de touristes à bord.
En se rappelant la seconde escale épistémologique, on constate que les « bonnes » photographies, sociologiques ou heuristiques, se composent majoritairement de mises en image des coulisses, de l’arrière-scène. Ces photos « parlent » aux sociologues, dès lors qu’elles permettent de dévoiler les efforts de mise en scène et donnent à voir les traces du travail minutieux sans lequel l’inauthenticité prendrait le dessus. Il s’agit alors plutôt de gros plan sur des éléments affichés ou posés à bord, destinés à être vus, mais pas à être contemplés, ni photographiés. Ainsi la photographie frontale de l’affiche « fondue avec vue » (Image 16a) souligne la présence dissonante de cet élément promotionnel sur l’une des parois du pont principal : image dans l’image qui dévoile le paradoxe d’un élément inauthentique et prosaïque devenu principal vecteur d’une promotion de l’expérience authentique et de l’exception.
La confrontation des photos belles (qui respectent le périmètre de ce qui est digne d’être mis en valeur à bord) et des photos significatives (qui sont laides ou techniquement ratées, mais heuristiques) constitue d’ailleurs un ressort précieux pour identifier les points de tension de l’authentique mis en scène. À titre d’exemple, nous pouvons envisager le face-à-face entre l’affiche #lakexception (Image 16a) et le baromètre d’époque (Image 16b). Ainsi positionnées en regard l’une de l’autre, ces images soulignent que les coulisses, au sens de Goffman (1959), ne sont pas à comprendre uniquement dans leurs dimensions spatiale ou symbolique, mais peuvent être aussi saisies en termes de cadrage (un autre terme goffmanien) : le bateau, et le Léman avec lui, sait se faire photographier. Bien que situés à peu de distance l’un de l’autre, ces deux éléments donnent à nos prises de vue deux cadrages bien différents. L’un dénonciation de l’inauthenticité du marketing de l’image lémanique ; l’autre contemplation d’un composant d’époque, restauré et laissé à disposition du regard public (à l’instar de la machinerie apparente). De ce point de vue, nos « belles images » offrent une autre piste de réflexion : leur insertion dans un périmètre de choses et de situations mises en scène à bord, et plus largement, sur le lac Léman, qui performent notre regard. Ce que nous avons photographié, ce sont non seulement des lieux, des objets ou des personnes, mais c’est aussi notre propre regard mis en action à bord du bateau. Visionnées en série chronologique, les photographies (« belles », « bonnes » ou les deux mêlées) dévoilent quelque chose de chacun-e de nous, à commencer par là où notre attention s’est portée, par des répétitions et les retours incessants de notre intérêt vers les mêmes objets (les cordages par exemple) ou points de vue (les vues mêlant bateau et paysage côtier).
Images 16a et 16b - Photographies d’une affiche publicitaire et d’un baromètre à bord du Savoie, non classées dans le corpus de « belles photos »
Précisons encore que les images exclues de nos jugements de beauté sont pourtant celles qui ont le coût le plus élevé pour le chercheur ou la chercheuse. Si l’on se place pour un temps dans l'expérience d’enquête visuelle sur le terrain, les prises de vue qui répondent aux critères canoniques de la photo touristique sont les plus simples à prendre. Elles positionnent le chercheur-photographe dans les pratiques convenues de la prise d’images à bord. On fait comme tout le monde, en photographiant les cordages bleus ou la cloche sur le pont avant (Image 17), en photographiant la côte et les ports, en regardant vers l’avant du bateau. Mais si l’on se tourne face aux voyageurs, si l’on s’agenouille pour photographier sous un banc ou si l’on s’immobilise dans le couloir pour faire le gros plan d’une affiche publicitaire ou de la porte des WC, le sentiment de décalage est fort.
Les photographies à contre-courant, la mise en image d’éléments hors de l’aire du photographiable, suscitent des sentiments différents, entre embarras, crainte de susciter l’inquiétude des passagers ou l’intervention de l’équipage pour clarifier nos intentions. Le chercheur se sent moins à l’aise avec son outil photographique, car il sent que sa pratique est décalée par rapport à celles des autres personnes embarquées sur le bateau. D’ailleurs, il n’a pas fallu longtemps pour que notre groupe soit repéré par l’équipage. Le malaise d’un chercheur-photographe face aux réactions (verbales ou physiques) qu’il craint de susciter (ou qu’il suscite effectivement) lui indique qu’il longe à présent les frontières des modèles photographiques implicites du monde social ou professionnel étudié : « La réaction à l’image prise (ou en train d’être prise) est en effet un autre révélateur précieux en ce sens qu’il permet de dévoiler ce que les acteurs définissent comme photographiable, mais qui est défini autrement par la sociologue-photographe » (Hummel, 2017, en ligne).
Nos « belles » images renseignent sur ce travail permanent de consécration photographique d’un lieu ou d’une situation mise en image, ou pour le dire autrement, du travail de démarcation entre ce qui est digne d’être photographié et ce qui ne l’est pas. Réfléchir la « belle » image ou la « bonne » image sociologique, c’est en quelque sorte se positionner entre l’ensemble des photographies faisables (ou qui mériteraient d’être faites) et l’univers des réalités qui sont objectivement photographiables étant donnés les possibilités techniques de l’appareil et le champ de visibilité du photographe. Parmi tout ce qui peut techniquement être photographié, notre équipe de six personnes, pendant huit heures, n’aura retenu au final qu’une mince portion de ce qui pouvait être mis en image.
Si, jusqu’ici, nos réflexions ont essentiellement porté sur le photographe et l’objet photographié, qu'en est-il de l’appareil photo ? Ne fait-il qu’exécuter ce que le photographe lui commande ? Ou plutôt, peut-on le penser comme actant, partie prenante dans la production de la photographie, capable de « faire » photographier un groupe de sociologues sur son terrain d’enquête ?
Notre quatrième escale épistémologique prend au sérieux la puissance d'action de l'appareil photo. Les études des sciences et des techniques ont montré que les objets ne sont pas inertes (Latour, 1994). Comme le soulignent Hennion et Latour (1996, p. 238), « ars [en latin] veut dire technique » et nos « belles photos » doivent alors nous inciter à interroger aussi nos appareils photos. Saisir l’esthétique d’une photographie implique d’aller voir ce qu’il y a à l’intérieur de l’appareil et d’interroger les puissances d’action des choses, la manière dont elles font agir (Latour, 2000 ; Hennion, 2013). De même que pour l’histoire technique du piano et de la notation de la musique (Hennion, 2018), l’histoire de la photographie est faite d’un empilement de couches successives et hétérogènes.
Jusqu’à la fin du XIXe, la photographie était réservée à l’usage de professionnels et de quelques amateurs engagés. Réaliser une photo demandait un important savoir technique et représentait un coût élevé (Gómez Cruz et Meyer, 2012). Ces contraintes limitaient les usages de la photographie ainsi que les objets photographiés. Au tournant des XIXe et XXe siècles, l’entreprise Kodak met successivement sur le marché plusieurs modèles simplifiant l’utilisation de la photographie. Cette évolution est accompagnée par la mise en place d'une importante infrastructure nécessaire au développement des photographies ainsi que l'émergence d'un nouveau groupe social : les photographes amateurs (Jenkins, 1975 ; Urry et Larsen, 2011, p. 175‑178). Ce mouvement se poursuivra au cours des décennies, chaque génération d’appareils photos amenant de nouvelles simplifications techniques.
La numérisation de la photographie amplifie le contrôle embarqué dans l’appareil photo. En accentuant le processus de miniaturisation des appareils, elle incorpore de nouvelles fonctions et permet un traitement des photographies directement par les utilisateurs (Gunthert, 2015). Toutes les fonctions ont été rassemblées dans un seul objet technique, de plus en plus petit et maniable : la prise de vue, la réalisation, l’édition. En intégrant ces technologies, y compris dans l’étape d’édition (avec l’usage de filtres par exemple), les smartphones franchissent un cap dans la banalisation de la prise de photos de qualité, en logeant dans un objet du quotidien des appareils photos performants et d’une grande facilité d’utilisation. Nos appareils, à travers leurs différents « scripts » d’utilisation (Akrich, Callon et Latour, 2006), sont donc tout entier pensés pour nous faire faire des belles photos sans besoin de maîtriser une technique particulière.
En portant notre attention sur les appareils, la question de la production esthétique se déplace de la personne (le photographe et son « regard ») ou du sujet photographié (« c’est beau ») à l’objet photographiant conçu pour faire du beau. La prise en compte de ce processus de plus d’un siècle et demi d’innovations sociotechniques met en garde contre l’idée qu’il existerait une « belle photographie » en soi, qui préexisterait à l’histoire de l’appareil photo et de ses utilisateurs. La question esthétique est techniquement située. Du Kodak Pocket aux smartphones, les appareils ont rendu plus accessible la prise de photographie, mais ont également forgé notre regard et notre écriture visuelle. Dès ses balbutiements, la photographie a été pensée comme un prolongement de l’œil humain (Bonnard Yersin et Bonnard Yersin, 2016). Comme le note Mangano (2015, p. 15) : « L’énonciation photographique […] est fortement conditionnée par le système de prise de vue. L’énonciateur se constitue en tant que tel en relation avec un appareil, suivant ses caractéristiques ».
Si nos appareils photos sont des « machines à voir » (Mangano, 2015), que nous ont-ils fait faire et fait voir durant l’atelier à bord du Savoie ? Avant tout, nos appareils nous ont fait bouger. Nos tâtonnements pour trouver la « bonne » prise de vue a impliqué des déplacements nombreux sur le bateau. En conséquence, il est arrivé que les mêmes lieux et objets aient été mis en image à plusieurs reprises par des photographes différents. Par exemple, deux personnes ont fait des prises de vue très similaires de la timonerie (l’une est l’image 5). Si l’on écarte le simple hasard et que l’on considère les conditions matérielles de prise de vue, on note tout de suite que l’espace à disposition pour se tenir à la timonerie laisse peu de possibilités de cadrage. Pour obtenir un recul nécessaire à l’image d’ensemble du tableau de bord – que le capitaine était en train de nous décrire – il fallait se coller au mur. Autrement dit, la focale de notre objectif nous dispose dans l’espace. Plus largement, tous les scripts contenus dans nos appareils (lignes d’aide au cadrage, indicateurs de mise au point visuels et sonores, réglages automatiques de la vitesse d’obturation, de l’ouverture et de la sensibilité, etc.), conçus pour nous faire faire des photos « réussies », ont façonné la composition de nos images, ainsi que notre va-et-vient durant la croisière. Selon nos appareils, ils ont aussi pu nous limiter dans la prise de certaines photos. Les cuisines se sont par exemple révélées plus compliquées à prendre en photo par manque de place et de lumière. Au contraire, les grands espaces ouverts sur le lac ou le ciel (Images 18 et 19) – beaucoup représentés dans notre dossier « belles photos » - étaient plus faciles à capturer, car le point de vue adapté à leur mise en image met mieux à profit les capacités des grands angles et des automatismes des smartphones notamment.
La dernière escale épistémologique invite donc à penser plus systématiquement l'enquête ethnographique à partir des techniques que nous déployons sur nos terrains, ou plus exactement, avec elles. Dans notre cas, on peut s’interroger sur comment nos appareils, mais aussi la prise de « belles photos », ont engagé nos sens et nous ont guidé dans notre enquête.
Les escales de cet article ramènent à la question initiale : que faire de nos « belles photos » ? Les notions de « beau », d’« artistique » ou d’« esthétique » sont généralement bannies des approches visuelles en sciences sociales, tant les images considérées y sont désesthétisées, au profit par exemple d’une fonction d’inventaire, d’aide-mémoire ou en faveur de l’analyse socio-historique des contextes et des acteurs mis en images. L’un des apprentissages de notre atelier et des évolutions actuelles du champ des méthodes visuelles est que les photographies (et plus largement toutes les données d’enquête visuelles) ne se contentent plus de donner à voir, mécaniquement et passivement, des lieux, des personnes ou des situations sociales10. Interroger le beau dans nos photos a alors été une manière de faire un autre type d’« arrêt sur image » (Rémy, 2007), moyen d’exploration dans un but de description ethnographique, mais aussi dans une visée réflexive sur le rôle des équipements de recherche visuels.
L’ambition de notre atelier et des travaux collectifs qui ont suivi, y compris la rédaction de cet article, était de se prêter à un exercice d'expérimentation qui oblige à interroger explicitement nos pratiques et nos compétences photographiques de chercheurs. Si par habitude professionnelle spontanée, nous avons d’abord convoqué des cadres théoriques pour faire parler nos images, le cumul et les éventuelles contradictions de ces voies montrent la difficulté à dompter les données visuelles. Celles-ci se jouent des carcans et introduisent des glissements, à tout moment, entre la valeur de trace et la valeur esthétique. Entre tentative de fixation du sens et polysémie de la lecture, plusieurs processus de transformation – ou, selon le point de vue, de perte de maitrise – s’introduisent lors de la prise de vue, lors des visionnements successifs et lors de l’exploitation scientifique des données visuelles. De grands noms des sciences sociales, tels Claude Lévi-Strauss et Pierre Bourdieu, en ont d’ailleurs fait l’expérience en voyant leur production photographique valorisée tardivement, y compris sous l’angle esthétique, alors qu’ils n’avaient eux-mêmes pas jugé pertinent d’exploiter ces images produites dans une visée d’aide-mémoire ou de journal de terrain. Les deux se sont par la suite défendus d’avoir voulu faire de belles images, y voyant une entorse à leur œuvre savante : « En fait, le souci d’être sérieux scientifiquement m’a porté à refouler la dimension littéraire : j’ai censuré beaucoup de choses. [...] Oui, c’est vrai, il faudrait que j’essaie un jour avec un magnétophone de dire ce qui me revient à l’esprit en regardant les photos... » (Bourdieu, 2003, p. 42)
Au moment de rentrer à quai, nous pouvons souligner la plus-value de se saisir de photos qui auraient pu se perdre dans nos disques durs, jolis souvenirs de terrain, non utilisées ou illustratives sans valeur sociologique, pour cause de subjectivité qui mettrait en péril la production objective de connaissance. Nous sommes pourtant partis en sociologues, pour un atelier qui ambitionnait d’initier l’analyse du monde social et professionnel d’un bateau Belle-Époque. Or, au retour, certaines de nos photographies semblent plus appartenir au registre du « beau » et aux images contemplatives, qu’à celui de la « science » et des données de recherche : ce simple constat issu de l’atelier a fait abonder les pistes d’explication pour résoudre un embarras face aux belles images qui ponctuaient nos données. Cet embarras n’est pas exclusivement attribuable à la menace d’une invalidation des images comme données d’enquête, en raison de leur subjectivité ou d’un « […] sentiment que leur récolte ne s’est pas faite selon une méthodologie suffisamment rigoureuse » (Chauvin et Reix, 2015, p. 17). En arrière-plan de la gêne intellectuelle pour expliquer et exploiter les « belles images » comme données de recherche, il y a sans doute aussi des lacunes de notre équipement (matériel et intellectuel) de chercheur en sciences sociales.
La production photographique des chercheurs est tiraillée entre au moins quatre registres iconographiques : le technique, l’heuristique, le narratif et l’esthétique, mettant au défi les méthodes visuelles. Nous attendons de ces dernières qu’elles améliorent notre production photographique afin que nos images deviennent à la fois plus réussies techniquement, plus belles et plus pertinentes visuellement. Nous souhaitons utiliser la photographie pour mieux voir et décrire les lieux, personnes et situations observées, en valorisant « […] le principe de l’isomorphisme photographique, qui implique la présence sur l’image de tous les traits ayant reçu l’empreinte lumineuse, qu’ils soient intentionnels ou non, importants ou accessoires, qu’ils concernent un élément focalisateur ou des détails » (Piette, 2007). Puis, à l’étape finale de la restitution, nous souhaitons en fin de compte que les images « illustrent » nos supports de communication ou qu’elles « racontent » le monde social et le travail d’enquête sous la forme d’une « narration photoethnographique » (Achutti, 2004) par exemple.
Au-delà de la multiplicité des attentes envers les méthodes visuelles, il nous paraît nécessaire d’instaurer une discussion sur le rapport entre la forme et le fond dans les données visuelles d’enquête. À l’heure actuelle, il semble encore difficile d’accorder une considération équivalente aux lectures des images avec une visée descriptive ou heuristique, et à celles avec une visée esthétique et technique. On préfère bien souvent, comme nous l’avons fait durant l’atelier, construire des corpus distincts ou des sous-ensembles (photos ratées, belles photos, photos thématiques, etc.), afin de mieux cerner la portée à attribuer à chaque type d’images. Pourtant, même les corpus de photographies apparemment les plus contrôlées et neutralisées (une banque d’images d’objets matériels par exemple), élaborées à des fins d’inventaire et de description, contiennent aussi des composantes d’un style photographique, d’un récit de soi ou des autres (Edwards et Hart, 2004). Pour finir, nous soulignons l’importance de densifier le contenu de nos discussions (entre scientifiques, mais aussi peut-être avec des photographes, cf. Maresca, 2007) sur les étapes de la vie scientifique d’une image : captation, stockage, visionnement, classement, utilisation dans une présentation ou un article, etc.
Il appartient au chercheur-photographe d’engager une discussion ouverte et rigoureuse sur sa production visuelle, sans masquer a priori certains registres sous les promesses ou les impératifs d’une scientificité moniste. Il s’agit, en premier lieu, d’échapper au risque de substituer aux considérations pour le « beau » une préoccupation exclusive pour l’heuristique ou le descriptif : « La part de création inhérente à la photographie documentaire ou au texte en sciences sociales devrait […] être abordée de front : existe-t-il une manière purement documentaire de photographier ou d’écrire ? N’engage-t-on pas immanquablement une ambition artistique ou littéraire […] ? Cette ambition est-elle pleinement assumée ou déniée sous l’emprise d’une autocensure qui, selon les cas, se pare des vertus supérieures de l’information ou de la science ? » (Maresca, 2007, p. 65)
La tendance actuelle des concours de photographies scientifiques cherche à porter un regard esthétique sur des images savantes et éloigne ainsi les chercheurs du travail avec les images. À l'inverse, nous pensons qu’un défi majeur consiste à inventer des façons de mettre l'esthétique au service de la science (et non simplement de sa vulgarisation ou de sa promotion). À ce titre, il y a encore beaucoup à explorer dans le domaine de l’usage scientifique de la belle photographie.
1 Cet article est résolument le fruit d’un travail collectif. Toutefois, l’écriture à six auteur-e-s est un exercice périlleux et l’un de nous s’est chargé de coordonner les plumes. Le nom de l'auteur-coordinateur apparaît en premier, puis les noms des auteur-e-s apparaissent par ordre alphabétique.
2 On peut mentionner l’exemple du concours d’images scientifiques du Fonds national suisse de la recherche scientifique, qui récompense, depuis 2017, « les photographies, images et vidéos pour leur qualité esthétique et leur capacité à inspirer et à étonner, à transmettre ou illustrer une connaissance, à raconter une histoire humaine ou à faire découvrir un nouvel univers ». Source : http://www.snf.ch/fr/encouragement/communication-scientifique/concours-images/Pages/default.aspx (consulté le 24/04/2019).
3 Il convient, ici, d’être précis : la photo du bastingage figurait dans le stock de photos dans sa version brute (Image 4b) et a été classée dans le corpus « belles photos ». C’est ensuite que nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait de la photo envoyée par WhatsApp, dans sa version compressée et rognée par l’application lors de l’introduction du texte (Image 4a).
4 URL : http://www.patrimoine.vd.ch/accueil/flotte-belle-epoque/croisiere-belle-epoque/cote-suisse/ (consulté le 03/05/2019).
6 URL : http://whc.unesco.org/uploads/nominations/1243.pdf (consulté le 06/05/2019).
7 L’ensemble des huit bateaux de la flotte a été classé monument historique par le canton de Vaud en 2011. Quatre des huit bateaux sont également classés au niveau fédéral et inscrits à l'Inventaire suisse des biens culturels d'importance nationale (PBC).
8 URL : https://www.babs.admin.ch/fr/aufgabenbabs/kgs/inventar/a-objekte.html (consulté le 03/05/2019).
9 Décision de classement, 9 juin 2011, p. 2. URL : http://www.patrimoine.vd.ch/fileadmin/groups/59/pdf/decision-classement.pdf (consulté le 03/05/2019).
10 Sur le passage d’un « scientisme originel » à une « analyse réflexive des situations d’enquête produites avec l’utilisation des images », voir Meyer et Papinot, 2016.
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