Cyrielle Lévêque, Docteure en art et sciences de l’art, Université de Lorraine, CREM (Centre de recherche sur les médiations, UR 3476)
L’article revient sur le projet d’une résidence de création menée sur le territoire du Pays Haut Val d’Alzette entre 2019 et 2020 en collaboration avec les habitant.e.s des villes de Villerupt, Audun-le-Tiche et Thil, d’anciens haut-fournistes et des institutions publiques. Ce terrain s’accompagne de la publication d’un ouvrage intitulé La ceinture des vents paru en avril 2021 aux éditions de La Conserverie. Cette co-construction a été l’occasion de questionner la relation de l’individu à la communauté et la possibilité du partage d’une expérience en donnant la parole aux acteur·rice·s principaux. Le cheminement de ce projet aura permis la découverte de ce vaste territoire par la marche aux abords d’une frontière française et luxembourgeoise où les mutations, la résilience et les survivances des conflits sociaux saisissent le paysage du Pays Haut Val d’Alzette fragilisé par la perte de ses industries sidérurgiques et minières. La réflexivité proposée sur cette expérimentation réinterroge l’idée d’une construction processuelle alliant des champs disciplinaires a priori opposés et révèle combien les photographies captées sur le territoire, mais aussi la récolte de photographies de famille auprès des habitant·e·s, sont susceptibles de restituer un sujet à la fois intime et politique.
Mots-clés : Co-construction, Photographie, Enquête, Entretien, Collecte
The article is about the project of a creative residence conducted in the territory of Pays Haut Val d’Alzette between 2019 and 2020 in collaboration with the inhabitants of the cities of Villerupt, Audun-le-Tiche et Thil, former blast furnace workers and public institutions: cooperation, land management and archival ones. This field of research is reflected dialectally in the publication of a book entitled La ceinture des vents, published in April 2021 by La Conserverie editions. This co-construction was an opportunity to question the relationship of the individual to the community and the possibility of sharing an experience by giving voice to the main actors. The progress of this project has allowed the discovery of this vast territory by walking along a French and Luxembourg border where changes, resilience and the persistence of social conflicts capture the landscape weakened by the loss of its steel and mining industries. The proposed reflexivity re-examines the idea of a process-based construction combining apparently opposed disciplinary fields reveals how photographs taken in the territory, but also the collection of family photographs from the residents, are likely to restore a subject both intimate and political.
Keywords : Co-construction, Photography, Investigation, Interview, Collection
Dans cette contribution, je propose de revenir sur un projet de résidence artistique mené au cours des années 2019 et 2020 sur le territoire du Pays Haut Val d’Alzette, une intercommunalité interdépartementale et transfrontalière avec le Grand-Duché de Luxembourg. L’enjeu de ce projet était de questionner, du point de vue de l’artiste, les transformations du paysage induites par les profondes mutations économiques et sociales de ce territoire, liées au déclin des industries sidérurgiques et minières de ces 20 dernières années, et de favoriser, pour ce faire, l’implication des habitant·e·s. Cette réalité sociale marque l’identité du territoire et oriente la réflexion de cette recherche vers une attention portée au patrimoine et à sa mémoire ouvrière, matérielle et immatérielle. Notre propos vise à interroger la construction d’un regard pluriel, entre sciences sociales et photographie, sous l’angle de la collaboration avec les acteurs du Pays Haut Val d’Alzette (habitant·e·s, haut-fournistes1 et institutions partenaires), depuis le temps de la rencontre jusqu’à la réception du travail (Jauss, 1978). Cette entrée par la relation permet de saisir ce qu’apporte le discours scientifique à la création artistique et réciproquement dans le but d’éclairer la pertinence à produire des connaissances croisées sur les mondes sociaux. Il s’agira donc de comprendre comment le dialogue entre art et science vient nourrir la recherche aux différentes étapes du projet, en particulier à travers la dimension relationnelle et collaborative qu’il met en jeu.
Dans le cadre de la résidence artistique, les collaborations ont été nombreuses. Les haut-fournistes et ouvriers rencontrés ont fait preuve d’un grand investissement, tout comme les habitant·e·s des villes de Villerupt, Audun-le-Tiche et Thil. Les échanges avec les institutions nourrissent également le travail : la Communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette et l’Établissement public d’aménagement Alzette Belval, mais aussi les centres d’archives (ArcelorMittal France, les Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, le Centre des Archives techniques et industrielles de Saint-Avold) auxquels il faut encore ajouter certains membres de l’Amical (Association pour la Mémoire industrielle de la Communauté d’agglomération de Longwy).
Les sources documentaires et iconographiques constituent également un matériau riche pour le travail, à commencer par le texte nommé « Extralucide » de l’historien Philippe Artières publié dans le livre La ceinture des vents paru en avril 2021 aux éditions de La Conserverie, qui traite de la résidence dont il est ici question et offre une matière précieuse pour la réflexivité inscrite au cœur de cette contribution ; un article de Fabien Ribery, auteur et créateur du blog L’Intervalle, intitulé « Les signes d’un pays par Cyrielle Lévêque, photographe » ; les photographies contemporaines créées dans le cadre de la résidence artistique ainsi que le prêt des photographies de famille de la part des interrogé·e·s.
Images 1 et 2 - Cyrielle Lévêque, La ceinture des vents, Metz, La Conserverie, 2021.
© Romain Gamba
L’intérêt actuel pour la transversalité entre photographie et sciences sociales dans la production de savoirs occasionne de nouvelles formes du discours scientifique (Maresca, Meyer, 2013). Chercheur·se·s et artistes questionnent la complexité de sujets similaires avec les outils qui leur sont propres tout en mobilisant la perméabilité des frontières disciplinaires.
Aujourd’hui communément répandues, les pratiques artistiques fondées sur l’écoute et le recueil de la parole d’autrui émergent dans les années 1970, avec la création du Collectif d’art sociologique fondé par Hervé Fischer, Jean-Paul Thénot et Fred Forest. Hervé Fischer en définit les contours dans son ouvrage fondateur Théorie de l’art sociologique, qualifiant ce dernier d’« intervention dans le tissu social conduite à partir du champ de connaissance de la sociologie, avec le but d’exercer une fonction interrogative-critique sur le milieu social » (Fisher, 1977, p. 32). Dans le champ des arts plastiques, c’est également à partir des années 1970 que des artistes plasticien·ne·s s’emparent du médium vidéographique et photographique dans une visée de rencontre et orientent leur caméra vers des individus, à l’écoute de leurs récits. C’est le cas de Sylvie Blocher2 ou encore d’Anri Sala3 pour ne citer qu’eux·elles. Cet intérêt pour la réception et la restitution de paroles plurielles s’inscrit dans une conception de l’esthétique relationnelle (Bourriaud, 2001) susceptible de prendre des formes très diverses. Ce tournant dans le champ de l’art, de sa théorie et de son historiographie me permet de porter l’attention de cette recherche vers une valorisation de la praxis entendue comme démarche réflexive et exploratrice (Passeron, 1996). Il m’apparaît, en effet, intéressant de questionner la manière dont les facteurs territoriaux, spatiaux et sociaux ont influencé le déroulé de la résidence artistique et sa réception auprès des interrogé·e·s. De ce point de vue, ce travail s’inscrit ici dans la « géoesthétique » qui consacre une place importante à l’histoire de la circulation des savoirs dans le domaine des arts4. Portant ainsi l’attention aux contextes et situations, l’analyse de ce travail s’appuie sur un ensemble d’interrogations auxquelles je tenterai de répondre :
Après avoir présenté le contexte d’intervention de la résidence artistique et le protocole de rencontre mis en place avec les différents interlocuteurs et accompagnants, je reviendrai sur la manière dont se sont déroulés les entretiens avant de terminer avec la présentation des modalités de sélection des photographies contemporaines et d’archives et sur la réception du livre La ceinture des vents créé dans le cadre de la restitution de la résidence.
En 2019, je bénéficie de l’attribution du dispositif intitulé « Artistes en territoire » proposé par la Direction régionale des Affaires culturelles Grand Est. Ce dernier m’offre la possibilité de construire une relation avec un territoire et de diffuser largement mon travail dans des espaces dédiés. La recevabilité de la candidature mentionnait l’investissement de l’artiste au sein des communes du Pays Haut Val d’Alzette afin de questionner, du point de vue de l’artiste, les mutations du paysage de ce territoire fragilisé et de favoriser l’implication des habitant·e·s.
Le territoire du Pays Haut Val d’Alzette s’étend sur environ 73 km2. Lors de mon arrivée en résidence en octobre 2019, j’oriente mes premières recherches et visites vers les communes d’Audun-le-Tiche, Thil et Villerupt. Je me rends pour la première fois avec mon interlocutrice Isabelle Chaigne, cheffe du projet Culture à la CCPHVA (Communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette), sur le site de Micheville, entre Audun-le-Tiche et Villerupt, associé aux aciéries du même nom. Je prends connaissance de l’installation très récente du siège de la Communauté de communes au sein de l’un des derniers bâtiments ayant fait partie du complexe industriel démantelé en 1985 à Micheville. J’assiste aux prémices du chantier de la construction du futur pôle culturel de Micheville à Villerupt appelé « L’Arche », en particulier aux quelque 100 000 m3 de terre déplacés qui me permettent d’entrevoir la richesse des sols et des sous-sols, leur dépollution et le terrassement.
Je débute ainsi mon investigation en photographiant le chantier avec mon téléphone portable, dans une démarche d’emblée très empirique. Ces premières images me servent de relevés pour débuter les recherches historio-géographiques et iconographiques sur cette région qui dégage des enjeux patrimoniaux et mémoriels importants.
En Lorraine, l’extraction du minerai de fer a une longue histoire. Pour reprendre les termes de l’historien Jean-Marie Moine, à l’époque gallo-romaine, des affleurements du Jurassique inférieur étaient grattés et des restes de bas-fourneaux carolingiens ont été découverts à Ludres. Ce n’est qu’au XIXe siècle que la Lorraine devient une région sidérurgique dont l’essor résulte de l’extraction et de l’exploitation du minerai d’alluvions, dit de « fer fort ». Cette expansion durera environ un siècle : l’élévation constante de la productivité n’a pas permis à la Lorraine de rivaliser avec les gisements à ciels ouverts d’Afrique ou d’Amérique latine. Le démantèlement du potentiel sidérurgique de la vallée commence au début des années 1960 jusqu’à l’arrêt total de la production en 1986. Les puits de mine ont été successivement arrêtés jusqu’à l’ultime fermeture de la mine Montrouge à Audun-le-Tiche le 31 juillet 1997, exploitée par le groupe Luxembourgeois ARBED. Suite aux cessations des activités et aux démantèlements successifs, plusieurs dizaines d’hectares de friches ont été laissées à l’abandon. Elles sont aujourd’hui possédées à 85 % par l’Établissement public foncier de Grand Est, alors que la zone d’activité de Belval-Ouest, visible depuis les communes françaises, sort peu à peu de terre. La Lorraine connaîtra une montée importante du chômage provoquée par la perte de ses emplois industriels, la faillite des fournisseurs et une émigration massive de la population active entraînant la faillite des fonds de commerce et la dépréciation de l’immobilier. En 2009, le président Nicolas Sarkozy annonce le lancement d’un vaste programme d’urbanisation nommé « Opération d’intérêt national » sur le territoire du Pays Haut Val d’Alzette. L’ambition est alors de revitaliser une zone en déclin et de combler un déficit de compétitivité vis-à-vis du Luxembourg. Ce plan permet également la construction de 8 600 logements afin d’accueillir 20 000 nouveaux habitant·e·s ainsi que l’aménagement de 217 ha de friches et de foncier agricole. Le chantier débute fin 2016.
Dans un contexte géographique et socio-économique en déclin, j’arpente les paysages façonnés par un siècle d’extraction de fer et photographie les vestiges du patrimoine industriel. À la manière de Georges Perec dans son ouvrage Espèces d’espaces, l’espace m’apparaît ici comme « un doute » : « J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés » (Perec, 1974, p. 179). Parcourir les paysages du Pays Haut Val d’Alzette revient à affronter le problème de ces mutations opérées depuis la fin des années 1990 jusqu’à mon « entrée en paysage » (De La Soudière, 2019, p. 9) et d’un dialogue entre représentation et proposition artistique. C’est ce que Philippe Artières parvient à traduire dans La ceinture des vents, lorsqu’il rend compte de ce qu’il a perçu de ma familiarisation aux lieux et de la posture que j’adopte pour les aborder :
[…] elle commence à regarder, croit-elle. Le premier jour, elle ne remarque rien. Elle ne voit que du très banal, un paysage rural arboré, un vallon ensoleillé. Elle voit des maisons, elle voit des routes, elle voit ce qu’elle a vu si souvent déjà ailleurs. […] Les jours suivants, elle y retourne, elle emprunte les mêmes itinéraires que lors de sa première sortie ; elle parvient au fur et à mesure à se repérer sans carte. Elle arpente les mêmes lieux. Elle vient et revient. Elle foule et refoule ce lieu ; au fil des visites, cet espace se constitue progressivement en territoire. Elle sent qu’elle s’en imprègne ou plutôt elle a de plus en plus l’impression que c’est ce paysage qui peu à peu la prend, la soustrait à son réel, l’enlève pour la faire entrer ailleurs. Le jour d’après, elle commence à prendre des photographies. Elle commence à voir, croit-elle. Elle n’a pas procédé scientifiquement ; elle n’a pas constitué ce territoire en champ de fouille, elle ne l’a pas balisé, elle n’a pas cartographié le site. Elle n’a pas non plus opéré comme un médecin légiste, examinant et relevant avec une précision infinie la surface du cadavre. Elle y est allée “à vue”. Elle a laissé son regard la conduire. Elle s’est laissé mener par lui
(Philippe Artières, cité dans Cyrielle Lévêque, 2021, p. 102)
Les routes parcourues en automobile, les zones industrielles en activité ou à l’abandon, désertes, les mines et ses vestiges ne se conforment nullement à un paysage idéal.
Le front de taille de l’ancienne mine à ciel ouvert aux carrières de Micheville ou encore la présence de l’ancienne mine d’Hussigny-Godbrange, aujourd’hui reconvertie en musée et réhabilitée par l’AHI (Association d’histoire industrielle), sont marqués par les excavations liées à l’épopée sidérurgique du bassin lorrain. Ce patrimoine auquel je ferai face tout au long de cette résidence artistique s’accompagnera d’une enquête dont il convient de comprendre la teneur et ses enjeux.
À l’automne 2019, à pied et ne me munissant d’aucune carte, je photographie les paysages des communes de Villerupt, Thil et Audun-le-Tiche. Je ressens rapidement le besoin d’étayer mon regard par des rencontres et des connaissances géographiques et historiques du territoire. Grâce au partenariat établi entre la Direction régionale des Affaires culturelles Grand Est et la Communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette (CCPHVA), je sollicite Isabelle Chaigne, cheffe du projet Culture de la CCPHVA et missionnée pour me donner les outils et informations nécessaires au bon déroulement de ma résidence artistique. Je formule alors mon souhait d’aller à la rencontre de celles et ceux ayant fourni leurs bras et leurs corps pour permettre l’extraction et l’exploitation du minerai de fer afin de recueillir les témoignages de leurs vies, mais aussi de leurs parents et de leurs collègues, pour appréhender l’espace vécu. Isabelle Chaigne est en contact avec un certain nombre d’entre eux et me les présente au fil du temps. Elle contacte Daniel Bracchetti – mécanicien d’entretien de 1962 à 1980, actuellement photographe amateur et membre actif des événements organisés par la ville de Villerupt – qui accepte de me rencontrer. La première entrevue avec Daniel Bracchetti et d’anciens sidérurgistes qu’il a conviés à l’aérodrome de Micheville fait naître chez eux des interrogations, sur ma présence à Villerupt, mais également sur mon intérêt pour leur ancienne profession et leur quotidien. Je leur explique le projet de résidence artistique et d’immersion au sein des communes et émets le souhait de partager des moments de vie avec les habitants et d’anciens hauts-fournistes, afin de recueillir leurs paroles. Je leur fais également part de mon manque de connaissance du terrain et des sites sur lesquels se trouvaient les usines sidérurgiques et les mines avant leur démantèlement, abandon et mon envie de les photographier.
Cette méthode d’investigation se constitue en objet d’analyse à travers la nécessité d’expliciter ma démarche aux interlocuteurs et de les impliquer dans le temps de la recherche. Les sciences sociales interviennent ici à travers l’enquête et la relation d’enquête qu’elle met en jeu. La prise photographique qui suit les échanges avec les interlocuteurs rend compte de la transformation du territoire industriel et permet d’atteindre le social qu’elle représente. Le statut de ces données d’enquêtes me pousse à questionner ce que cette méthode fait à la relation d’enquête et quel est l’impact sur les conditions de recueil et d’analyse des données.
C’est à partir de l’automne 2019, et grâce aux rencontres avec ces membres actifs de la Ville de Villerupt, que ma pratique de la photographie in situ se réinvente dans un nouveau rapport à l’espace et au temps et se positionne à travers le prisme de l’enquête comme une démarche partagée. C’est également la première fois que le terrain me pousse à échanger avec les interlocuteurs d’un territoire pour construire un projet commun. Cette réflexion s’inscrit dans les pas de Laurent Demanze qui « donne à lire le cheminement d’une investigation, dans ses hypothèses et ses hésitations, ses tâtonnements et ses doutes » (Demanze, 2019, p.11). Il ne s’agit plus de « représenter le réel, mais d’interroger les conditions de sa fabrique » (Demanze, 2019, p. 21), le réel étant considéré comme « ce à quoi il faut donner forme dans un travail obstiné d’investigation critique et d’hypothèses figuratives, pour tenter de saisir cela même qui échappe » (Demanze, 2019, p. 20).
Daniel Bracchetti restera mon interlocuteur privilégié tout au long de l’enquête. Il propose de me faire découvrir les rues de Villerupt, mais aussi le site de l’ancienne mine à ciel ouvert des carrières de Micheville, l’ancienne usine d’Aubrives, la mine de Tiercelet et l’aérodrome de Micheville. Nous nous donnons rendez-vous deux à trois fois par semaine durant six à huit mois. Munie d’un sac à dos et de deux appareils photographiques – l’un numérique me permettant de relier l’acte photographique à l’instantanéité et l’autre argentique nécessitant l’étude des circonstances de prises de vue –, je poursuis les prises photographiques des sites et me laisse guider par mon compagnon de route au fil des rendez-vous. Je découvrirai, grâce à d’autres prises de contact, l’ancienne mine de fer de Hussigny-Godbrange, la nécropole de Thil et l’ancien camp de concentration annexe de Natzwiller-Struthof en 1944-1945.
À l’automne 2020, alors que je fais un bilan des dix derniers mois passés sur le terrain d’enquête, je présente les photographies réalisées à Daniel Bracchetti. Je m’aperçois alors que ces hommes, avec qui je partage l’expérience, n’apparaissent jamais dans le champ de mes images. Une photographie fait exception : celle de Daniel entrant dans le cadre par inadvertance. Plus tard, dans le livre La ceinture des vents, je choisirai cette image en clôture de la présentation de mes photographies.
Je suis à la recherche d’un moyen formel pour intégrer au processus créateur ces personnes avec qui je passe désormais la plupart de mon temps. Dans ce contexte et en vue d’une restitution éditoriale, comment construire une narration à partir des entretiens biographiques et des photographies en rendant intelligible la complexité du sujet ?
Pour tenter de répondre à cette interrogation, deux principes majeurs ont alors gouverné la poursuite du projet : d’une part, la nécessité d’assumer pleinement l’importance donnée aux paroles des interviewés, tout en réinterrogeant sans relâche l’engagement et la responsabilité des propos énoncés ; d’autre part, l’expérience relationnelle des rapports avec les témoins qui me permet de mettre en place le prêt et l’intégration de photographies de famille au projet. Ce processus s’articule autour du langage commun entre photographie et sciences sociales, qui partagent le souci d’accueillir les propos des interrogé·e·s sans les contraindre.
Daniel Bracchetti, cité à de nombreuses reprises dans cette contribution, constitue l’un des acteurs clés de ce projet collaboratif. Il se porte volontaire pour m’accompagner tout au long de la résidence artistique et se munit de son appareil lors de nos rendez-vous pour photographier les modulations paysagères rencontrées au fil des saisons. Nous échangeons sur nos prises photographiques respectives et je le sollicite dans la sélection de mes photographies. Dans les pas de la « méthode des itinéraires » fondée par Jean-Yves Petiteau (Petiteau, 2001) ou encore celle d’Olivier Bories qui développe une « géographie visuelle » (Bories, 2019), je propose à Daniel des conditions de rencontre en pleine nature. Il choisit le paysage où situer sa parole et construire son récit en définissant, à chaque rendez-vous, le ou les lieux que nous allons visiter, photographier et autour duquel ou desquels nous échangerons. La découverte de la forêt primaire et des arbres forestiers, comme les pins noirs plantés par l’Établissement public foncier de Grand Est (EPFL) lors de la requalification du site de l’ancienne mine à ciel ouvert de la Houtte appelés par Daniel « les arbres de la reconquête » (propos recueillis le 26 octobre 2019), ont marqué les prémices de nos échanges.
Une présence quasi quotidienne fut indispensable pour établir une confiance mutuelle entre Daniel et moi-même, nous nous sommes liés d’amitié au fil du temps. Cet investissement m’a permis de me relier fortement au terrain d’enquête et d’accorder une place importante à l’écoute des récits face à la découverte des caractéristiques, excavations, présences de mines, etc. qui constituent le patrimoine sidérurgique du Pays Haut Lorrain. Daniel tient à me présenter l’endroit où se trouvaient les carrières de Micheville. Nous arrivons au pied de ce qui ressemble, à mes yeux à une falaise, il m’explique : « Notre vie était organisée autour de la mine. Là où on est au front de taille, c’était un immense chantier. Il y avait un dépilage tous les midis à coup de dynamite. Les foreuses verticales foraient des trous de mine sur plusieurs mètres de profondeur. Ces trous, percés à distance égale et alignés sur une vingtaine de mètres, étaient chargés en explosifs et reliés entre eux par des mèches. Une fois le travail terminé vers midi, une sirène stridente se faisait entendre. Elle permettait aux mineurs de se mettre à l’abri à distance. Quelques minutes plus tard, une énorme explosion retentissait et un pan entier de la colline partait en mille morceaux dans un fracas assourdissant, au milieu d’un nuage de poussière. Une fois le nuage dissipé, alors apparaissait la colline éventrée. Un large pan de terre et de rochers était mis à nu en profondeur : une blessure faite à la nature pour alimenter les usines. J’habitais à cette époque dans les immeubles en face de la gare, le front de taille arrivait à cette limite et tous les midis, les explosions faisaient trembler les vitres. » (Propos recueillis le 22 septembre 2020)
C’est au tournant des années 1980 que la photographie s’empare de la désindustrialisation incarnée par les vestiges des infrastructures et des paysages en friche qui les bordent, portant sur ces derniers un regard à la fois historique et artistique. Ce n’est pas sans penser à l’inventaire engagé par André Malraux, 15 ans auparavant, documentant cette nouvelle vision du patrimoine réalisée à partir d’un protocole rigoureux, ou encore au travail mené depuis le début des années 1960 par les photographes allemands Hilla et Bernd Becher, qui recensent, par la captation de photographies en noir et blanc, les silos à charbon et hauts-fourneaux abandonnés du bassin de la Ruhr. Plus tard, un ensemble d’interventions s’inscrivant dans la lignée de ces propositions artistiques et documentaires verront le jour, donnant l’occasion d’observer une multiplicité d’approches et contribuant à la construction partagée du territoire français. Le lancement de la Mission photographique de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) en marque sans doute l’une des entrées6.
Dans le projet de résidence dont il est ici question, la marche a toujours précédé la captation photographique. Elle s’est avérée être le moyen de déplacement le plus adapté, mais également une modalité essentielle à la perception de cet environnement peu entretenu et non balisé. L’implication du corps par l’effort et les kilomètres parcourus me permettaient de découvrir des sites déserts sur lesquels se trouvaient les usines, aujourd’hui démantelées, et d’en apprendre davantage sur les parcours de vie de mes accompagnateurs. Je me suis confrontée à mes capacités physiques, aux limites de mon corps, à la souffrance corporelle, à un espace-temps au cœur d’une nature caractéristique du Pays Haut Lorrain, à la lassitude parfois, mais aussi aux éléments : le froid, la pluie, la chaleur, le vent. La marche, cet acte quotidien a délié la parole et a ouvert le temps du souvenir par le partage d’un récit, d’une anecdote ou encore d’une description. Cette méthode a permis à ces hommes d’éprouver un moment à soi, de raviver les discussions concernant les inégalités ressenties dans leur vie professionnelle, les mouvements sociaux qui ont soulevé la Lorraine, leurs anciennes conditions de travail et d’évoquer la question de la réhabilitation des mines. Daniel m’explique, à ce propos : « Lorsque tout a disparu, c’était un grand vide pour nous. Il y avait un silence glaçant, pas un bruit, et seul le vent venait de temps en temps le rompre. La nature a été complètement détruite, il n’y avait pas d’âmes qui vivent. Un désert de rocaille rouge s’étendait sur une centaine d’hectares, sillonnés par la piste des camions allant de Rédange jusqu’à la gare de Villerupt et partant du front de taille jusqu’au carreau de la mine. Paysage lunaire plutôt martien du fait de la couleur dominante, pas une trace d’herbe, pas de vie animale, c’était le néant et c’est là qu’on se dit “ça y est c’est terminé la sidérurgie et les mines de fer dans la région”. Je suis passée à autre chose, c’était la vie qui évoluait ». (Propos recueillis le 22 septembre 2020)
L’enjeu n’est pas de substituer la photographie à l’enregistrement de la parole de mes accompagnateurs, car l’enrichissement mutuel de ces deux données s’est révélé être nécessaire tout au long de l’expérience. Néanmoins, munie d’un sac à dos et de deux appareils photographiques, je me suis exposée à l’impossibilité de tenir un carnet de prises de notes ou encore un enregistreur pour récolter les témoignages oraux. J’ai donc pris le parti d’écarter, dans un premier temps, la captation sonore des récits au profit de la prise photographique sur le terrain d’enquête. Cette méthode a constitué un regret lorsque la résidence a pris fin, car les informations recueillies sont contenues dans les paroles énoncées à l’oral, et désormais retransmises d’après mes souvenirs, me confrontant parfois à leur oubli. Lors de l’écriture de cette communication, j’ai recontacté Daniel Bracchetti afin qu’il ravive certains de mes souvenirs comme en témoigne cet extrait. Au mois de février 2020, nous nous retrouvons rue Joffre à Villerupt, alors que je photographie d’anciennes latrines, il m’explique : « Dans la maison de mes parents, c’était très spartiate. C’était une maison à trois étages. Au rez-de-chaussée c’était la cuisine après tu montais les escaliers et tu trouvais une première chambre, une deuxième chambre et après un grenier et une cave aussi. Au niveau hygiène, il n’y avait trois fois rien. Il y avait un évier dans la cuisine, c’est là où on faisait à manger ; le linge était lavé dans une lessiveuse que l’on mettait sur le fourneau pour faire bouillir le linge et une fois que le linge était bouilli, on allait au lavoir qui se trouvait à côté pour laver son linge à la main, au savon et au grattoir. Et au niveau de ses besoins, dans la journée tu allais dans les latrines qui étaient à l’extérieur et le soir, c’était le pot de chambre ! » Cette communication est le seul endroit où ces récits de vie prennent place. Ils constituent un matériel de recherche qui est venu enrichir ma réflexion sur le quotidien vécu par Daniel et, plus largement, les villeruptien·ne·s.
Par la suite, c’est le travail de mise en relation entre mes photographies et les photographies de famille7 récoltées auprès de mes interlocuteurs et des habitants qui va constituer notre réflexion autour de la construction d’un récit visuel. Ce dialogue en assure une relecture au cœur de l’objet éditorial La ceinture des vents, permettant de « donner naissance et accès à d’autres modes de réalité et produire chez l’ensemble des protagonistes des expériences créatrices, à même de nourrir un projet critique » (Caillet, 2014, p. 18). Cette nouvelle étape dans le processus de recherche va laisser entrevoir quels rapports les donateurs entretiennent avec leurs photographies familiales, mais aussi quels liens s’effectuent entre les paysages passés et visibles dans les photographies de famille et ceux actuels présents dans les miennes.
Le 24 mars 2021, Daniel Bracchetti est interviewé par Gaël Calvez, journaliste au Républicain Lorrain lors de la restitution de la résidence artistique et de la parution de La ceinture des vents à La Conserverie à Metz. Il évoque : « On me voit en 1949 ou 1950 avec ma mère et ma petite sœur. C’est typique de l’époque et je trouve cette photo vivante8 ».
C’est à l’été 2020, lorsque je me trouve à l’aérodrome de Micheville avec Daniel, qu’il prend l’initiative de me présenter deux photographies de famille. Aux formats 9 × 6 cm, la première, captée par un photographe ambulant, fait apparaître Daniel enfant, accompagné de sa mère et de sa petite sœur sur le marché de Villerupt en 1949.
La seconde photographie présente la grand-mère de Daniel, prénommée Artésina ou « la nonna » au premier plan, devant une maison et accompagnée de trois hommes. L’arrière-plan de cette photographie est formé par l’une des cheminées de l’usine de Micheville. Daniel m’énonce « Tu vois là ! C’est l’une des cheminées de l’usine de Micheville et nous y sommes passés hier. Nous y retournerons demain et je te montrerai ce qui s’y trouve aujourd’hui. » (Propos recueillis le 7 juillet 2020)
Les photographies de famille servent de traces à Daniel sur lesquelles nous nous appuyons pour ponctuer nos rendez-vous et visites des lieux à photographier. La fierté et l’émotion perçues sur son visage lors de la présentation de ses deux images me convainquent sur le fait que l’implication de mes accompagnateurs doit prendre forme à travers la présence de leurs photographies de famille. L’intégration de cette nouvelle typologie d’images dans le projet oriente mon attention vers les modalités d’élaboration du projet entre prises photographiques et récolte de photographies de famille, et non plus sur le seul résultat visuel de mes photographies. Dans la perspective de saisir cette réalité sociale, je rédige un appel à collecte destiné à la population des communes du Pays Haut Val d’Alzette sollicitant le prêt de photographies de famille. Il est diffusé et relayé sur le site internet de la CCPHVA et sur la page Facebook « Culture Payshautvaldalzette ». Durant deux mois, je récupère les sacs et boîtes contenant les photographies de famille auprès des personnes intéressées par le projet.
Huit donateurs m’ont confié de nombreuses photographies de famille, 408 au total :
Parallèlement à ces dons, je me suis rapprochée d’institutions archivistiques afin de prendre connaissance de la nature des images dont elles disposaient. Ainsi, deux images proviennent du Centre des Archives techniques et industrielles de Saint-Avold, trois images m’ont été envoyées par le biais d’un mail par ArcelorMittal France et huit sont issues de recherches effectuées par l’Établissement Public Foncier de Grand Est9.
Fidèle au projet, Daniel m’ouvre les portes de son domicile à l’été 2020. Il tient à me présenter ses albums familiaux et participer à l’appel à collecte avec le prêt de quatre photographies. Les deux premières sont celles reliées à son enfance évoquée plus haut ; les deux autres sont de lui et datent des années 1970. Elles présentent pour l’une d’elles, une manifestation de jeunes femmes en 1972 pour lutter contre la fermeture de l’usine de Micheville et pour l’autre, un homme versant de la fonte dans la cornue Bessemer à l’usine de Micheville en 1976.
Il énonce : « Là tu vois, [il pointe la photographie de la manifestation des jeunes femmes], j’ai cadré sur elles et la banderole, on ne voit pas grand-chose de la rue, mais c’est à Villerupt, on y est passé la semaine dernière. Je suis sur le côté pour prendre la photo et elles, elles marchent et sont décidées à se faire entendre. Sur celle-ci [l’homme qui verse de la fonte dans la cornue Bessemer], j’ai aussi cadré sur l’homme et sur le versement de la fonte, c’est à l’usine où je travaillais. » Daniel a opéré un choix précis de quatre images, pas une de plus. Elles présentent les traces dont il dispose de son enfance, mais aussi celles qu’il a captées de sa vie professionnelle : un geste et une manifestation pour lutter contre la fermeture de l’usine dans laquelle il travaillait. Ces deux images sont significatives et me permettents de visualiser, en arrière-plan, une rue de la ville dans laquelle je me trouve pour les besoins de cette résidence et aussi d’entrevoir un contexte professionnel : celui de l’un des métiers exercés à l’usine de Micheville.
Au pied de la table du salon se trouve un sac dans lequel prennent place deux autres albums. Il s’agit de ceux de Daniel Romac Leonardi dont le père Jean Romac était le directeur de l’école primaire élémentaire des garçons à Villerupt de 1946 à 1962. Daniel avait pris soin de contacter cette dame avant mon arrivée afin de récupérer ses photographies.
Je débute les scans des images de Daniel Bracchetti et de Danielle Romac Leonardi et m’attarde sur le contenu iconographique où les existences révèlent des fragments de la vie intime de ces familles. Cet outil d’enquête que sont les photographies familiales (Terrenoire, 1981) constitue des objets mouvants en apparence anodins. Les photographies de la famille Romac ont une particularité par rapport à celles de Daniel : la fonction de Jean Romac, directeur de l’école primaire élémentaire des garçons Raymond Poincaré à Villerupt, oriente les prises de vue vers des scènes liées à des sorties scolaires, des photographies de jeunes garçons en classe et dans la cour de récréation de l’école.
Image 16, 17 et 18 - Photographies de famille.
© Danielle Romac Leonardi
Les photographies de famille de Daniel Bracchetti, comme celles de tous les autres donateur·rice·s, répondent, quant à elles, à une norme sociale de la famille. Elles sont quasiment toutes captées en extérieur et je remarque des similarités dans les choix des décors et des sujets photographiés.
Images 19 et 20 - Photographies de famille.
© Rachel Michelet
Sur le seuil des maisons, dans les jardins, la rue ou encore devant les cafés et restaurants, les groupes prennent corps dans l’espace clos du cadre photographique, à l’image de la réflexion de l’autrice Anne-Marie Garat : « comme en architecture où règne la tentation de la “belle façade”, la photographie offre le mur de la famille, le mur des vivants, chantier de corps périssables dont elle fixe l’éphémère érection » (Garat, 1994, p. 92).
Images 22 et 23 - Photographies de famille.
© Christian Bonjour
Très peu d’images présentent des vues de paysage, contrairement à mes photographies qui révèlent, quant à elles, les paysages actuels des communes de Villerupt, Thil et Audun-le-Tiche. Les photographies de famille collectées questionnent le collectif qui se constitue à travers des rites comme les rassemblements d’une même famille à l’occasion d’anniversaires, mariages, baptêmes, communions ou encore colonies de vacances.
Images 25 et 26 - Photographies de famille.
© Édouard et Marie-Thérèse Nowak
Ces photographies portent des récits collectifs au-delà de l’histoire familiale (Frizot, 1994), en l’occurrence la marque d’une immigration principalement constituée d’ouvriers d’origine italienne en quête de travail, occupant des emplois moins qualifiés que les ouvriers français.
J’avais le désir d’échanger avec les interlocuteurs à chaque don de leur part, néanmoins, pour des raisons diverses le plus souvent liées à la logistique ou à des questions de santé, le lien ne s’est pas toujours effectué (comme avec Danielle Romac Leonardi, par exemple). Lorsqu’il m’était impossible d’échanger avec les familles et de m’appuyer sur la photo-élicitation « considéré[e] comme susceptible de provoquer ou susciter des réactions verbales et émotionnelles chez la personne interviewée » (Collier, 1967 ; Harper, 2002 ; Papinot, 2012 ; Bigando, 2013), la fouille dans les interstices des images s’est déroulée seule. La solitude de l’expertise n’a pas toujours nourri la connaissance de l’histoire familiale du donateur ou des lieux captés. Néanmoins, une partie des photographies familiales récoltées témoignent de rassemblements de groupes d’hommes sur leur lieu de travail et constitue une typologie d’images chez chacune des familles. Il y est question des corps, gestes et attitudes dans une volonté de représenter dignement son travail et sa classe sociale. Les mines et les usines sidérurgiques constituent des décors de prises de vue et les mineurs y sont généralement photographiés de face, parfois en plan rapproché, ne laissant présager que peu d’éléments du contexte de la prise photographique. Dans les photographies de famille de Rachel Michelet, les individus sont apprêtés de leur vêtement de travail, se regroupent le temps de la prise photographique et adoptent des postures décontractées : pose au sol, mains dans les poches ou posées sur les hanches.
Images 29, 30 et 31 - Photographies de famille.
© Rachel Michelet
À travers la production de ces photographies, les individus d’une même famille tentent de conserver le souvenir d’événements heureux qui ont ponctué leur vie. L’étude de la pratique de mise en images de sa propre vie révèle « comment la famille se donne à voir à elle-même et aux générations futures » (Sapio, 2017, p. 28) figeant les postures et fonctions des membres d’un même groupe allant jusqu’à constituer « des sujets au sein de la famille » (Sapio, 2017, p. 28). Ces images se lisent à travers un discours d’ordre autobiographique au sein duquel la cohésion familiale se manifeste par les poses conventionnelles qu’elle adopte et perpétue des schémas familiaux dominants souvent éloignés de la réalité tel qu’elle est vécue (Hirsch, 1997) et qu’il convient de contextualiser dans le cadre du déplacement opéré dans le champ artistique.
La première partie de La ceinture des vents, composée des photographies captées au sein des communes de Villerupt, Thil et Audun-le-Tiche, se clôt avec la présence de Daniel Bracchetti dans le champ de l’image. Sans jonction formelle, le cheminement visuel se poursuit avec la publication des photographies familiales provenant des onze donateurs, huit provenant de particuliers comme indiqué plus haut, et trois d’institutions archivistes.
La collaboration avec la graphiste Céline Kriebs pour la réalisation du design éditorial du livre nous a incité·e·s à trouver des connexions entre la volonté de livrer l’expérience vécue sur le terrain et la mise en visibilité de la prise photographique d’une part, et du don des archives familiales d’autre part. De nombreuses photographies numériques ont été captées, environ 3 800 et trois pellicules au format 120 ont été développées, soit 48 images. Le budget alloué à l’élaboration de cette résidence artistique et, en particulier, à la réalisation de l’ouvrage m’a amenée à effectuer une sélection restreinte de mes photographies, soit 46 photographies numériques et quatre argentiques. Après l’étude de ces images, la mise en page s’est orientée vers une déambulation au cœur des paysages déserts photographiés durant le temps de résidence. Photographies seules au sein des pages et diptyques forment la composition de la première partie de cet ouvrage, alternant entre vues captées dans les entrailles de la mine d’Hussigny-Godbrange et d’autres présentant une forte présence des sols et des paysages façonnés par l’homme durant un siècle d’exploitation du minerai de fer. Il me tenait à cœur de mettre en valeur, du point de vue photographique, l’impact de l’exploitation du fer en Lorraine sur les paysages des communes de Villerupt, Thil et Audun-le-Tiche et de donner à voir ce qu’il reste aujourd’hui de ce patrimoine visible par tous·tes.
La seconde partie du livre prend forme par l’impression sur un papier orange de 114 photographies de famille en noir et blanc prêtées par mes accompagnateurs contre 408 récoltées par le biais de l’appel à collecte diffusé. La couleur choisie renvoie à celle de la fonte du minerai, mais aussi aux couleurs tonales de la terre, caractéristiques de cette région. La mise en page de la seconde partie du livre, réalisée à l’image d’un album de famille, témoigne de l’investissement des donateurs des images familiales. Leurs collecte, association et rediffusion assument la « double-tâche » évoquée par Georges Didi-Huberman, celle de « rendre visibles ces images en rendant visible leur construction même » (Didi-Huberman, 2010, p. 22). Aussi, pour l’artiste comme pour l’historien, le document ne consiste pas en un matériau brut, mais relève d’une construction. Ainsi, j’ai tenté de faire surgir des témoignages et des souvenirs qui visent à accéder à une vérité logée dans les traces des photographies de famille, à partir des lacunes et des éléments référentiels actuels manquants, en l’occurrence le patrimoine sidérurgique. La rediffusion des photographies de famille permet une mise en lumière qui n’aurait certainement pas pu voir le jour sans l’activation de ce projet artistique. En associant ces photographies, de nouvelles interprétations sont suscitées, entraînant leur relecture au sein d’un objet éditorial. Comme le souligne Giovanna Zapperi, cette démarche valorise l’expérimentation artistique et permet d’explorer « des formes alternatives d’écriture de l’histoire qui prennent pour point de départ les omissions, les absences et ce qui a été délibérément occulté ou détruit » (Zapperi, 2016, p. 7). De ce fait, l’interprétation du document et, en l’occurrence, des photographies de famille, implique qu’elles soient soutenues par la subjectivité d’un regard. Ces images véhiculent « un regard familial externe » appelé par l’autrice Marianne Hirsch « familial gaze » (Hirsch, 1999) et reflètent les stratégies familiales d’autoreprésentation. Le contexte narratif proposé au cœur de ces pages déstabilise les modes traditionnels de la représentation familiale et appartient à ce que l’autrice nomme « le regard familial interne » (« the familial look ») qui en interroge la photographie. Chacune des photographies familiales se regarde dans sa singularité, mais, dès lors qu’elles ont été assemblées, une narration familiale se reconstruit. Philippe Artières écrit à ce propos :
Ce singulier objet sensible permet aux archives photographiques de celles et ceux qui vivent sur ce territoire d’apparaître. On distingue des visages, on aperçoit des corps, on devine des groupes, on imagine des scènes de vie. Parfois quelques mots ont été inscrits au dos. Tout se passe comme si la photographie […] rendait visible l’ensemble de ces clichés qu’elle a collectés alentour. Chacun d’eux devient l’élément indispensable d’une mémoire commune. Cette attention aux archives mineures n’a pas ainsi pour visée de nourrir le travail de la photographie, mais l’inverse : progressivement, au fil des pages, elle nous fait entrer dans ce corpus d’archives personnelles. Elle nous fait littéralement voir le fond de la boîte, la plus enfouie des mémoires
(Artières in Lévêque, 2021, p. 103)
Aucune légende n’a été disposée près des images. Les références se situent en annexe du livre, écartant, de fait, l’aspect documentaire de la démarche. La composition de ce nouvel album opère un glissement, celui d’un objet sociologique et d’un terrain d’enquête vers une proposition artistique, engageant dans l’écriture de ce projet l’implication des donateurs des photographies de famille dans le processus artistique. Davantage qu’une relation à l’espace physique ou à celui du livre, cette méthode « bouscule profondément un rapport au temps puisqu’[elle] superpose, à une strate qui lui était antérieure, une nouvelle couche de perception et d’usage. Différents niveaux de regard viennent ainsi se cumuler au sein des mêmes pages, pour en faire des espaces feuilletés où se creuse une épaisseur de temps » (Méaux, 2019, p. 101).
Le 10 mars 2021, la maison d’édition et galerie La Conserverie à Metz recevait les 300 exemplaires imprimés de l’ouvrage La ceinture des vents issu de la résidence artistique. Un exemplaire a été offert, remis en main propre ou envoyé, à chacun·e des participant·e·s et donateur·rice·s des photographies de famille. L’ouvrage a bien été accueilli par l’ensemble des participant·e·s. Je relève le retour reçu de la part de Danielle Romac Leonardi : « Merci, j’ai bien reçu votre livre. J’ai aimé la couverture, la première partie : très belles photos d’aujourd’hui, pour la deuxième le passé, je comprends votre choix de la couleur du papier… minerai de fer… on ne voit malheureusement pas très bien les photos… c’est dommage. Cela dit, belle réalisation !!!!! Félicitations. Amitiés10 ». En répondant à l’invitation artistique, Danielle Romac Leonardi et les donateur·rice·s des photographies ont pris la décision d’intégrer le dispositif proposé et de devenir des participant·e·s. Cette acceptation induit de passer du statut de spectateur·rice à celui d’acteur·rice du processus créateur. Le rapport à l’ouvrage n’est alors plus régi par un principe de passivité : ils·elles deviennent des interlocuteur·rice·s, concerné·e·s par le sens donné au projet et participent, par le don de photographies de famille et des propos recueillis, à l’élaboration finale. Dans le retour énoncé par Romac Leonardi, je remarque une nuance apportée concernant le choix du papier et l’impression des photographies de famille imprimées sur ce dernier. Je me confronte alors à la difficulté de n’avoir pu rencontrer tous·tes les donateurs de leurs images pour leur présenter les choix graphiques du livre.
Lors de la restitution de la résidence artistique à la galerie La Conserverie à Metz, Daniel Bracchetti, présent pour l’occasion, énonce à Gaël Calvez : « “J’ai trouvé la démarche de Cyrielle intéressante”, affirme celui qui est passé par le club photo de l’usine avant de construire, il y a une dizaine d’années, le laboratoire photo à la MJC de Villerupt, “Nous sommes des gens d’images. Nous avons des affinités”11 ». À la lecture de cet article de presse, je découvre le sentiment d’une appartenance à une famille qui serait celle de la photographie. On retrouve ici l’idée d’esthétique relationnelle telle que dépeinte par Nicolas Bourriaud comme étant une « théorie esthétique consistant à juger les œuvres d’art en fonction des relations interhumaines qu’elles figurent, produisent ou suscitent » (Bourriaud, 2001, p. 117). Les œuvres s’inscrivant sous cette dénomination et, plus précisément, le processus de résidence dont il est question dans cette communication, mettent en lumière l’importance des échanges avec les interrogé·e·s, afin de donner lieu à de nouvelles formes de relations entre ces derniers et l’artiste, et, par conséquent, de créer et de perpétuer des liens sociaux. Les retours énoncés abordent l’aspect formel de l’ouvrage. L’émotion à la découverte de la publication des photographies de famille occupe également une grande place dans nos échanges. Les mots manquent dans un premier temps à Rachel Michelet lorsqu’elle (re)voit son père à l’image. Elle m’explique : « C’est mon père. Je n’avais pas regardé les photos avant de vous les prêter, je les avais oubliées. Je suis très fière du travail que vous avez fait et que ces images vivent dans votre livre sinon personne d’autre que ma famille ne les aurait vues. » (Propos recueillis le 9 mai 2021)
Les relations tissées entre les individus et le processus créateur, sont, à la fois, le sujet et la matière du rendu final. La mise en place d’une situation relationnelle avec les habitants et anciens mineurs des communes du Pays Haut Val d’Alzette ne comportait aucune signification esthétique en soi, mais avait une direction souhaitée, sans assurance de résultats. La proposition artistique se dessine au-delà de la situation communicationnelle énoncée, engageant la mise en place, et en espace, d’une représentation. La participation des interrogé·e·s s’est jouée en amont de la création artistique, s’épanouissant à partir de dialogues autour de leurs histoires personnelles et respectives, mais également des représentations des subjectivités créatives et plastiques en jeu. Leur implication s’est donc déroulée au fil du processus créateur tandis que, dans sa monstration, nous percevons dans les retours une position distanciée. Cette méthode est en partie liée à ce que Paul Ardenne nomme un « art contextuel » qui « opte pour la mise en rapport direct de l’œuvre et de la réalité, sans intermédiaire. L’œuvre est insertion dans le monde concret, confrontation avec les conditions matérielles » (Ardenne, 2002, p. 12). Ainsi, après avoir partagé le quotidien de ces hommes et femmes, sur environ le temps d’une année, c’est sensiblement à l’issue du processus que d’autres échanges ont pu voir le jour.
Courant juillet 2021, je reçois une lettre manuscrite datée du 21 juillet 2021, elle énonce :
Madame,
Je suis né à Villerupt et j’ai été intéressé par votre livre La ceinture des vents. De nombreuses photos me rappellent des lieux de mon enfance. Par contre, pouvez-vous m’éclairer sur quelques questions. Page 99 il y a une photo avec des enfants. De qui s’agit-il ? Photo 101
Christian Bonjour avez-vous ces coordonnées ? C’est un nom qui me rappelle quelques souvenirs ? Mine à ciel ouvert de la Houtte. Je ne situe pas où elle se trouve.
Je vous remercie si vous pouvez m’éclairer et donner des réponses à mes questions.
Cordialement
Dans cette correspondance se dessine, en filigrane, les liens tissés avec l’histoire des habitant·e·s des communes du Pays Haut Val d’Alzette. Si une attention est portée, dans ce projet, aux récits intimes, il en va que ces derniers restent imbriqués dans un collectif, par le regroupement d’une histoire commune. L’accent placé sur la récolte et la publication de photographies de famille n’a d’intérêt qu’au travers d’un engagement constitutif de la part des participant·e·s et d’une responsabilité vis-à-vis des dons engagés.
Faire œuvre à partir de situations communicationnelles établies avec les interrogé·e·s délimite une posture artistique dans l’optique d’offrir une place à l’autre, de faire circuler sa parole et de formuler les réalités qui sont les leurs. Les conditions énoncées dans cette contribution ont rendu ce dialogue entre art et sciences sociales possible et en ont également fait émerger un collectif reconnaissant d’avoir favorisé une mise en visibilité du contexte industriel du Pays Haut-Lorrain par la voix artistique.
Finalement, le processus double mis en place dans le cadre de cette résidence de création, à la fois créateur et fondé sur le recueil de paroles et d’histoires, nous a toutes et tous engagé·e·s sur le terrain d’un protocole de création singulier. Ce dernier partage des similitudes évidentes avec ceux employés dans les champs des sciences humaines et sociales. Nous avons emprunté l’outil qu’est l’enquête par entretien induisant initialement une méthodologie protocolaire permettant de mieux le questionner afin de constituer une posture singulière en accord avec les interrogé·e·s. Le processus créateur s’est révélé à travers une attitude caractérisée par l’écoute et la disponibilité vis-à-vis de la parole et de la présence de l’autre. Dans un écho à cette posture énoncée, se dessine la figure de l’interrogé·e à laquelle j’ai pu donner le temps de construire l’espace de son récit. De la coexistence de ces deux postures a émergé des formes (le prêt de photographies de famille) et des contenus de parole singulière à travers la marche et des rendez-vous mis en lumière par l’analyse de Fabien Ribery : « Il y a peut-être des pollutions terribles, il y a sûrement des drames tus, des déchirures intimes, mais l’œuvre de Cyrielle Lévêque est essentiellement de réconciliation, de précaution et de grande sensibilité envers la terre, l’effort de l’habiter et de la déchiffrer, comme envers ceux qui y ont déposé leur vie » (Ribery, 2021). Si le récit de soi et les échanges mutuels sont le fruit d’une construction subjective de l’expérience vécue in situ, la parution de l’ouvrage La ceinture des vents poursuit ce mouvement en faisant apparaître une nouvelle phase de construction de la représentation, partagée cette fois avec tout un chacun·e et non plus uniquement entre l’artiste et les interrogé·e·s. J’ai tenu à ce que l’expérience se construise en adoptant une attitude critique face au discours et les images d’une représentation de soi, tout en questionnant et renouvelant les dispositifs. Ainsi, le mouvement critique opéré repose sur la force de l’expérience dont les interlocuteur·rice·s sont le vecteur. Le collectif a permis de réinterroger la question du sensible comme producteur de connaissances et de la permanence des frontières dans leur sens le plus large.
1 Ouvrier travaillant dans les hauts-fourneaux : grand appareil où l’on entretient un feu très vif, destiné au traitement du minerai de fer et qui permet d’en extraire la fonte (Cnrtl).
2 Sylvie Blocher (2003), Je&Nous, installation vidéo, collection départementale d’art contemporain de la Seine-Saint-Denis, 55 min.
3 Anri Sala (1998), Intervista, Finding the Words, film documentaire, Idéale Audience, 26 min.
4 Cette notion est proposée dans la littérature du théoricien de l’art Joaquín Barriendos (Barriendos 2007, 2009, 2010, 2014).
5 Terme emprunté à l’historien Jean-Marie Moine dans le catalogue de l’exposition Mineurs au jour… le jour. Un siècle dans les cités du fer, 1890-1990, musée de l’Histoire du fer (CCSTI du fer et de la Métallurgie), Jarville-la-Malgrange, 4 novembre 1998-3 mai 1999.
6 Ce dispositif avait pour vocation de veiller à la cohésion territoriale des politiques sectorielles menées par chaque ministère et incarnait l’importance accordée à l’aménagement du territoire en France. Vingt-neuf photographes français et étrangers ont été sollicités afin de représenter le territoire national. Sous la direction de Bernard Latarjet et François Hers et soutenue par l’historien d’art Jean-François Chevrier, l’événement prend la forme d’un projet au long cours jusqu’en 1989. La mission de la DATAR va bénéficier d’une large médiatisation et s’imposer comme un modèle du genre. Des projets similaires vont voir le jour par la suite : la mission du Conservatoire du littoral en 1986, l’Observatoire photographique national du paysage en 1992, France(s) territoire liquide en 2011 ou encore le projet Azimut en 2020 initié par le collectif Tendance Floue, pour ne citer qu’eux. À ces pôles institutionnalisés ou collaboratifs s’ajoutent les multiples initiatives personnelles de photographes parcourant le paysage français : Raymond Depardon, Éric Tabuchi ou encore le photographe Stéphane Couturier.
7 Clément Chéroux qualifie les photographies de famille de « vernaculaires », terme définit alors comme étant « […] une zone de l’activité humaine liée à la servilité, ou tout du moins aux services. Le vernaculaire sert : il est utile » (Chéroux, 2013, p. 10).
8 https://www.republicain-lorrain.fr/culture-loisirs/2021/04/11/cyrielle-leveque-une-artiste-en-immersion-dans-le-paysage
9 Notons que la possession d’un appareil photographique et, par conséquent, de photographies documentant l’époque sidérurgique était loin d’être courante dans les familles de mineurs des XIXe et XXe siècles. Le processus de collecte en témoigne et donne lieu à des retours comme celui de Bruno Trombini : « Malheureusement, je ne crois pas posséder de photographies familiales en lien avec le territoire et le passé sidérurgique ; nous n’avions pas d’appareils photo à disposition comme de nos jours ! Cependant, je peux transférer votre demande à d’autres. »
10 Propos recueillis le 30 avril 2021.
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