Revue Française des Méthodes Visuelles
Méthodes créatives : la part artistique des sciences sociales

N°7, 07-2023
ISBN : 978-2-85892-471-4
https://rfmv.fr/numeros/7/

Filmer pour rendre compte des émotions

Filming to capture emotions

L’exemple de l’arasement des barrages de la Sélune

The example of dam removal (Sélune river, france)

Marie-Anne Germaine, Maîtresse de conférences en géographie, université Paris-Nanterre, Laboratoire Mosaïques UMR LAVUE 7218 CNRS

Olivier Thomas, Docteur en géographie, université Paris-Nanterre, Laboratoire Mosaïques UMR LAVUE 7218 CNRS

Alors qu’un barrage hydroélectrique s’apprête à être détruit, le documentaire Sur les bords va à la rencontre d’habitants, pêcheurs et usagers de la vallée qui racontent leur relation à cet espace. Ce film a été réalisé dans le cadre d’un programme de recherche portant sur le suivi de cette opération inédite. Si les ressorts de cette opération très conflictuelle ont été documentés dans des articles scientifiques, la dimension affective qui sous-tend les positions des différents acteurs vis-à-vis de ce bouleversement des paysages et des usages de la vallée est, elle, traitée dans ce documentaire de 39 minutes. Filmé pendant la vidange et le chantier de gestion des sédiments, le film cherche à montrer la mutation en train de se faire. Alors que la recherche s’est plutôt attachée à rendre compte des actions collectives et des discours publics, le film cherche à approcher l’indicible et se concentre sur le sensible en suivant cinq personnages qui témoignent de leur relation intime à cet espace vécu.

Mots-clés : Habitants, Barrage, Émotions, Espace vécu, Paysage

While a hydroelectric dam is about to be removed, « Sur les bords » reaches out to the inhabitants, fishermen and users of the valley and lets them tell their relationship with this specific space. This film is part of a research program that follows the removal of the dam, an unprecedented operation. While the dynamics of this highly conflictual project are analyzed and discussed in various scientific articles, the emotional dimension underlying the positions of the various actors in respect to this upheaval of the valley's landscapes and uses is documented in this 39-minutes movie. Shot during the emptying and the sediment management of the worksite, the film seeks to show change in the making. For the most part the research program focused on collective actions and public discourses, relying on traditional fieldwork methodology. Video was included later, as a mean to reach-out to what is not usually expressed and focuses on the sensitive experience of the inhabitants by following five characters who reveal their intimate relationship with this space.

Keywords : Inhabitants, Dam, Emotions, Landscape, Places

Télécharger le PDF
Galerie des images
Images 1 et 2 - La transformation des paysages appréhendée <em>via</em> l’abaissement du niveau de l’eau.Images 1 et 2 - La transformation des paysages appréhendée <em>via</em> l’abaissement du niveau de l’eau.

Filmer pour rendre compte des émotions

L’exemple de l’arasement des barrages de la Sélune

Lien vers le film Sur les bords (© M.-A. Germaine, O. Thomas)
L'article revient sur la construction du film sur les bords

L'article revient sur la construction du film "Sur les bords" que nous vous invitons à visionner. L'article peut cependant être lu séparément sans que cela ne gêne sa compréhension.
© M.-A. Germaine, O. Thomas

Le film Sur les bords a été réalisé dans le cadre d’un programme de recherche visant à suivre un projet de restauration écologique consistant en la suppression de deux barrages hydroélectriques construits au début du XXe siècle sur la Sélune (Manche). Face aux bouleversements paysagers provoqués par la vidange des retenues d’eau et la destruction des ouvrages ainsi qu’à l’opposition des populations locales attachées à ces lieux, la vidéo s’est imposée comme un moyen pour rendre compte d’une transformation en cours et des émotions suscitées par celle-ci. Non prévue initialement dans la démarche scientifique, la vidéo est apparue comme un outil pour témoigner de la relation intime nouée par les habitants et usagers avec la rivière et les lacs au moment où la vallée débutait sa métamorphose. Nous proposons de retracer les raisons qui nous ont conduits à réaliser ce film en parallèle d’enquêtes plus classiques, puis les choix opérés au cours du tournage et du montage ainsi que les difficultés rencontrées. Enfin, il s’agira de revenir sur la place occupée par ce dispositif dans le programme de recherche.

Cette réflexion s’inscrit plus largement dans une volonté de réserver une place plus importante à la dimension affective et sensible encore bien souvent laissée de côté dans les projets d’aménagement ou projets écologiques (Thrift, 2004 ; Hoch, 2006 ; Feildel, 2013 ; Le Lay, 2019). Le sensible renvoie à ce qui a trait aux sens et aux émotions suscitées par l’expérience personnelle (ou collective) d’un espace (Guinard et Tratnjek, 2016 ; Le Lay, 2019). Le film est ici discuté comme un moyen possible pour mieux intégrer cette approche relationnelle dans la recherche et l’expertise en mettant en avant les ressorts des blocages rencontrés (conflits, oppositions). Ces derniers ne reposent pas que sur des éléments tangibles exposés dans les débats publics, mais trouvent aussi leurs racines de manière plus profonde dans le fait que ces projets bouleversent la relation des individus à leur environnement quotidien (Di Méo, 2006 ; Laugier, 2015) et touchent finalement à ce qui relève du proche (Thévenot, 2006). Il s’agit alors de voir comment documenter la transformation de cette relation peut faciliter la diffusion de messages auprès des gestionnaires et décideurs et participer à la reconnaissance des lieux en tant que territoires habités et espaces vécus, non pas seulement comme des objets techniques (Boelens et al., 2016).

1. Documenter le démantèlement de barrage : une question nouvelle

Le film aborde une problématique récente, le désaménagement d’infrastructures hydrauliques, encore peu documentée dans la production filmique (voir encadré) qui, auparavant, s’est plutôt intéressée au processus inverse, la construction de barrages.

De la restauration écologique au désaménagement : la production de nouveaux paysages

Les opérations de suppression de barrages se multiplient en Europe depuis les années 2010, du fait de l’inscription des principes de restauration écologique dans les politiques de gestion des cours d’eau visant à rétablir la libre circulation des poissons migrateurs ainsi que le transit sédimentaire. Remettant en cause certains usages et reconfigurant les paysages par la disparition des retenues d’eau, elles sont souvent conflictuelles (Lejon et al., 2009 ; Fox et al., 2016 ; Barraud, Germaine, 2017). Annoncée fin 2009 par le gouvernement, la suppression des barrages de la Sélune vise le retour des saumons dans la rivière. Piloté par l’État et financé par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN), ce chantier est rejeté par les élus locaux et très contesté localement. Si le projet technique est aujourd’hui avancé – le barrage de Vezins a été démoli en 2020 et celui de la Roche-qui-Boit durant l’été 2022 –, cette opposition a largement ralenti la construction d’un projet de territoire et aucune piste n’est avancée concernant la reconversion de la vallée (Germaine, Lespez, 2017). Sur le plan social, la réussite de ce projet dépend pourtant de la capacité des élus locaux, et de l’État, à proposer un projet approprié par les habitants. La valorisation de la pêche et d’une destination nature constitue des éléments forts pour envisager le devenir de la vallée, mais les enquêtes de terrain montrent qu’une forte attention doit aussi être accordée au paysage ( et al., 2019), dans ses dimensions matérielle et sensible (Bertrand, 1978 ; Besse, 2018).

Le démantèlement de barrage, un objet encore peu traité dans les films documentaires

À l’image de la littérature scientifique, les barrages occupent une place spécifique dans les films documentaires. C’est la construction de ces infrastructures gigantesques qui retient l’attention des vidéastes, rendant compte sur le vif, ou a posteriori, des conséquences de ces vastes chantiers de construction d’ouvrages d’art. Comme le retranscrit particulièrement bien le film Still life de Jia Zhang Ke (2006) – qui a pour décor le chantier du barrage des Trois-Gorges en Chine –, l’ennoiement de la vallée fascine particulièrement, tout comme l’histoire engloutie sous les eaux (Ain : Ciechelski, Mikles, 2004 ; Espagne : Boyer, en cours). Les grands ouvrages retiennent le plus l’attention, conduisant à porter le regard sur l’ampleur des travaux (Chine : Weiss, 1959), le déplacement de populations (Chine : Li, Yan, 2005 ; Inde : Cohen, Ott, 2012) ou encore, la brutalité et le traumatisme du changement (Cher : Cornuau, 1996 ; Beaufortin : Garnier, 2010 ; USA : Paulson, 2016). Les regards se font souvent critiques, mettant en exergue les conséquences environnementales et/ou politiques (Martin-Ferrari, 1998) ou documentant la mobilisation des habitants contre ces projets (Portugal : Bouvret, 2013). La production documentaire rejoint ainsi l’évolution des regards portés sur les barrages au fil du temps, depuis une vision prométhéenne de la nature jusqu’à une remise en cause profonde de cet artefact symbole de la dégradation des hydrosystèmes par l’Homme (Flaminio et al., 2021). Dans le film La Dordogne vue par ses habitants de la géographe Émilie Crémin (2017), s’appuyant sur les discours d’habitants collectés au cours d’entretiens et d’ateliers participatifs, il est question de la chaîne de barrages aménagée tout le long de la rivière : les discours hétérogènes recueillis témoignent de la relation controversée qui existe avec ces barrages à l’heure de l’Anthropocène, entre impact écologique et durabilité énergétique. Le patrimoine local englouti et les souvenirs du déplacement des populations se mêlent à la description du rôle social de la rivière.

Les films évoquant la suppression de barrages sont en revanche rares. Née aux États-Unis, la politique de « dam removal » est active outre-Atlantique depuis les années 1990 (Barraud, 2011). Les films sur le sujet sont avant tout des œuvres militantes, dont la plus connue est Dam Nation (Rummel, Knight, 2014) qui contribue à imposer la suppression de barrages comme un courant dominant. Partant du cas des États-Unis, le film documente le changement de valeurs opéré par la société de la glorification de la maîtrise de la nature par l’Homme à la dénonciation des impacts des barrages, notamment vis-à-vis des populations piscicoles et, surtout, des Premières Nations, privées de leurs ressources et de leur relation ancestrale au fleuve. Plusieurs films, dont Return of the River (Gussman, Plomb, 2014), s’appuient sur le cas emblématique de la restauration de l’Elwah ou de la Klamath, où plusieurs grands barrages ont été ou vont être supprimés (Johnson, 2005 ; Most, 2009 ; Lainé, 2019). D’autres vidéos sont produites par des associations militant pour le retour à des rivières sauvages mettant en scène des paysages de rivières souvent dépourvus d’Hommes ou même de traces humaines (Rivières sauvages : Laforge, 20131). Les institutions en charge de la gestion des cours d’eau ont, par ailleurs, de plus en plus recours à la vidéo comme outil de sensibilisation. Que ce soit à l’échelle nationale (Office français de la Biodiversité), régionale, départementale (Agences de l’eau, fédérations de pêche, etc.) ou locale (collectivités, syndicats de rivière), des vidéos sont mises en ligne : elles mettent par exemple en scène les opérations de suppression d’ouvrages hydrauliques en reconstituant, en accéléré, les travaux (timelaps) ou s’appuient sur les codes du documentaire animalier ou naturaliste privilégiant les gros plans sur le vivant, mais aussi les vues distanciées permises par les drones (Attenborough, 2019). Ces films laissent, en revanche, peu de place aux retours d’expérience donnant la parole aux acteurs impliqués et aux habitants.

Si les barrages sont bien présents dans la production documentaire, le traitement sous l’angle social de leur suppression est, pour l’instant, discret. Qu’il s’agisse de la construction ou de la démolition d’un barrage, le sujet de la disparition et du remplacement d’un paysage est central, de même que l’opposition entre des visions anthropocentrées et écocentrées quant au devenir et à la gestion d’un territoire. Le projet de restauration écologique de la Sélune a lui-même fait l’objet d’une vidéo consacrée aux « Barrages de Vezins et de Poutès, deux projets exemplaires de restauration de la continuité écologique » issue d’une collaboration entre l’AESN, EDF (propriétaire et exploitant des ouvrages) et l’Office national de l’Eau et des Milieux aquatiques (Onema). Confié à une agence de production, ce film de près de 22 minutes (dont 12 consacrées à la Sélune) donne la parole à des acteurs institutionnels interrogés dans leurs bureaux (ministère, EDF, Onema, AESN, INRA), venant compléter le descriptif de l’opération narrée par une voix off. La vidéo s’appuie sur des cartes, des modélisations et des images de paysage soit lointaines (drone) soit au contraire très rapprochées (notamment subaquatiques), ne correspondant que très peu aux vues expérimentées par les riverains et usagers, pour expliciter le chantier à venir. Jamais présenté sur place aux habitants, ce film donne une vision très institutionnelle et technique de l’opération. La Sélune figure aussi dans le documentaire américain Mending the line (Waller, 2014). Celui-ci suit Frank Moore, un pêcheur à la mouche passionné, âgé de 90 ans, à qui l’on propose de réaliser son rêve : revenir sur les bords de la rivière Sélune, où durant l’été 1944, après avoir débarqué en Normandie avec les Alliés, il a repéré de magnifiques saumons. Ce retour a lieu quelques mois avant la vidange du lac.

En décalage avec les films militants ou institutionnels promouvant la restauration écologique, le film Sur les Bords cherche à rendre compte de l’opération d’effacement du point de vue des populations locales. Il s’inspire notamment du film La ligne de partage des eaux de Dominique Marchais (2014) qui constitue une vraie leçon des enjeux de gouvernance de l’eau incarnés par des rencontres d’acteurs le long d’un cheminement nous conduisant de l’amont vers l’aval de la Loire.

2. L’évidence du besoin de filmer

D’une durée de 39 minutes, Sur les bords est le premier film que nous avons réalisé. Celui-ci s’est imposé face au sentiment que les entretiens et les photographies ne suffisaient pas à transcrire le bouleversement en cours.

Du constat des limites des méthodes classiques pour rendre compte du sensible…

La dimension inédite des ouvrages supprimés fait de la Sélune une opération emblématique à l’échelle nationale et européenne : la suppression des barrages de la Roche-qui-Boit et de Vezins, hauts respectivement de 16 et 36 m et mis en service en 1920 et 1932, va libérer 200 hectares de fond de vallée auparavant ennoyés. Depuis 2015, un programme de recherche suit les transformations des paysages, des usages, mais aussi des représentations des acteurs locaux provoquées par ce projet inédit. Plusieurs démarches ont été développées dans une logique d’observatoire. L’outil SIG (Systèmes d’information géographique) a notamment été mobilisé pour dresser des inventaires cartographiques. Un observatoire photographique du paysage (OPP2) a été mis en œuvre pour enregistrer les évolutions liées à l’abaissement du plan d’eau, la reconquête de la végétation ou l’installation de nouveaux usages (Dérioz et al., 2010 ; Le-Dû Blayo, Guittet, 2016). Parallèlement, les jeux d’acteurs ont fait l’objet d’une analyse fine pour reconstituer les différentes étapes du processus de construction du projet d’effacement (, Lespez, 2014, 2017). Entretiens et observation participante ont permis de repérer les valeurs et représentations défendues par les différents acteurs et de mieux saisir les ressorts du conflit ainsi que les défaillances du processus de gouvernance dans la mise en dialogue de l’expertise et des savoirs locaux.

Plusieurs éléments se sont alors imposés. D’abord, il est apparu que le paysage occupait une place prépondérante dans ce conflit. D’une part, le paysage joue un rôle clé par sa dimension matérielle puisqu’il constitue l’objet que l’on transforme (Bigando, 2008). Or, l’OPP s’est révélé insuffisant pour retranscrire les changements en cours. Ces séries de photographies n’incarnent pas le paysage : il y manque les ambiances sonores (le bruit de l’eau, des oiseaux, mais aussi du chantier), les mouvements (de l’eau, des arbres, des gens qui circulent, pêchent, etc.) et la place des corps qui se déplacent à travers celui-ci. Le caractère figé des clichés de l’OPP ne permet pas de rendre compte des bouleversements à l’œuvre (ambiance du chantier, variation du niveau de l’eau…). D’autre part, le paysage joue également un rôle décisif à travers l’attachement que les habitants et usagers portent aux lieux. Si des articles et schémas peuvent aider à restituer des phases de mobilisation et décrypter les étapes d’un conflit, il est plus délicat de rendre compte de l’attachement à un espace vécu (Frémont, 1976). Or, cette relation intime et l’émotion exprimée par les usagers rencontrés lors d’entretiens sont des moteurs de cette mobilisation (Sébastien, 2016) s’inscrivant dans le proche (Thévenot, 2006). Filmer est donc devenu une évidence pour capter ce qui était en train de se jouer, en garder une trace et saisir cette dimension sensible.

… à l’émergence du projet de film

Si le film n’était pas prévu, une forte attention a, en revanche, été accordée dès le départ aux interactions entre la recherche et les acteurs locaux. Plusieurs formes de restitution ont été mises en œuvre (blog de recherche dédié3, exposition de 12 panneaux suite à l’enquête menée auprès des habitants et usagers, réunion publique). Des approches participatives ont également été développées afin d’impliquer les habitants dans la construction et le partage de connaissances sur la vallée (atelier habitants en 2017 avec une vingtaine de participants, interventions auprès d’enfants en 2018).

L’engagement dans cette dynamique et la proximité développée avec le terrain nous ont encouragés à envisager un projet de film documentaire au milieu de l’année 2016. La vidange du lac de Vezins (mars 2017-août 2018) a constitué un prétexte pour passer à l’action. Cette période de transition était l’occasion d’aller vers les personnes vivant et fréquentant la vallée pour leur donner la parole. L’objectif était d’interroger les regards multiples que les habitants et usagers peuvent avoir sur cet espace du fait de leurs pratiques – quotidiennes ou ponctuelles, individuelles ou collectives – et de leur attachement à la rivière et/ou aux lacs. La vidange n’est pas l’objet central du film : l’abaissement du niveau d’eau du lac de Vezins et la transformation des paysages sont mobilisés pour déclencher la parole. Il s’agit d’abord d’aller à la rencontre de celles et ceux pour qui la vallée de la Sélune est constitutive de leur espace vécu. L’objet du film est également de témoigner de la disparition annoncée des lacs et, à travers eux, de l’effacement d’un paysage ordinaire, bien que singulier, en Normandie. Ainsi, la perspective de la destruction des ouvrages de Vezins et de la Roche-Qui-Boit constitue la toile de fond du film et le lien entre les personnages.

Ce projet s’est appuyé sur deux supports importants. Nous avons bénéficié d’un accompagnement à l’écriture dans le cadre du séminaire FRESH (Films et recherche en sciences humaines) 2017-2018 alors que le tournage débutait. Les rencontres avec Benoît Raoulx (géographe), Chantal Richard (réalisatrice), Jean-Marie Vinclair (Maison de l’image Basse-Normandie) et les autres participants, ont été cruciales pour la maturation et l’écriture du projet. Parler du projet, montrer nos premières images, découvrir les projets d’autres réalisateurs ont permis de déterminer notre chemin. Cette clarification a de nouveau été nécessaire lors de la phase de montage. Ne pouvant pas assurer cette partie du projet seuls pour des raisons de temps et de compétences, nous l’avons confié à Frédéric Leterrier (réalisateur) accompagné de Franck Lawrence qui a pris en charge le son. Les rushs accumulés étaient alors nombreux (80 sorties de terrain), il était donc indispensable de faire des choix. Il a alors été nécessaire de dialoguer afin de construire un plan de montage clair. Ce temps de dialogue a constitué un tournant dans le projet puisqu’il nous a conduits à abandonner définitivement certaines pistes pour nous recentrer sur le message central du film.

3. Une construction du film au fil de l’eau

Le tournage a donc démarré à l’occasion de la vidange, sans que nous ayons fixé le cadre précis du produit final. Plusieurs choix se sont ainsi faits au fur et à mesure, amenant à préciser les contours de ce premier projet filmique.

Mobilisation collective vs attachement intime

Très imprégnés par l’analyse du conflit toujours en cours, constituant une grille de lecture importante de notre travail de chercheur, nous avons longtemps essayé de filmer le collectif en lutte. Pour cela, nous avons suivi des manifestations, assisté à des assemblées générales ou à d’autres moments collectifs organisés par l’association (fêtes de l’eau, chantiers de débroussaillage) de l’association Les Amis du barrage qui milite contre l’arasement. D’une part, ces rushs étaient difficiles à utiliser, car ils comportaient des ambiances sonores parfois cacophoniques (mélange des voix) ou de longs discours difficiles à couper sans altérer leur compréhension. D’autre part, et plus fondamentalement, ils n’apportaient pas d’éléments complémentaires fondamentaux à la compréhension de cette mobilisation, car ces moments collectifs sont marqués par la mise en avant des seuls arguments considérés comme légitimes. Le sensible y est évacué au profit de registres plus techniques ou « objectifs » (coût de l’opération, défense des énergies renouvelables, risque d’inondation, etc.) que nous avions déjà analysés dans des articles scientifiques. Par ailleurs, il n’existe pas, sur la Sélune, de collectif pro-arasement : suivre le collectif en lutte nous aurait alors conduits à écarter les acteurs en marge (favorables au démantèlement ou partagés) alors que nous souhaitions plutôt mettre en avant la complexité des rapports à la vallée.

Ce constat nous a conduits à recentrer l’objet du film sur la relation intime d’individus à leur espace vécu, en contrepoint des dimensions politique et technique du projet déjà documentées à l’écrit. Cette dimension nous paraissait jouer un rôle crucial dans la mobilisation, sans que cela ne soit jamais pris en compte et débattu publiquement d’une part et sans que nous ne soyons parvenus à en rendre compte de manière satisfaisante d’autre part. Parce que la vidéo offre un « outil puissant d’incarnation de processus sociaux » (Chenet, 2019), nous nous sommes tournés vers cet outil pour témoigner de l’importance du sensible dans l’engagement des individus vis-à-vis du devenir de la vallée. En marge des argumentaires construits en réponse aux services de l’État par les défenseurs du barrage ou, au contraire, par les associations environnementales, nous souhaitions montrer d’autres subjectivités. Il s’agissait de documenter le rapport des individus au territoire plutôt que l’organisation d’une action collective. Les séquences privilégiées sont donc celles s’inscrivant dans une géographie à l’échelle de l’individu plus à même de rendre compte de l’indicible et du sensoriel (Raoulx, 2009, 2018). En faisant un pas de côté par rapport à l’analyse du conflit, il s’agit également de fournir d’autres clés de lecture des blocages sortant les acteurs des postures dans lesquelles ils ont tendance à être enfermés.

La motivation première du film était de donner à entendre la parole des habitants, de les laisser témoigner du changement en cours et livrer leurs émotions. Alors que ceux-ci avaient été écartés du processus de décision puis de mise en œuvre du projet, rendre compte de leurs voix semblait crucial. Le choix des « personnages », mais aussi de leur nombre, s’est rapidement posé avec le souci permanent du chercheur en sciences sociales, de la représentativité et de la légitimité de chacun. Concrètement, le film accompagne six personnages principaux :

  • un couple ayant construit un cabanon de pêche au bord de l’eau et s’y rendant presque chaque week-end depuis une trentaine d’années ;
  • le vice-président des Amis du barrage revenu dans sa région natale à sa retraite et féru de photographie et d’observation de la nature ;
  • un jeune pêcheur à la carpe très attaché aux lieux dont la formation et le métier dans le domaine de l’agriculture durable l’amènent à comprendre la décision ;
  • le président de la société de pêche créée sur le lac de Vezins ;
  • le propriétaire de l’Auberge de la Sélune installée à l’aval des barrages et accueillant traditionnellement des pêcheurs de saumons.

Ils expriment des relations distinctes à la rivière et des attitudes variées vis-à-vis du projet qui se répondent et se complètent. D’autres habitants ou usagers apparaissent de manière secondaire dans le film. D’autres n’ont pas été retenus au montage. Il est apparu moins intéressant de construire un film choral que de se concentrer sur quelques personnages incarnant une relation forte à la vallée pour mettre en miroir leurs discours et activités. Certains choix se sont imposés facilement : les entretiens très « posés » de personnes occupant une position institutionnelle ou un rôle d’expert (élus, techniciens, agents de l’État, scientifiques) permettaient d’apporter un éclairage technique et d’expliciter les modifications visibles sur les plans de paysages, mais ils n’incarnaient pas cette relation intime qui échappe justement aux procédures qui dominent la construction des décisions d’aménagement des territoires. Nous avons donc privilégié les personnes ayant développé une relation individuelle forte aux lieux, que celle-ci s’inscrive dans une histoire familiale, un investissement physique via la pratique d’un sport ou la construction d’un lieu de vie, un investissement associatif ou professionnel, etc. Si elles ont développé des connaissances particulières vis-à-vis de la rivière, elles n’occupent pas une position d’expert et vivent au quotidien sur le territoire.

La parole des personnages est au cœur du dispositif : elle intervient directement (en in) ou indirectement (en off, voix placée sur des plans de paysages). Ils ont été rencontrés et filmés plusieurs fois, lors de rencontres souvent longues. Ce rythme a participé à la construction d’une réflexivité des personnages sur le processus de démantèlement en cours. Les premières rencontres ont consisté à faire connaissance via leur histoire avec les lieux. Ces personnes qui pratiquent la vallée et observent la vidange nous emmènent dans des lieux porteurs de sens pour elles : nous leur avons laissé choisir les lieux des tournages (qui sont ceux encore préservés et systématiquement éloignés du chantier) ainsi que leurs positions et leurs mouvements dans l’espace (terrasse qui donne sur la rivière, ponton de pêche, sur l’eau…). Les entretiens « réels », c’est-à-dire en situation d’activité et en interaction avec le milieu plutôt qu’installés autour d’une table à l’intérieur d’un bureau ou d’une résidence, ont été privilégiés. Nous avons, dans certains cas, participé à des activités avec les personnes filmées : c’est le cas du pêcheur ou du kayakiste que l’on suit le long de la rivière. On entre aussi, parfois, dans leur intimité, comme à l’intérieur de la cabane de pêche (Vidéos 1 et 2). Ce n’est qu’après avoir partagé les relations avec la rivière et les lacs de chacune des personnes rencontrées qu’a été abordé le présent : la transformation en cours et ses conséquences. Prendre le temps de la durée de la vidange (plusieurs mois) a fait ressortir plusieurs catégories d’émotions. En contrepoint du plaisir de faire découvrir des lieux appréciés et des souvenirs nostalgiques, apparaissent, au fil des rencontres, les craintes, mais aussi les attentes suscitées par cette transformation. Il s’agit d’essayer de se projeter avec les habitants dans un lendemain sans barrages ni lacs. Les rencontres filmées témoignent de l’ancrage complexe des usagers dans plusieurs temporalités oscillant entre mélancolie, (dés)espoir, crainte et surprise. Ce n’est qu’une fois une relation de confiance établie que nous leur avons explicitement demandé de se projeter dans le futur. C’est alors à l’appréhension et à la colère (plus rarement à l’espoir exacerbé par l’incertitude vis-à-vis du devenir des barrages qui régnait alors) que nous nous sommes confrontés. D’autres, à l’inverse, se résignent à accepter la situation, voire soulignent, dans un mouvement plus optimiste, l’intérêt qu’il y aurait à s’emparer de cette opportunité. Filmer les réactions aux moments où les choses sont en train de se faire était aussi une manière d’éviter que le filtre de la nostalgie ne domine – celui des souvenirs, où la disparition exacerbe immanquablement les processus de tri, d’oublis et de hiérarchisations.

Vidéo 1 - Des rencontres dans l’intimité des lieux de vie et de loisirs : la fin des loisirs.
© Germaine, Thomas, 2019.

Vidéo 2 - La fin des barrages : entre passion et raison.
© Germaine, Thomas, 2019.

En complément des temps individuels consacrés à chacun des personnages, il nous semblait néanmoins important de conserver des moments collectifs et de sociabilité, qui ont pour partie émergés avec la mobilisation contre la suppression du barrage. C’est une caractéristique que les entretiens avaient mise en évidence : les lacs sont à la fois un lieu de refuge confidentiel et caché, mais aussi un endroit où les usagers se retrouvent entre amis ou en famille, et la perspective de l’arasement est associée pour certains à une mort sociale de la vallée (Germaine et al., 2019). Il s’agissait donc de trouver un équilibre entre ces deux temporalités et relations à la vallée. Les événements organisés par les Amis du barrage (chantiers de nettoyage, repas, etc.) incarnent cette sociabilité dans le film.

Saisir la transformation en cours d’un paysage sans perdre le spectateur

Le paysage constitue un autre personnage clé du film (Bories, 2019). C’est à la fois le support du discours des personnes témoignant et le cœur des images. Filmer l’opération de vidange du lac de Vezins consistait à introduire une succession de tableaux, depuis le début des travaux pendant l’hiver 2016-2017 jusqu’à la phase d’assec en 2018. Il s’agit de rendre compte d’un lieu qui, progressivement, s’efface du paysage en filmant le temps qui passe et en accompagnant ce qui peut potentiellement disparaître. Le film propose d’en rendre compte à la manière d’un OPP dynamique par l’insertion de plans fixes sur les mêmes lieux à des moments différents. Plusieurs plans révèlent l’abaissement du niveau de l’eau, laissant apparaître de nouvelles berges sur lesquelles la végétation s’installe ou les traces des niveaux successifs du lac sur la roche des versants les plus escarpés (Images 1 et 2).

Ces intentions ont été bouleversées par les rebondissements du calendrier de l’opération. La vidange devait, en effet, être suivie du chantier de démolition du barrage de Vezins, mais la remise en cause du projet fin 2018 a retardé la publication d’un arrêté de destruction qui n’est finalement intervenue qu’en mai 2019. Le barrage n’étant pas construit pour être vide d’eau et EDF – chargé de la surveillance de l’infrastructure jusqu’à sa démolition – n’étant pas favorable à une gestion d’un niveau de l’eau fluctuant au gré des épisodes pluviométriques, la retenue d’eau a été recréée. Alors que le niveau de l’eau ne devait plus remonter, l’agenda politique a entraîné un retour en arrière paysager qui a rendu difficile le montage chronologique des plans paysagers. Ces variations du niveau du lac ont pourtant constitué le quotidien des habitants et alimenté le contexte d’incertitude vis-à-vis du devenir des barrages. Elles peuvent aussi perdre le spectateur. Cependant, nous avons choisi de ne pas indiquer de date, de lieu ou d’explication pour accompagner ces plans, ou de voix hors champ (voix off) explicitant les étapes de la vidange, afin de laisser chaque spectateur et spectatrice directement face aux pontons perchés au-dessus de l’eau ou aux bateaux échoués sur les berges.

Images 1 et 2 - La transformation des paysages appréhendée via l’abaissement du niveau de l’eau.
© Germaine, Thomas, 2019.

Ce choix correspond aussi à la volonté de coller au vécu des habitants et à leur expérience corporelle des lieux. Pour cette raison, nous avons abandonné deux pistes explorées au fil du montage. La première consistait à mobiliser des images d’archives. Pour des raisons de sécurité, chaque barrage doit être inspecté tous les 10 ans : la vidange constitue un événement exceptionnel et la dernière remontait à 1993. Cette dernière vidange a été un tournant, car elle s’est mal passée (transport d’un grand volume de sédiments vers l’aval provoquant une dégradation des milieux aquatiques et du fond de vallée jusqu’à la baie), déclenchant les premières réflexions sur la pertinence du maintien des barrages (Germaine, Lespez, 2014). L’exploitation d’images anciennes collectées dans les archives d’EDF et de France 3 Normandie a alors été envisagée pour mettre les deux périodes en perspective. La seconde piste était d’utiliser les images d’une mission de survol des lacs par un drone organisée lors de l’assec. Ces images nouvelles permettant d’accéder à des secteurs en gorges que seul un bateau permet d’atteindre n’ont finalement pas été exploitées. Nous avons préféré conserver des vues correspondant à l’expérience qu’un individu peut avoir de ces lieux par ses activités quotidiennes (pêche, randonnée…). Les paysages des lacs ont, en revanche, été filmés de façon mobile à l’occasion de déplacements en bateau. Cette expérience, qui n’est plus possible, était importante à retranscrire : si elle est réservée aux propriétaires de barques, souvent pêcheurs, c’est une pratique inhérente aux lacs et le seul moyen de découvrir leurs paysages depuis le plan d’eau lui-même (Germaine et al., 2016).

Le film comporte également plusieurs séquences montrant le chantier de gestion sédimentaire. Ces plans sont importants, car ils montrent l’ampleur des travaux. La restauration écologique de la Sélune s’opère de manière active avec de gros engins (pelleteuses, dragues…). La vidéo permet aussi de suggérer les différentes étapes de la restauration : sur l’Yvrande, un affluent de la Sélune contaminé aux métaux lourds, le lit a été déplacé sur le pied de versant et des casiers ont été créés pour stocker les sédiments pollués (Vidéo 3). Ces images permettent de resituer le « spectacle » observé quotidiennement par les habitants. Elles permettent de saisir la brutalité des travaux ainsi que le décalage entre l’ambiance champêtre de la vallée, ou pittoresque des gorges, et ces formes transitoires de paysage. Documenter le chantier est également un moyen d’illustrer le décalage qui existe entre la manière dont la restauration, parfois aussi nommée « renaturation », est présentée et la réalité du chantier. Alors que la controverse porte sur la définition de la nature souhaitée, les images révèlent que la restauration active constitue un véritable façonnement intentionnel d’une nouvelle « nature » venant remplacer celle des lacs décrite par les habitants.

Vidéo 3 - La transformation des paysages : un chantier conséquent.
© Germaine, Thomas, 2019.

Enfin, aborder le paysage par la vidéo a aussi modifié notre propre relation à ce dernier. Passer du temps à enregistrer des plans de paysage, le casque sur les oreilles nous a rendus plus attentifs aux dimensions non visuelles et, plus spécialement, à l’importance du son. N’ayant pas anticipé l’importance des ambiances sonores dès les premiers tournages, certaines ambiances ont été reconstituées a posteriori lors du montage grâce au travail de Franck Lawrence, ingénieur du son. Celles-ci contribuent à rendre compte de la transformation des ambiances sonores, avec le bruit des pelleteuses et autres engins de chantier qui contrastent ainsi avec les sons de l’eau qui coule ou des oiseaux qui pépient. Au final, ce que cherche à montrer le film c’est que la restauration écologique transforme les paysages même si l’opération de suppression des barrages de la Sélune repose sur des choix strictement techniques sans intentions paysagères assumées : elle produit ainsi de nouveaux lieux, au sens d’espaces appropriés, auxquels il s’agira aux acteurs locaux de trouver un sens.

4. Le retour vers le territoire : une programmation difficile

L’objectif du film s’est donc affirmé au cours du tournage puis du montage. L’intégration du film dans une approche plus globale a rendu moins difficile le deuil de certaines séquences (Chouraqui, 2019) et révélé la complémentarité des approches déployées. Il était également évident que ce film devait être montré ensuite, comme témoignage de la nécessité de tenir compte de la dimension sensible (Michelin, 1998 ; Marshall, 2009 ; Bories, 2019) et des émotions (Guinard, Tratnjek, 2016).

La place du chercheur dans le processus filmique

Le tournage du film a parfois été difficile. Notre position de chercheurs impliqués dans un programme financé par l’AESN, promoteur de l’effacement des barrages, a généré la défiance, voire le rejet, des défenseurs des barrages. Nous nous sommes continuellement efforcés de ne pas prendre parti sur la décision de supprimer ou conserver les ouvrages, tout en affirmant en revanche notre engagement sur une autre dimension : la nécessité qu’une concertation se mette en place et que les habitants soient à la fois informés et entendus (Germaine, Lespez, 2017). Le montage du film a suivi cette ligne directrice en respectant ce fragile équilibre : entendre la parole des habitants sans prendre position.

Si la taille des ouvrages suscite l’intérêt des équipes scientifiques ou des communautés étrangères qui s’intéressent à la restauration des rivières, comme le démontre l’organisation du colloque de l’ONG European River Network sur la Sélune en septembre 2019, ce caractère nouveau génère plutôt de la méfiance de la part des habitants et usagers. Ces derniers ont le sentiment d’essuyer les plâtres et d’être des cobayes. Le fait d’être filmés n’a pu qu’accentuer cette impression d’être prisonniers d’un bocal ou de faire partie d’un laboratoire géant, d’une « réserve d’Indiens » scrutés par des experts venus de l’extérieur, comme nous l’ont dit certaines personnes lors d’entretiens. L’hostilité vis-à-vis de notre présence s’est ainsi exprimée lors de manifestations collectives organisées par les Amis du barrage, dont une partie des membres interrogeait l’utilité de notre démarche pour leur cause. À l’inverse, le lien de confiance s’est assez facilement établi individuellement. L’absence d’information quant au projet (Drapier, 2019), mais aussi au programme scientifique, renforce cette situation d’incompréhension exprimée par un des personnages dans le film. Des images enregistrées par une caméra acoustique plongée dans l’eau en aval des barrages sont utilisées à deux reprises dans le film comme métaphore de cette situation d’habitants placés sous l’objectif de chercheurs au même titre que la faune piscicole (Vidéo 4).

Vidéo 4 - Un laboratoire à taille réelle où les habitants sont observés comme les poissons ?
© Germaine et Thomas, 2019.

La projection, un moment attendu d’interactions

Le support vidéo a été utilisé comme un outil permettant de compléter les enquêtes auprès des habitants et usagers. Il s’insère dans la démarche de recherche comme un moyen de restituer des résultats sous une forme complémentaire et pensée comme plus universelle. Le film est donc envisagé comme un outil de dialogue s’adressant à des publics non spécialistes, sur place, mais aussi ailleurs, ainsi qu’aux acteurs institutionnels et opérationnels participant à ce type de projet et aux étudiants destinés à occuper des postes de gestionnaires. L’hypothèse était que la vidéo constitue une forme plus efficace pour rendre compte des enjeux identifiés au cours de nos travaux (place du sensible notamment) vers les gestionnaires et décideurs : écrire qu’il est important de tenir compte des relations des riverains et usagers au territoire n’est peut-être pas aussi fort que de le montrer à travers des portraits permettant d’entendre plus directement la parole des habitants. Les projections sont alors pensées comme un prolongement de la démarche de recherche. Construit sans sous-titres, sans présentations explicites des personnages et seulement introduit par quelques brefs éléments de contexte, le film invite chacun à découvrir la complexité de l’opération directement à travers les discours des personnages rencontrés. Ces choix nous ont paru importants pour favoriser le dialogue même s’ils se sont avérés déconcertants pour une partie des spectateurs (collègues scientifiques, étudiants) rassurés par l’insertion d’informations contextuelles. Tout en proposant un point de vue, le film vise à susciter de nouvelles interactions avec le public (Chouraqui, 2019).

La programmation de ces temps souhaités comme des moments de dialogue a cependant été rendue difficile par les calendriers distincts du chercheur (temps long du tournage, mais aussi du montage), des défenseurs des barrages (urgence du combat), des élus (plusieurs élections) et des services de l’État (calendrier des travaux, rebondissements politiques). Achevé fin 2019, le film a finalement été présenté en juillet 2020 en comité restreint après que nous ayons été contraints de repousser plusieurs fois la projection (élections municipales puis crise sanitaire). Cette projection limitée aux personnes apparaissant dans le film a débouché sur une discussion collective et l’expression de leur envie d’accompagner le film auprès des gestionnaires et surtout des élus pour témoigner de leur colère quant à la faible attention accordée aux habitants et leur désir d’une meilleure intégration de leurs attentes à l’avenir. Ainsi, s’ils ne partageaient pas le même point de vue sur l’opportunité de démolir les barrages, les personnages se sont parfaitement retrouvés dans le message qu’ils souhaitaient adresser aux élus et services de l’État en faveur d’une meilleure intégration des habitants dans les projets de territoire. Les vicissitudes politiques n’ont malheureusement pas permis de projeter le film de manière plus large sur place, seule l’association des Amis du barrage a proposé d’organiser une diffusion (mai 2022). Celle-ci n’est cependant pas parvenue à réunir un public diversifié et le format proche de celui d’une assemblée générale ainsi que la très grande familiarité des spectateurs avec les enjeux mis en avant dans le film se sont révélés peu propices à une mise en discussion. À plusieurs reprises, l’expression « ce film est bien, mais on n’a rien appris » nous a interpellés : nous l’interprétons de manière positive comme une forme de validation des propos qui retranscrivent fidèlement la situation. L’intérêt du film pour les communautés locales s’avère limité dans le sens où il n’apporte aucune réponse aux questions que se posent les habitants, aussi bien en amont (raisons de l’arasement) qu’en aval (quel projet pour le futur ?), et que les élus ont refusé de participer à la projection publique empêchant le film de jouer un rôle de médiation ouvrant sur un dialogue entre les parties concernées.

Le film a, en revanche, été présenté lors d’un séminaire organisé par la CATER (Cellule d’assistance technique à l’entretien des rivières) en octobre 2021, qui rassemblait une soixantaine de techniciens de rivière de la région Normandie. Nous avons pu vérifier qu’il constituait un médium efficace pour révéler la nécessité d’envisager les barrages autrement que comme des infrastructures et d’appréhender la gestion des rivières autrement que techniquement, comme en témoigne un technicien de rivière : « si je n’avais pas vu le film avant de faire la visite de terrain, j’aurais simplement vu les pontons comme des vestiges dangereux sans comprendre toute l’histoire qu’il y a derrière ». Dans ce sens, il est apparu pour les gestionnaires locaux comme un outil pertinent pour relancer le dialogue sur la construction d’un projet de territoire associant les élus et les habitants lorsque les collectivités seront prêtes.

Le film participe enfin à éclairer les spécificités du démantèlement de barrages en Europe puisque, contrairement au cas nord-américain des rivières Elwha (Gussman, Plumb, 2014 ; Laine, 2019) ou Klamath (Johnson, 2005 ; Most, 2009) par exemple – pour lesquelles le démantèlement bénéficie du soutien des tribus amérindiennes –, l’absence de collectif local mobilisé pour le devenir de la vallée de la Sélune sans les barrages complexifie la construction d’un projet qui ne repose pas que sur des objectifs écologiques.

Conclusion

Bien que la projection puisse être source de déceptions (Chouraqui, 2019) et que le film ne puisse évidemment pas résoudre à lui seul tous les problèmes, il constitue néanmoins un outil efficace pour rendre compte de la dimension sensible de projets de (dés)aménagement encore trop souvent abordés sous le seul angle technique. Il participe de l’incarnation du fait que les rivières ne sont pas seulement des objets techniques, mais constituent bien des territoires hydrosociaux auxquels sont associés différents imaginaires avec lesquels il est nécessaire de composer (Boelens et al., 2016). Il s’agit aussi de montrer que la restauration de la rivière ne peut viser uniquement la restauration du vivant, mais que sa réussite nécessite d’englober la restauration de la relation des populations à leur environnement. Saisi à un moment particulier, durant cette phase de transition particulière qu’a constitué la vidange, le film fournit un témoignage sur un processus en train de se faire, contrairement à d’autres documentaires réalisés a posteriori, avec toutes les déformations et réinterprétations que le temps qui passe occasionne. Il fournit un témoignage de la relation passée à la rivière et du bouleversement engendré, en mettant en avant la parole d’habitants et usagers peu écoutés ou pris en compte. Ce témoignage, complémentaire aux écrits scientifiques, participe à faire passer des messages aux gestionnaires et élus, pouvant ainsi contribuer au débat public sur la prise en compte des habitants dans les projets d’aménagement du territoire (Bacqué, Sintomer, 2011). Alors que l’État et les collectivités sont amenés à se pencher sur le devenir de cet espace et que les projets oscillent entre un réensauvagement consistant à promouvoir la libre évolution de la végétation, l’aménagement de sentiers de randonnée et le maintien d’espaces ouverts offrant des perspectives sur cet espace en gorges, ce premier film invite à retourner voir dans quelques années ce terrain et ses acteurs pour dresser un nouvel état des lieux afin d’apprécier le degré et les formes de réappropriation par les habitants de ces lieux et paysages remodelés.

Notes

1 Voir à ce propos l’épisode consacré à l’eau de la série My Planet de la WWF sur Netflix (2019), dont la majorité des images est tournée en drone.

Bibliographie

BACQUE Marie-Hélène, SINTOMER Yves (2011), La démocratie participative. Histoire et généalogie, Paris, La Découverte, coll. « Recherches ».
BARRAUD Régis (2011), « Rivières du futur, wild rivers ? », VertigO, hors-série 10, [en ligne] https://journals.openedition.org/vertigo/11411
BARRAUD Régis, GERMAINE Marie-Anne (2017), Démanteler les barrages pour restaurer les cours d’eau : controverses et représentations, Paris, Quae, coll. « Update Sciences and Technology ».
BERTRAND Georges (1978), « Le paysage entre la nature et la société », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen, 49 (2), p. 239-258.
BESSE Jean-Marc (2018), La Nécessité du paysage, Marseille, Parenthèses.
BIGANDO Eva (2008), « Le paysage ordinaire, porteur d'une identité habitante. Pour penser autrement la relation des habitant.e.s au paysage », Projets de paysage, 1, [en ligne] https://journals.openedition.org/paysage/30027
BOELENS Rutgerd, HOOGESTEGER Jaime, SWYNDEDOUW Erik, VOS Jeroen, WESTER Philippus (2016), « Hydrosocial territories: a political ecology perspective », Water International, 51 (1), p. 1-14, [en ligne] https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02508060.2016.1134898
BORIES Olivier (2019), « Faire du paysage un « personnage ». Les atouts de la méthode filmique dans la production d’images paysagères », Revue française des méthodes visuelles, 3, p. 55-69, [en ligne] https://rfmv.fr/numeros/3/articles/4-faire-du-paysage-un-personnage/
CHENET Marie (2019), « Pour une géographie incarnée et singulière - De la pratique du cinéma documentaire en géographie », Revue française des méthodes visuelles, 3, p. 19-32, [en ligne] https://rfmv.fr/numeros/3/articles/6-de-la-pratique-du-cinema-documentaire-en-geographie/
CHOURAQUI Floriane (2019), « Le « bonheur » de la thèse. Pourquoi faire une thèse en images et en sons quand on est géographe ? », Revue française des méthodes visuelles, 3, p. 71-92, [en ligne] https://rfmv.fr/numeros/3/articles/3-faire-un-film-de-recherche-en-these-de-geographie/
CLEWELL André F., ARONSON James (2010), La restauration écologique, Paris, Actes Sud.
CRONON William (1996), « The trouble with wilderness: or, getting back to the wrong nature », Environmental history, 1 (1), p. 7-28.
DI MEO Guy (2006), Les territoires du quotidien, Paris, Armand Colin.
DERIOZ Pierre, BERINGUIER Philippe, LAQUES Anne-Elizabeth (2010), « Mobiliser le paysage pour observer les territoires : quelles démarches, pour quelle participation des acteurs ? », Développement durable et territoires, 1 (2), [en ligne] http://developpementdurable.revues.org/8682
DRAPIER Ludovic (2019), Approche géographique comparée du démantèlement des seuils et des barrages sur les deux rives de l'Atlantique : projet écologique, politiques publiques et riverains (Sélune, Orne, Musconetcong, Wood-Pawcatuck, Mousam), thèse de Géographie, Université Paris-Est-Créteil.
DUFOUR Simon, PIEGAY Hervé (2009), « From the myth of a lost paradise to targeted river restoration: forget natural references and focus on human benefits », River research and applications, 25 (5), p. 568-581, [en ligne] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/rra.1239
FEILDEL Benoît (2013), « Vers un urbanisme affectif. Pour une prise en compte de la dimension sensible en aménagement et en urbanisme », Norois, 227, p. 55-68, [en ligne] https://journals.openedition.org/norois/4674
FLAMINIO Sylvia, LE LAY Yves-François, PIEGAY Hervé (2021), « To dam or not to dam in age of anthropocene: insights from a genealogy of media discourses », Anthropocene, 36, p. 2213-3054, [en ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2213305421000357
FOX Coleen A., MAGILLIGAN Frank J., SNEDDON Christopher S. (2016), « “You kill the dam, you are killing a part of me”: Dam removal and the environmental politics of river restoration », Geoforum, 70, p. 93-104, [en ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0016718516300720
FREMONT Armand (1976), La région, espace vécu, Paris, Presses universitaires de France.
GERMAINE Marie-Anne, DRAPIER Ludovic, LESPEZ Laurent, MENOZZI Marie-Jo, THOMAS Olivier (2019), « Entre désir de nature et peur de l'abandon : quelles attentes paysagères après l'arasement des barrages hydroélectriques de la Sélune ? », Projets de paysage, [en ligne] http://www.projetsdepaysage.fr/fr/entre_d_sir_de_nature_et_peur_de_l_abandon_quelles_attentes_paysag_res_apr_s_l_arasement_des_barrages_hydro_lectriques_de_la_s_lune_
GERMAINE Marie-Anne, LESPEZ Laurent (2014), « Le démantèlement des barrages de la Sélune (Manche). Des réseaux d’acteurs au projet de territoire ? », Développement durable et territoires, 5 (3), [en ligne] http://developpementdurable.revues.org/10525
GERMAINE Marie-Anne, LESPEZ Laurent (2017), « The failure of the largest project to dismantle hydroelectric dams in Europe? (Sélune River, France, 2009-2017) », Water Alternatives, 3 (10), p. 655-676, [en ligne] https://www.water-alternatives.org/index.php/current-issue/1895-articles-toc/vol10/309-issue10-3
GERMAINE Marie-Anne, VIRY Mathieu, MENOZZI Marie-Jo (2016), « Construction des lieux et rapports à la nature. Cabanons et pêcheurs des lacs du Sud Manche », Norois, 240, p. 77-100, [en ligne] https://journals.openedition.org/norois/5955
GUINARD Pauline, TRATNJEK Béatrice (2016), « Géographies, géographes et émotions. Retour sur une amnésie passagère… », Carnet de géographes, 9, [en ligne] https://journals.openedition.org/cdg/605
HOCH Charles (2006), « Emotions and Planning », Planning Theory and Practice, 7 (4), p. 367-382, [en ligne] https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14649350600984436
LAUGIER Sandra (2015), « Care, environnement et éthique globale », Cahiers du genre, 2, p. 127-152, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2015-2-page-127.htm
LE DU-BLAYO Laurence, GUITTET Caroline (2016), « Un projet partagé au service des acteurs : la plateforme des Observatoires photographiques du paysage en Bretagne (POPP-Breizh) », Projet de paysage, [en ligne] http://www.projetsdepaysage.fr/un_projet_partag_au_service_des_acteurs_la_plateforme_d_observatoires_photographiques_du_paysage_en_bretagne_popp_breizh_
LE LAY Yves-François (2019), Emotionscapes. S'é-mou-voir des situations géographiques, mémoire d’HDR, ENS Lyon.
LEJON Anna G.C., RENÖFÄLT Brigitta Malm, NILSSON Chister (2009), « Conflicts associated with dam removal in Sweden », Ecology and Society, 14 (2), [en ligne] https://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art4/
LESPEZ Laurent, VIEL Vincent, ROLLET Anne-Julia, DELAHAYE Daniel (2015), « The anthropogenic nature of present-day low energy rivers in western France and implications for current restoration projects », Geomorphology, 251, p. 64-76, [en ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169555X1500269X
MARSHALL Anaïs (2009), « La sensibilité photographique du géographe », EchoGéo, 8, [en ligne] https://journals.openedition.org/echogeo/11024
MICHELIN Yves (1998), « Des appareils photos jetables au service d´un projet de développement : représentations paysagères et stratégies des acteurs locaux de la montagne thiernoise », Cybergéo, [en ligne] http://journals.openedition.org/cybergeo/5351
RAOULX Benoit (2009), « Le film documentaire : une méthode pour rendre audiovisible la marginalité (Essai sur la démarche géodocumentaire) », in Bastian Sabine, Bulot Thierry, Burr Elisabeth (dir.), Sociolinguistique urbaine et développement urbain (enjeux et pratiques dans les sociétés francophones et non francophones, München, Martin Meidenbauer Verlag, p. 245-269.
SEBASTIEN Léa (2016), « L’attachement au lieu, vecteur de mobilisation collective ? », Norois, 238-239, p. 23-41, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-norois-2016-1-page-23.htm
THEVENOT Laurent (2006), L’action au pluriel, Sociologie de l’engagement, Paris, La Découverte.
THOMAS Olivier, GERMAINE Marie-Anne (2018), « De l’enjeu de conservation au projet de territoire : Le saumon atlantique au cœur des débats », Vertigo, 2, [en ligne] https://journals.openedition.org/vertigo/22259
THRIFT Nigel (2004), « Intensities of feeling: Towards a spatial politics of affect », Geografiska Annaler, 86B (1), p. 57-78, [en ligne] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.0435-3684.2004.00154.x

Filmographie

ATTEBOROUGH David (2019), L’eau douce, WWF (épisode de la série « My planet »)
BOUVRET Jean-Luc, COMPASSON Maud (2013), Bagarre au barrage, Le Miroir, CNRS Images, Cinaps TV, France 5, 52 min, [en ligne] http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/45611_1
BOYER Anne-Laure (en cours), Atlas Oculto, [en ligne] https://annelaureboyer.com/atlas-oculto/
MIKLES Laetitia, CIECHELSKI Olivier (2004), De profundis, 52 min, [en ligne] https://www.tenk.fr/brouillon-d-un-reve/de-profundis.html
COHEN Grégory, OTT Manon (2012), Narmada, TS Productions, CNRS Images, Play Film, 46 min.
CORNUAU Benoît (1996), Chroniques de la vallée. Histoire d’un barrage annoncé, Beta Production, France 3 Limousin-Poitou-Charentes, France 3 Auvergne Rhône-Alpes, 26 min.
CREMIN Émilie (2016), La Dordogne vue par ses habitant.e.s, Géolab, Université de Limoges, 61 min.
EDF, ONEMA, AESN (2014), Barrages de Vezins et de Poutès : deux projets exemplaires de restauration de la continuité, [en ligne] https://vimeo.com/97519786
GARNIER Michel (2010), Roselend, mémoires du barrage, Les productions de la lanterne, 50 min
GUSSMAN John, PLUMB Jessica (2014), Return of the River, 70 min, [en ligne] http://www.elwhafilm.com/index.htm
JOHNSON Steven (2005), Battle for the Klamath, Veriscope Productions LLC, 60 min.
LAFORGE Philippe (2013), Des rivières sauvages et des hommes, Anaïs production, 17 min, [en ligne] https://www.rivieres-sauvages.fr/film-rivieres-sauvages-et-hommes/
LAINE Sarah (2019), La libération du fleuve Elwha, Arte, 42 min.
LI Yifan, YAN Yu (2005), Before the flood, Icarus films, 147 min, [en ligne] http://icarusfilms.com/df-befor
MARCHAIS Dominique (2010), Le temps des grâces, Capricci Films, 123 min
MARCHAIS Dominique (2014), La ligne de partage des eaux, Films du Losange, 108 min.
MARTIN-FERRARI Dominique (1998), La guerre de l’eau : les grands barrages, Agence Environnement et développement/La Cinquième, 52 min, [en ligne] http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/6382_1
MOST Stephen, MICHELSON Steve, KOHLER Jack (2009), River of renewal: united by water, divided by people, 55 min.
PAULSON John R. (2016), Conowingo dam: Power on the Susquehanna, Maryland public television, 56 min, [en ligne] http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/6382_1
RUMMEL Travis, KNIGHT Beda (2014), DamNation, Patagonia, 87 min.
WALLER John (2014), Mending the line, Uncage the Soul Video Productions, 50 min.
WEISS Louise (1959), Le barrage des treize tombeaux, Telouët films, 17 min, [en ligne] http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/37268_1
ZHANG KE Jia (2006), Still Life, Bo Dan, 108 min.


Pour citer cet article

Marie-Anne Germaine, Olivier Thomas, « Filmer pour rendre compte des émotions. L’exemple de l’arasement des barrages de la Sélune », Revue française des méthodes visuelles [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 21 juillet 2023, consulté le . URL : https://rfmv.fr