Claire Revol, Maîtresse de conférence, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble*, Pacte, 38000 Grenoble, France * School of Political Studies Univ. Grenoble Alpes
Élise Beck, Maîtresse de conférence, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble*, Pacte, 38000 Grenoble, France * School of Political Studies Univ. Grenoble Alpes
Maëlle Banton, Doctorante, Université Paul Valéry Montpellier 3, LAGAM, 34000 Montpellier
Cet article questionne les apports d’une méthode créative en documentant les étapes de fabrication du film Dans l’alcôve, réalisé dans le cadre d’un projet de recherche-action sur la prévention des risques naturels. Le film présente le dispositif d’enquête original Sain et sauf ?, spectacle interactif où les participants sont amenés à réagir face à un risque naturel et vise à retranscrire cette expérience par la création d’une fiction s’appuyant sur ce spectacle. L’article présente comment les différentes étapes de fabrication du film – l’écriture, la production, la postproduction – s’articulent aux étapes du projet de recherche – l’enquête de terrain, les analyses, les relations avec les professionnels de la prévention des risques et la présentation des résultats par des formes d’écritures académiques et filmiques. Il montre comment cette création filmique accompagne la transformation du spectacle interactif en dispositif de sensibilisation aux risques.
Mots-clés : Film en sciences sociales, Recherche-création, Fiction, Performativité, Sensibilisation aux risques
This article questions the contributions of a creative method by documenting the stages of production of the film In the Alcove made as part of a research-action project on the prevention of natural risks. The film presents the original investigative device Safe and sound? which is an interactive show where participants are led to react to a natural risk and aims to retranscribe this experience by creating a fiction based on this show. The article presents how the different stages of the film-making process – writing, production, post-production – are articulated to the stages of the research project – field investigation, analyses, relations with risk prevention professionals, and the presentation of the results through academic and filmic forms of writing. It shows how this filmic creation accompanies the transformation of the interactive show into a risk awareness device.
Keywords : : film-making in social sciences, Research creation, Fiction, Performativity, Risk awareness
La fiction est souvent envisagée comme un pas de côté dans le rapport à la vérité ou à la réalité des faits empiriques. Pourtant, ce qui est vécu de manière fictionnelle ne peut être réduit à un ordre fantaisiste ou illusoire de l’expérience. Nous faisons ici l’hypothèse que la fiction peut permettre d’interroger le réel, de mieux comprendre les comportements et de les questionner, par sa capacité à produire des simulations et à déclencher des émotions. Mieux : la création d’une fiction au sein d’une démarche de recherche amène à enrichir cette dernière dans ses analyses et dans le partage de ses résultats. La démarche sur laquelle s’appuie notre propos mobilise la fiction à plusieurs endroits. Tout d’abord au cœur de la méthode d’enquête du projet de recherche-action « Évaluation de l’impact de l’information préventive sur les risques majeurs » Co-RESTART-I²PRI (2017-2021) puisque le spectacle interactif Sain et sauf ? vise à étudier les comportements des personnes par une mise en situation de risques naturels. L’objectif du projet est de mieux comprendre la place de l’information préventive dans les comportements pour améliorer les politiques de prévention et faire évoluer les méthodes de sensibilisation. La fiction est également mobilisée dans la réalisation du film Dans l’alcôve (2020), qui fait plus précisément ici l’objet de notre réflexion.
La réalisation du film peut être ici considérée comme une méthode créative, car elle dépasse la seule présentation de résultats scientifiques : il s’agit, au contraire, d’une production filmique faisant partie intégrante de la démarche de recherche, empruntant la fiction comme forme d’écriture. Jean-Paul Colleyn (2005) montre les usages polysémiques du terme de fiction, mais aboutit à une définition qui met en avant son caractère fabriqué : « la fiction est le récit d’un événement ou d’une série d’événements inventés, qui n’ont jamais eu lieu dans la réalité. En ce sens, seule la fiction artistique doit être considérée comme la véritable fiction. Son cadre pragmatique est celui que l’on désigne parfois par les expressions de “feintise ludique”, de “feintise partagée”, de “faire semblant” » (Colleyn, 2005, p. 155). La fiction obéit à un pacte partagé avec le spectateur qui la regarde, en connaissance de cause, selon deux caractéristiques principales rappelées par Colleyn : la libre adhésion et la limitation spatio-temporelle.
Comment l’écriture filmique s’est-elle intégrée à la démarche de recherche ? Comment transforme-t-elle la manière de faire une enquête, de produire des analyses et de présenter des résultats ? En prenant appui sur l’expérience de réalisation du film Dans l’alcôve, il s’agit d’interroger comment une création artistique réalisée dans le cadre d’une démarche scientifique déplace et transforme ses méthodes. À l’instar d’Howard S. Becker (2004), qui interroge l’écriture des sciences sociales comme activité concrète, faite d’expériences en situation, nous nous proposons de répondre à ces questions en interrogeant le processus de création – au sens de fabrication – du film, dans ses aspects processuels, de manière à montrer ses entrelacements avec les processus de recherche. Nous analysons les choix opérés dans la création du film et ses effets pour nos analyses et pour le spectateur ou la spectatrice. Nous choisissons de livrer un récit de cette expérience en portant une attention particulière à la description des étapes de fabrication du film, en associant intentions et moyens de la réalisation, ainsi que les réflexions auxquelles ces étapes ont donné lieu, sans éluder les insatisfactions ou les questions qu’elles ont suscitées.
Nous montrerons d’abord comment deux formes d’écritures fictionnelles se sont articulées dans le cadre de cette recherche, le spectacle interactif Sain et sauf ? puis le film Dans l’alcôve. Nous analyserons comment la fiction est mobilisée afin de répondre au besoin de fabriquer une simulation. Nous développerons ainsi la méthode de création des personnages du film à partir de profils types issus d’une analyse qualitative. Si les personnages s’appuient sur les données et l’expérience de terrain, leur incarnation par la comédienne lors du tournage participe au cheminement réflexif de la démarche de recherche. C’est cette inscription du projet filmique dans une recherche-action sur les politiques publiques de prévention des risques qui est questionnée dans un dernier temps, à l’aune de laquelle nous examinons nos choix de postproduction ainsi que la réception du film.
Le spectacle interactif Sain et sauf ? a été créé dans le cadre d’un projet de recherche-action dans le domaine de la prévention des risques naturels qui s’est concentré sur deux types de risques : les séismes et les inondations de type crues torrentielles. Les politiques de prévention des risques visent à mettre en place les réponses des pouvoirs publics en cas de catastrophe et à préparer les populations à se protéger en cas de situation de crise, en transmettant des recommandations sur les gestes favorables et les gestes à proscrire, notamment sous la forme de consignes. Par exemple, en cas d’inondations de type crues rapides ou torrentielles, il est conseillé de rester chez soi et d’éviter les trajets en voiture qui constituent l’une des plus grandes sources de danger associé à ce type de situation ; de même, il est proscrit d’aller chercher ses enfants à l’école ou sur leur lieu d’activités. Depuis les années 1980, des actions d’information préventive mises en œuvre en France visent à faire connaître ces recommandations et prennent aujourd’hui des formes variées : réglementaires et mises en place par les autorités (document d’information communal sur les risques majeurs [DICRIM], repères de crue, etc.), mais aussi complémentaires (spectacles, jeux sérieux, expositions, etc.) développées par des acteurs divers. Ces différentes formes d’information préventive montrent néanmoins des limites : on observe que, dix ans après la mise en place des DICRIM, les comportements à risque restent fréquents (AFPCN, 2013). L’étude d’événements montre, par ailleurs, que la plupart des victimes n’ont pas respecté les consignes de sécurité (Becerra et Peltier, 2011 ; Vinet et al., 2011). Cette tendance est également observée hors du contexte français : malgré les efforts réalisés en termes de sensibilisation, les comportements à risque, dans le cas des inondations, comme le fait de prendre sa voiture, sont encore très fréquents (Becker et al., 2015 ; Ruin et al., 2017 ; Hamilton et al., 2020 ; Vinet et al., 2022) ; dans le cas des séismes, il arrive que la majorité des personnes ne respectent pas les consignes officielles (Lindell et al., 2016). Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’efficacité des actions préventives sur la diffusion des connaissances des comportements à adopter et sur la capacité des individus à mobiliser leurs connaissances en situation réelle. Alors que le changement climatique se traduit par une fréquence et une intensité des événements plus importantes (Einhorn et al., 2015 ; Bodin et al., 2018), les pouvoirs publics sont amenés à renforcer et réinventer les actions de prévention (Courant et al., 2021).
Le projet intitulé Co-RESTART-I²PRI (2017-2021) « Évaluation de l’impact de l’information préventive sur les risques majeurs » vise à produire une évaluation des politiques de prévention des risques mises en place par une commune permettent-elles de diffuser la connaissance des consignes ? Et surtout, comment les individus mobilisent-ils ces connaissances en situation de crise ? Sont-ils toujours en mesure de le faire ? La mesure de la connaissance des consignes peut faire l’objet d’enquêtes par questionnaire (Guéguen et al. 2009 ; Beck et al. 2013). En revanche, l’observation de l’application des consignes supposait de développer un outil pour placer les personnes dans ces situations de dilemmes, souvent inédites et imprévues, dans lesquelles les comportements peuvent s’avérer imprédictibles pour les personnes elles-mêmes.
Cette recherche de méthode de simulation d’événements nous a conduits à développer une méthode créative : une collaboration avec un comédien et auteur dramatique, Pascal Servet, a mené à la création du spectacle interactif Sain et sauf ? (Beck et al., 2022). Le comédien fait vivre aux personnes participantes une mise en situation d’événement naturel, avec une déclinaison du scénario selon le type de risque : séisme ou inondation se rapprochant d’une crue torrentielle. Le comédien y raconte alors une histoire qui va devenir celle de la personne. L’intrigue est personnalisée mais adaptée aux besoins du scénario : le comédien lui demande de se situer dans son propre logement (quitte à le déplacer au rez-de-chaussée pour la simulation) et d’imaginer avoir déposé son enfant à son activité dans un lieu telle une MJC1 (en adaptant le scénario avec un enfant dont elles ont la garde pour les personnes qui n’ont pas d’enfant). Le comédien guide ensuite la personne dans l’intrigue en faisant appel à ses sens pour l’amener à se projeter dans des moments précis et en s’appuyant sur les éléments fournis par l’interaction pour la maintenir dans cette projection. La narration amène à la réalisation d’un aléa – un séisme ou une inondation – qui surgit dans son quotidien. Pour l’inondation par exemple, le scénario démarre alors que la personne revient chez elle après avoir déposé l’enfant à son activité et que la pluie battante a détrempé ses vêtements qui collent désormais à sa peau. L’évocation de la sensation des vêtements mouillés sur la peau fait l’office d’embrayage de la projection de la personne dans l’intrigue. Le comédien demande ce que la personne fait quand elle rentre chez elle et, sauf rare exception, elle répond qu’elle va se changer pour mettre des vêtements secs. Le scénario continue avec une pluie qui s’intensifie encore et l’arrivée de l’inondation. Au fur et à mesure de l’histoire, le comédien demande « et là, qu’est-ce que vous faites ? », permettant à l’enquêteur ou l’enquêtrice d’observer les réactions et les comportements adoptés par la personne participante à l’aide d’une grille d’observation. À l’issue de la simulation, un temps de débriefing permet de revenir sur les raisons des choix opérés et de recueillir les données nécessaires aux analyses développées dans le projet scientifique (Image 1). En ce sens, le spectacle interactif, complété d’un dispositif d’observation et de débriefing, constitue un protocole d’enquête en soi. La personne enquêtée résidant dans la commune cible de l’enquête est à la fois actrice et spectatrice du spectacle, puisqu’il n’y a pas de public spectateur.
Le propre des méthodes de simulation, comme la mise en scène proposée ici, consiste en la reconstitution – ou contrefaçon – d’une expérience très proche de la réalité. Dans le cas d’une simulation prospective ou prédictive (Bobillier Chaumon et al., 2017), elles comportent une composante fictionnelle induite par la projection dans une situation aux conditions nouvelles, inédites pour les personnes qui n’ont pas vécu d’événement : les personnes sont amenées à jouer un scénario qui pourrait arriver, qui n’existera peut-être jamais, mais qui bouleverse les conditions connues. Pour autant, la construction de l’histoire a privilégié la vraisemblance en s’appuyant sur des retours d’expériences d’événements (témoignages audiovisuels ou journalistiques, récits), tant sur le vécu sensoriel que sur les situations et les interactions avec d’autres personnes, afin d’aboutir à un scénario plausible et fréquent, susceptible de se produire de cette manière dans les régions de l’enquête. La réussite de l’expérience de simulation tient dans la projection de la personne dans la situation fictionnelle qui est créée par la mise en scène et par l’expérience esthétique proposée plutôt que dans l’imitation scénique d’un événement. Le besoin de déplacement associé au déploiement de l’enquête et son installation dans des locaux variés a amené à porter attention aux éléments du décor (l’alcôve et sa couleur, le mobilier). Pascal Servet a conçu les éléments de mise en scène, la lumière et la musique afin qu’ils participent à l’immersion en créant une atmosphère intimiste, mais ambivalente, car potentiellement rassurante ou inquiétante.
Les scénarios sont construits sur la base de l’analyse des consignes officielles qui forment un arbre de réponses. Ils visent à tester différents stimuli sur la base des consignes : par exemple, si les personnes vont chercher leurs enfants à leur activité alors qu’une vigilance rouge aux inondations est en cours, si elles utilisent leur voiture, leur téléphone, etc. Lorsque la personne participante choisit de faire une action qui n’est pas recommandée, l’acteur propose de faire un « rembobinage » dans l’histoire et lui propose d’imaginer avoir fait un autre choix de manière à continuer le scénario prévu selon l’arbre de réponses (Image 2).
Le propre des événements d’inondation de type torrentielle ou de séisme est de produire des situations qui sont difficiles à anticiper, que ce soit par le contexte environnemental – dynamique physique des phénomènes en jeu qui sont soudains, et pas forcément bien connus – ou par le contexte social, c’est-à-dire par les réactions combinées des personnes de l’entourage face à ces situations. L’immersion dans l’intrigue est soutenue par la narration qui opère par montée en intensité puis par décélération, et par rupture de rythme. En l’occurrence, ici, le comédien, d’abord narrateur, devient le voisin de la personne participante qui fait irruption et tente de la convaincre de prendre sa voiture pour aller chercher ses enfants et les siens. La personne va donc se trouver prise dans une situation de dilemmes dans laquelle elle devra s’occuper d’une autre personne paniquée avec qui elle devra opérer des transactions et se positionner. Ce sont précisément ces situations dans lesquelles les prises de décisions deviennent difficiles malgré la connaissance des consignes.
La mise en situation constitue donc une mise à l’épreuve pour les personnes participantes qui ont souvent été surprises par leurs propres réponses. Par la fiction, le spectacle interactif Sain et sauf ? permet d’explorer des réactions et des comportements qui ne se présentent pas dans un contexte d’entretien, mais dans la réalité. Loin d’amener les personnes à opérer des projections fantaisistes ou oniriques, la fiction est ici utilisée comme un moyen opératoire et une condition pour accéder à une observation des comportements en situation : on peut donc parler de fiction « vraie » (Lascoumes, 2022) puisqu’il s’agit d’interroger des mécanismes psychosociaux réels. Dans le cadre du projet I²PRI, Sain et sauf ? a été déployé auprès de 203 personnes dans six communes alpines : trois en Isère (Claix, Meylan et Grenoble) et trois dans les Hautes-Alpes (La Roche de Rame, Aiguilles et Ceillac). Alors même que l’enquête sur le terrain touchait à sa fin et que les analyses sur les données étaient en cours, nous avons choisi de réaliser un film pour présenter ce dispositif original et ses résultats. Le spectacle vivant est par essence temporaire, et sa description par l’écrit est souvent insuffisante pour en rendre compte de manière satisfaisante. Le film nous semblait le meilleur moyen de garder trace de la mise en scène, du jeu du comédien et de l’interaction avec les personnes enquêtées. Cependant, le projet de film a très vite débordé ces premiers objectifs de valorisation scientifique pour donner lieu à une création autonome. Là encore, la fiction est apparue comme la forme d’écriture adéquate à notre démarche, à même d’ouvrir des questionnements nouveaux et de prolonger l’enquête menée.
Pour rendre compte du processus de fabrication du film, nous allons nous intéresser à chacune de ses étapes que nous présentons au préalable. Qu’il soit documentaire ou fictionnel, trois grandes étapes jalonnent généralement la réalisation d’un film : écriture, production et postproduction. L’étape d’écriture précise les objectifs du film et formats ainsi que le synopsis. Dans notre cas, elle a également supposé une analyse qualitative spécifique des résultats de l’enquête et a mené à l’écriture des personnages du film. L’écriture comporte également la phase de préproduction, ou de préparation du tournage, dans laquelle sont effectués tous les choix organisationnels, techniques et artistiques. Nous avons notamment défini les lieux, les acteurs, le planning de tournage et opéré le découpage des scènes à filmer. Il s’agissait également de prévoir les dimensions matérielles du tournage : matériel vidéo, son, lumière, décors, costumes, maquillage… C’est l’étape la plus longue qui a duré un peu plus de trois mois au printemps 2020. La deuxième étape, la production, correspond au tournage du film à l’issue duquel tous les rushes nécessaires à la production matérielle du film sont produits : il a duré cinq jours dans notre cas. Enfin la troisième étape, la postproduction, correspond au montage du film, pour lequel nous avons disposé de deux mois. Outre les phases techniques de dérushage (dont le tri des rushes et le choix des plans), de montage image et son, de mixage ou harmonisation du son et d’étalonnage ou harmonisation de l’image, la postproduction a permis une réécriture du film, par la ré-élaboration des choix faits lors de l’écriture à l’aune des rushes disponibles.
Le travail d’écriture s’est appuyé sur les contraintes associées au contexte de création du film, pendant le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19. Celle-ci a eu des effets sur les choix opérés concernant le tournage, resserré sur cinq jours du fait des incertitudes sanitaires. Il s’agissait de mettre en place une organisation simple, réclamant peu de personnes : le comédien et metteur en scène Pascal Servet, l’actrice Suzie Henocque, les deux réalisatrices Claire Revol et Maëlle Banton ainsi que deux figurants et deux figurantes participant au spectacle sur une journée. Ces contraintes sanitaires étaient renforcées par la sobriété des moyens qui distingue cette production d’une production cinématographique classique, quatre personnes ayant effectué toutes les tâches des différents corps de métiers qui travaillent habituellement sur un tournage, à l’exception de la mise en place des projecteurs effectuée gracieusement par un professionnel. Par exemple, la prise de son et le cadrage ont été assurés par Maëlle Banton et Claire Revol a joué le personnage de l’enquêtrice dans les scènes de débriefing, alors même que toutes deux ont également réalisé la direction d’acteur. Cette période particulière du tournage a aussi eu des effets bénéfiques inattendus, notamment le prêt gracieux de la salle Dutrievoz par la régie du téléphérique de la Bastille à Grenoble, en raison de l’annulation de toutes les festivités de type mariage pour laquelle cette salle est d’habitude mobilisée.
Les contraintes de production ont également conforté la démarche qui a consisté à intégrer une partie fictionnelle dans le film. L’écriture de ce dernier prévoyait, dès le départ, une dimension documentaire associée à l’explication du projet scientifique, de ses intentions aux résultats. Nous souhaitions que le film puisse restituer le déroulement d’un scénario en entier dont l’ambiance et les dimensions sensibles du jeu, notamment la performance du comédien et le guidage de la simulation par sa voix. Il s’agissait également de montrer la variété des interactions dans leurs dimensions émotionnelles et relationnelles, entre le comédien et la personne participante. Or, ces objectifs étaient difficiles à atteindre par une démarche documentaire dans les conditions rencontrées. Alors que l’idée de filmer les sessions d’enquête avait été évoquée dès le début du projet, elle n’a pas été retenue, car cela alourdissait considérablement les procédures de protection des données, d’anonymisation, de stockage et d’analyse des données. Nous ne disposions donc pas de rushes issus de la phase d’enquête. Nous aurions pu choisir de filmer des sessions d’enquête organisées pour le tournage mais cela nécessitait de se confronter à des enjeux filmiques épineux au risque de compromettre l’effet d’immersion et de simulation propre au spectacle interactif : filmer le théâtre s’avère souvent délicat. Enfin, la grande incertitude concernant le recrutement et les résultats de ces sessions d’enquête en termes de contenus nous ont amenés à privilégier une forme plus écrite.
Cette décision est intervenue en lien avec le travail d’analyse qualitative effectué durant l’étape d’écriture. Cette analyse qualitative sur l’ensemble des données de l’enquête visait à compléter les analyses quantitatives menées par l’équipe. Ces dernières cherchaient à déterminer les variables clés (origine géographique, âge, catégorie socioprofessionnelle, etc.) associées à la non-conformité des comportements observés lors du scénario avec les comportements attendus par les consignes de prévention. En croisant ces résultats avec le type d’action préventive reçue par les personnes enquêtées, il s’agissait de produire des recommandations pour des actions de prévention. L’analyse qualitative a, quant à elle, cherché à introduire d’autres critères d’analyse des comportements observés, en se concentrant sur les interactions entre personnes et leur place dans les choix opérés. Nous avons voulu nous doter d’une boussole pour décrire les interactions entre le comédien et la personne participante afin de faire ressortir des dimensions supplémentaires d’analyse en nous intéressant à ce qui se jouait pour les personnes dans ces choix. Ainsi, pour une réaction conforme aux consignes, une personne pourra répondre de manière assurée ou sera en prise avec des hésitations tenant à l’influence du voisin. Pour une réponse non conforme aux consignes, l’une sera faite de manière inconsciente par rapport aux risques encourus, une autre sera faite en avançant un calcul de la prise de risque malgré la connaissance des consignes, une autre encore se fera avec la connaissance des consignes et une évaluation fine des risques liés à la connaissance du territoire. L’analyse qualitative a donné lieu à la réalisation de profils types.
Là encore, ce que Pierre Lascoumes a appelé « fiction vraie » (2022) peut nous aider à comprendre l’efficacité de la fiction dans notre démarche scientifique. Les profils type sont une construction fictionnelle : s’ils peuvent guider dans le décryptage de situations observées dans l’alcôve, les réactions de chaque personne empruntent potentiellement à plusieurs profils. Pierre Lascoumes (2022) fait des idéaux types l’une des figures de l’écriture de fiction « vraie » : « le détour par la fiction m’a permis de dégager, de donner à voir et à entendre des idéaux types politiques en les mettant en action » (Lascoumes, 2022, p. 7). Les profils types correspondent à des idéaux types, notion empruntée à Max Weber (1965). Pierre Lascoumes reprend la définition de Coenen-Huther qui fait de l’idéal type « une construction intellectuelle obtenue par une accentuation délibérée de certains traits de l’objet considéré. Cette figure conceptuelle n’est pas sans lien avec la réalité observée, mais elle en présente une version volontairement stylisée » (Coenen-Huther, 2003, p. 532).
Pour présenter le résultat de notre analyse par le film, nous avons donc choisi de réaliser une fiction en créant des personnages à partir des profils types dégagés par l’analyse qualitative en les faisant jouer sur un seul des deux scénarios utilisés pour l’enquête – le scénario inondation, sur lequel nous concentrerons nos analyses dans la suite de notre propos. Nous avons décidé de faire interpréter les personnages par une seule comédienne, en marquant la distinction des personnages par la couleur du t-shirt porté par la comédienne.
L’écriture du film Dans l’alcôve a ainsi abouti à un scénario en trois parties mêlant fiction et documentaire. Une première partie de type documentaire expose les objectifs du projet de recherche et présente le spectacle interactif et son utilisation dans le dispositif d’enquête. Une deuxième partie propose une reconstitution fictionnelle du spectacle interactif qui vise à immerger le spectateur dans le spectacle tout en constituant une forme de restitution des résultats de l’analyse qualitative. Enfin une dernière partie de type, à nouveau, documentaire s’appuie sur les témoignages de figurants et figurantes ayant participé au spectacle interactif et sur des éléments de résultats de l’enquête. Nous souhaitions que la partie fictionnelle, au cœur du film, et les parties documentaires se répondent et se complètent, d’où le terme de « docu-fiction » que nous avons choisi pour présenter ce film. Nous ne nous référons pas à l’acception courante de ce terme employé pour décrire la reconstitution d’un événement vécu par des personnes dans un film dont elles sont les actrices, mais pour indiquer le mélange entre documentaire et fiction présent dans le film.
Au cœur de ce choix d’écriture entre fiction et documentaire, il s’agit maintenant de revenir sur les questionnements associés à l’écriture des personnages de fiction. En quoi le passage par la fiction permet-il de développer les analyses qualitatives des résultats d’une enquête ?
La création des personnages s’est appuyée sur une analyse fine des données de l’enquête. Pour autant, la fiction présentant les personnages ne se contente pas de présenter les résultats de l’enquête qualitative d’une manière originale : nous montrerons que les personnages, par la mise à l’épreuve du jeu de l’actrice qui les incarne, sont également un outil analytique. Nous revenons ici sur les allers-retours entre l’enquête de terrain et le film produit par la création de personnages.
Le travail d’écriture des personnages pour la fiction s’est appuyé sur la réalisation de profils-types issus d’une analyse qualitative. Celle-ci a été menée sur le corpus conséquent d’observations de 203 personnes participantes réalisé lors des sessions d’enquête du projet. Les grilles d’observation permettaient de collecter des informations détaillées, stimulus par stimulus, au-delà des seules décisions effectuées et du comportement observable. Les justifications verbales étaient relevées ainsi que des observations de la posture, des intonations et des émotions décelables par les expressions faciales. Un codage des caractéristiques fréquemment observées a été réalisé en distinguant le scénario séisme et le scénario inondation. Par exemple, nous avons pu analyser si le respect des consignes observé dans le comportement était motivé par la connaissance de la consigne ou par d’autres raisons ; ou alors, si le non-respect de la consigne était associé à la méconnaissance de cette dernière ou à d’autres éléments de la situation de dilemme, notamment l’intervention du voisin et son influence sur les décisions, ou encore la connaissance du territoire qui pouvaient intervenir dans l’évaluation des risques pris. Le caractère hésitant ou affirmé de la réponse, ainsi que les dimensions émotionnelles repérées (panique ou assurance) étaient également prises en compte.
La récurrence de certaines observations et le nombre des codages obtenus nous a permis de dégager des profils types sur l’ensemble du scénario, certains stimuli étant jugés plus importants que d’autres, comme le fait de prendre sa voiture pour aller chercher les enfants dans le cas du scénario inondation. Alors que certaines personnes adoptent le même comportement tout au long du scénario, nous avons également pu repérer des trajectoires qui bifurquent au cours de celui-ci donnant lieu à l’écriture d’un profil spécifique. Ainsi, dans le scénario inondation, après avoir d’abord voulu se précipiter pour aller chercher les enfants sans chercher à évaluer la situation de risque par l’information, certaines personnes comprennent leur erreur et réadaptent leur comportement dans le reste du scénario en appliquant les consignes. Les profils types établis ont ainsi tenu compte du degré de connaissance et le respect des consignes dans les comportements, et dimensions émotionnelles et relationnelles observées. À l’issue de cette analyse, nous avons ainsi pu dégager une dizaine de profils types pour chaque scénario, séisme et inondation.
Du fait des contraintes du tournage, nous avons dû nous restreindre à un seul scénario, et nous avons choisi le scénario inondation qui est le plus fréquent dans les régions de l’enquête. Nous avons également dû réduire le nombre de profils types à six pour l’écriture des personnages du fait des contraintes de tournage. Aussi, nous avons fusionné des profils et conservé de manière prioritaire les profils types qui amenaient une variété de réactions, favorisant les dimensions narratives. Nous avons choisi de faire jouer les personnages en semi-improvisation par l’interprète pour conserver une spontanéité des échanges et restreindre le nombre de répétitions. L’actrice Suzie Henocque a été sélectionnée quelques semaines avant le tournage. Lors de la première répétition, elle a assisté en tant que participante au spectacle interactif afin de comprendre le dispositif et vivre l’expérience à la première personne. Cette expérience était le préalable à la présentation de la démarche du film et à la transmission de fiches personnages qui indiquaient leurs caractéristiques essentielles. Dans ces fiches, pour chaque stimulus du scénario, nous avons choisi des exemples d’attitude, de justifications, d’argumentation et de modalités d’interactions mobilisées par les personnes enquêtées qui correspondaient à ces profils types. L’image 3 présente les six personnages par leurs caractéristiques essentielles, ainsi qu’un exemple de réplique sur le stimulus « prendre la voiture », qui est celui le plus important à considérer dans le scénario inondation. En définitive, l’actrice s’appuyait sur un condensé d’observations pour jouer chaque personnage.
La réalisation du film à partir des personnages peut ainsi être comprise comme une démarche de documentation originale des résultats de l’analyse qualitative. Ce constat nous a amenées à réaliser des films consacrés à chaque personnage, disponibles comme ressources documentaires en complément du visionnage du film Dans l’alcôve. (Personnage 1 ; Personnage 2 ; Personnage 3 ; Personnage 4 ; Personnage 5). Si cette forme de présentation des résultats est essentielle – et fonctionne comme une écriture scientifique spécifique par sa combinaison de rigueur et d’une forme de créativité –, nous voulons montrer que l’enjeu de la mobilisation de méthodes créatives va au-delà de celui d’une présentation agréable ou innovante de résultats. En effet, l’incarnation des personnages par l’actrice a mis à l’épreuve les hypothèses associées à l’analyse et a amené à les préciser. Nous considérons qu’il s’agit d’un apport spécifique de cette méthode créative.
L’étape du tournage du film donne corps à des questionnements qui étaient latents lors de la création des personnages : nous faisons l’hypothèse qu’il constitue un moment d’intelligence des phénomènes en jeu. Dans le cas du tournage de Dans l’alcôve, ces questionnements ont été rendus possibles par la méthode de semi-improvisation utilisée pour la direction d’actrice qui a laissé à Suzie des possibilités d’interprétation des personnages. Pendant le tournage, nous avons décidé de consacrer les trois premiers jours aux six personnages, soit une demi-journée pour chacun. Pendant une demi-journée, nous pouvions réaliser au moins deux prises complètes en semi-improvisation pour chaque personnage. Puis, durant les prises complémentaires ou des prises d’extraits, nous pouvions pousser le jeu de l’actrice dans une direction souhaitée pour rectifier et réajuster. Pour chaque personnage, le tournage donnait donc lieu à plusieurs interprétations à partir desquelles nous pouvions composer le film final. L’incarnation de personnages pensés à partir de profils types a amené l’actrice à puiser dans la gamme des réactions aux situations de dilemmes provoqués par des inondations. Il s’agissait, en quelque sorte, d’une mise à l’épreuve expérimentale des profils types issus de l’analyse.
De manière notable, le personnage de « celle qui n’a pas conscience des risques qu’elle prend » avec le t-shirt rouge est celui qui a posé le plus de difficulté à Suzie. Le personnage de « celle qui n’a pas conscience des risques qu’elle prend » supposait de l’actrice qu’elle joue l’ignorance des consignes de prévention et qu’elle choisisse d’effectuer les actions non recommandées, comme prendre la voiture pour aller chercher ses enfants. Alors qu’elle puisait dans le répertoire de répliques, de justifications et d’attitude transmis dans les fiches personnages, il lui était difficile de jouer le personnage imprudent. Pour nous, cette difficulté est révélatrice de la normativité inhérente à la prévention des risques telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée par la transmission de consignes à respecter. Jouer ce personnage supposait de jouer celle qui donne les mauvaises réponses, qui ne suit pas les règles : pour le jouer, il était possible de surjouer la désobéissance de manière délibérée ou de surjouer l’inconscience de ce personnage, précisément ce que nous voulions éviter, ces caricatures n’étant pas présentes de manière significative dans nos observations. Pour réussir à finaliser les prises de rushes nécessaires au film, nous avons aidé l’actrice à déployer un ensemble de justifications pour aller chercher les enfants en voiture (« c’est justement dangereux de laisser les enfants à la MJC, près d’une rivière » ; « nous ne pouvons pas les laisser là-bas, il faut aller les chercher avant qu’il ne soit trop tard ») et travailler sur l’attitude du personnage. Même si nos conseils étaient appuyés sur les observations des comportements réalisées durant l’enquête, le personnage n’est pas devenu réellement convaincant à ses yeux. Cette forme d’irrationalité était difficile à incarner et à raconter : elle ne fait pas partie d’un imaginaire des réactions potentielles dans ces situations et, pourtant, ce sont celles qui se produisent et provoquent des drames humains. Ces moments de tâtonnement nous ont permis de formuler que l’un des enjeux de ce film était de montrer comment des personnes peuvent être amenées à se mettre en danger de manière non intentionnelle, tout en justifiant leurs actions en lien avec le contexte des relations interpersonnelles ou des situations.
Le dernier jour du tournage nous a donné l’occasion de revenir sur cet épisode en présence de Suzie, alors que des personnes figurantes ont participé au spectacle interactif pour tourner des scènes à vocation documentaire. Une figurante et un figurant ont, chacun à leur manière, incarné le personnage de « celle qui n’a pas conscience des risques qu’elle prend » de manière non intentionnelle. La figurante A1 reste convaincue pendant l’ensemble du scénario qu’elle doit aller chercher son enfant au rugby. Malgré l’eau qui monte, lui arrivant au genou, puis à la taille, elle cherche à prendre sa voiture pour aller le récupérer et aider le moniteur qu’elle imagine devoir s’occuper seul de l’ensemble des enfants sous sa responsabilité – ce qui témoigne du fait qu’elle ne connaît pas les plans d’action communaux en cas de risques à destination des écoles et des lieux d’activités. Elle n’imagine pas que le courant puisse emporter sa voiture et ses réponses restent marquées par l’empressement à réagir face à une situation où elle ne peut pas rester sans rien faire, là où se protéger en montant à l’étage (comme le veulent les consignes) est précisément analysé par elle comme « ne rien faire ». Le deuxième figurant, A2, se retrouve malgré lui à accompagner le voisin pour chercher les enfants. Lors du débriefing, il témoignera du trouble qu’il a ressenti durant la mise en situation. Il a pu s’observer en train de répondre favorablement au voisin qui voulait aller chercher les enfants en voiture, tout en ayant conscience que ce n’était pas la réponse appropriée, mais sans trouver les ressources pour s’opposer ou proposer d’autres actions. Dans les deux cas, les scènes documentaires filmées avec les personnes figurantes témoignent d’une grande cohérence dans les propos tenus, malgré le choix de réponses non recommandées en termes de prévention des risques. Suzie a pu voir à l’œuvre toutes les manières cohérentes, vraisemblables et crédibles dont elle aurait pu jouer ce personnage. Elle n’avait pour autant pas imaginé pouvoir jouer ces réactions de manière vraisemblable.
De manière inattendue, ces moments de tournage et les discussions auxquelles ils ont donné lieu ont permis de mieux formuler les apports du spectacle interactif en termes de prévention des risques et à dégager l’un des axes essentiels du projet filmique. Le tournage de la partie fictionnelle nous a amenées à questionner la capacité de l’action préventive à s’intégrer dans l’expérience des personnes lorsqu’elle est formulée sous la forme d’injonctions normatives auxquelles il est nécessaire de se plier pour « bien » faire. La prévention des risques par la transmission des consignes ne permet pas aux personnes de prendre conscience de ce qui les pousserait à se mettre elles-mêmes en danger (à « mal » faire) et à développer les aptitudes et capacités psychosociales à se protéger en connaissance de cause.
Aussi, il fallait montrer ces comportements inadaptés à l’œuvre tout en les rendant vraisemblables aux yeux des spectateurs et spectatrices du film. Cela nous a amenées à développer une réflexion sur les enjeux associés à la prévention et la sensibilisation aux risques sur lesquels nous revenons dans cette dernière partie.
À l’origine, le projet de recherche I2PRI était un projet de recherche-action visant à évaluer des politiques de prévention des risques. Les retours des personnes participantes, des acteurs de la gestion des risques et des partenaires du projet montrent que le spectacle interactif Sain et sauf ? est devenu un dispositif de sensibilisation à part entière. L’apport principal des techniques de mise en situation réside dans leur capacité à produire des simulations qui interrogent de manière profonde les comportements réels : « il ne s’agit donc plus seulement de feindre ou de jouer une activité, comme l’acception première du terme “simulation” l’entend, mais d’être en capacité de se confronter à une réalité, la sienne propre ou celle d’un autre, afin de revivre ou de ressentir différemment les choses. C’est ce rapport distancié à l’activité qu’introduit cette autre perspective de la simulation. » (Bobillier Chaumon et al., 2017). Ainsi, le potentiel de sensibilisation inhérent au spectacle interactif Sain et sauf ? repose sur la réussite d’une expérience de simulation.
Dès le processus d’écriture du film, nous avons cherché à faire vivre une forme de simulation de l’expérience du spectacle interactif par la fiction filmique. Comment amener le spectateur ou la spectatrice du film à entrer dans l’alcôve ? Par quels effets de sensibilisation aux risques ? Dans cette partie, nous examinons comment la vraisemblance dans la fiction a été ménagée en impliquant un spectateur virtuel qui intervient dans les choix de réalisation et réclame la mise en place d’« effets de réel » (Barthes, 1968, repris par Matthey, 2013) qui, dans notre cas, sont une distorsion des expériences observées au service de la vraisemblance. Il s’agira ensuite de revenir sur les enjeux de sensibilisation associés à la réalisation de ce film.
Baptiste Buob (2020) parle du cinéma comme un « art du mensonge » : le cinéma mobilise des artifices non pas pour mentir, mais pour que le propos soit « plus vrai que la réalité » pour la personne spectatrice. Il s’appuie sur le travail documentaire de l’anthropologue Jean Rouch pour décrire le travail d’artifice dans la réalisation d’un film qui prétend saisir quelque chose de la réalité, passant par la réalisation d’une « belle histoire » : « la réussite des sciences humaines – sciences poétiques – et du cinéma – art du mensonge – repose sur la capacité des individus à savoir raconter des histoires : si vous êtes un bon conteur, alors le mensonge sera plus vrai que réalité, et si vous êtes un mauvais conteur, alors la vérité est pire que la moitié d’un mensonge » (Levin 1971, p. 135, traduction de l’auteur ; Buob, 2020, p. 18). Le vraisemblable n’est pas le réel, il n’épuise pas les possibles du réel, mais présente des conventions qui se veulent une présentation du réel. En suivant la formulation de Baptiste Buob, la réalisation de la fiction nous a amenées à produire une forme de mensonge habile.
Ce mensonge habile est passé par la mise en place d’« effets de réel », afin de rendre les réactions propres à chaque personnage vraisemblables, de manière à ce que les personnes spectatrices du film puissent se projeter dans les personnages et leurs réactions. Nous nous référons ici à la réflexion de Laurent Matthey (2013) qui emprunte la notion d’« effets de réel » à Roland Barthes (1968) en cherchant à montrer comment des procédés narratifs fictifs sont utilisés pour produire des effets d’objectivité dans l’écriture académique. Ici, il s’agit de montrer par quels procédés nous avons construit une forme de vraisemblance des interactions jouées par l’actrice et le comédien afin de produire un pacte de visionnage avec les personnes spectatrices du film, équivalente au pacte de lecture établi pour un texte entre l’écrivain et ses lecteurs et lectrices.
Dans notre cas, l’« effet de réel » s’est caractérisé, dans l’interprétation des personnages par l’actrice, par une atténuation des réactions par rapport aux réactions observées dans l’enquête. En effet, les réponses développées par les personnes dans le spectacle interactif sont à chaque fois très originales et personnelles dépassant souvent de loin les réponses attendues. Les propos des personnes figurantes ayant participé au spectacle interactif pour le tournage du film nous fournissent là encore des exemples. Dès le début du scénario, alors que le figurant A2 rentre chez lui mouillé après avoir déposé à son activité l’enfant dont il a la garde, A2 ne décide pas de se changer ou de prendre une douche comme l’écrasante majorité des participants, mais répond qu’avant toute chose, il décide de se préparer à manger. Cette préoccupation pour la nourriture s’affirmera dans la suite du scénario : lorsque l’eau monte dans son appartement, avant même de chercher à sauver des objets précieux, ou de prendre ses papiers, il décide de monter ses réserves de nourriture (des boîtes de conserve) à l’étage. Cette scène invraisemblable aurait pu inspirer des séquences d’ordre comique dans la fiction. Les interprétations des personnages que nous avons proposés tendent au contraire à une grande sobriété dans les répliques et visent à permettre à chacun et chacune de s’imaginer réagir comme les personnages. En d’autres termes, les personnages joués par la comédienne ne retranscrivent pas la singularité des expériences observées dans l’alcôve, elles visent à reconstituer des versions vraisemblables des comportements observés pour chaque personnage.
Par ailleurs, en choisissant de faire jouer les profils types par une seule comédienne, il s’agissait de concentrer l’attention de la personne spectatrice du film sur les réactions aux situations produites dans l’alcôve. En effet, nous nous attendions à ce que la personne spectatrice corrèle les types de réponses des personnes participantes à leurs caractéristiques sociales supposées : âge, genre, classe sociale ou encore appartenance géographiques, puisque ce qu’elle observe est un ensemble d’interactions sociales, au sens employé par la sociologie des interactions (Goffman, 1973). En évitant de montrer une situation d’interaction sociale complexe à décrypter selon les normes et codes usuels, et en évitant que la personne spectatrice puisse associer des comportements à des caractéristiques sociales perçues, il s’agissait donc de la placer dans une situation où elle s’interroge sur ses propres réactions dans l’alcôve.
Nous avons conservé la trame du scénario jouée par Pascal Servet pour le montrer en entier, et alterné les réponses des différents personnages en montrant la variété des réponses et des réactions possibles pour chaque stimulus du scénario. Il s’agit ainsi de montrer la multiplicité des réactions et des dilemmes engagés, afin que chaque personne regardant le film s’interroge sur ses propres réactions dans la situation montrée et puisse se projeter dans un ou plusieurs personnages, comme nous le montrons ci-dessous avec l’extrait de la fiction sur le stimulus « prendre sa voiture ».
Enfin le cadrage et le montage ont visé à produire un effet d’immersion favorable à la simulation. Le cadrage de l’image de la partie fictionnelle en plan fixe rapproché vise à canaliser l’attention de la personne spectatrice par le plan, la lumière tamisée, le choix des costumes sobres et à faire voir clairement les réactions des personnages, que ce soit au niveau des expressions faciales ou de la gestuelle du corps avec les mains et les épaules. Pour marquer une différence esthétique, les plans documentaires sont filmés sous différents angles, plus éloignés, et laissent apparaître le décor de l’alcôve et son positionnement par rapport à l’enquêtrice qui apparaît dans les plans alors qu’elle est hors-champ dans la partie fictionnelle. Le montage a permis de figurer cette transition entre la partie documentaire et la partie fictionnelle, en combinant un zoom progressif vers l’alcôve qui se fond dans le cadrage utilisé pour la fiction et une mise en lumière progressive pour figurer l’entrée du spectateur ou de la spectatrice dans l’alcôve. Lors de cette transition, la personne spectatrice est explicitement invitée à vivre cette expérience de simulation par la phrase « et vous comment réagiriez-vous dans l’alcôve ? », ce qu’elle peut décider ou non de faire, suivant en cela le principe de libre adhésion inhérent à la fiction. Cette fabrique de la simulation fait-elle effet ? Pour répondre à cette question, nous devons replacer cette tentative dans les enjeux de sensibilisation à la prévention aux risques naturels.
Dernière étape du processus de création du film, le visionnage fournit des observations essentielles à un processus de recherche associé à une création filmique. Le film a été déposé en accès libre sur la chaîne Youtube du laboratoire (Dans l’alcôve, 2020) et a bénéficié d’un relais auprès des partenaires du projet. Il a été projeté dans plusieurs contextes afin de recueillir des témoignages. Il a également été mobilisé dans les échanges avec les partenaires de la recherche-action, auprès des agents chargés de mission « risques » ou spécialisés dans la sensibilisation aux risques. Au-delà du réseau interpersonnel, des projections ont été réalisées dans le cadre de l’atelier-vidéo du laboratoire Pacte et au colloque « Les territoires de montagne face aux risques et aux changements climatiques - Enjeux, approches et perspectives » (2021), ainsi qu’auprès d’un groupe d’étudiantes et étudiants en licence. Les réflexions présentées sont issues de ces expériences de visionnage.
Au fil des expériences d’enquête et avec la fabrication d’un spectacle interactif, nous nous étions confrontées à la difficulté de présenter ce dispositif à des personnes qui n’en ont jamais fait l’expérience, notamment auprès des professionnels de la prévention des risques susceptibles de mettre en place le spectacle interactif comme action de sensibilisation. D’après les retours de visionnage, le film remplit parfaitement cet objectif de présentation du spectacle interactif. Il nous semble que cette réussite tient en partie dans le mélange entre fiction et documentaire proposé. Après la partie fictionnelle qui a amené la personne spectatrice du film à s’immerger dans l’alcôve, la troisième partie présente des témoignages et retours d’expériences des personnes figurantes lors du tournage. Les témoignages insistent sur les questionnements apportés par l’expérience de simulation qu’ils viennent de vivre, notamment l’étonnement provoqué par des réactions inattendues. Cette séquence documentaire vient donc, en complément de la fiction, fabriquer ce « mensonge habile » (Buob, 2020) par lequel nous cherchons à partager l’expérience de simulation avec la personne spectatrice du film.
Nous avons cherché à vérifier auprès des personnes spectatrices la capacité du film à partager la simulation produite dans le spectacle interactif. Les retours indiquent que le film a su générer des « petits frissons d’émotions » qui constituent un élément clé de l’efficacité d’une mise en situation. Certains témoignent s’être questionnés sur leurs propres réactions dans l’alcôve : « je me suis surprise à me questionner sur ce que je ferai dans cette situation ». D’autres s’imaginent en situation réelle à partir de la simulation : « je voyais l’eau monter et entendais le bruit des arbres qui se fracassent sur le pont » ou analysent une expérience passée qui ressurgit avec l’émotion. Cela témoigne de la capacité du film à s’interroger sur sa propre expérience et de mettre les personnes en capacité d’apprentissage : « je me suis rendue compte que je connaissais peu les consignes, que j’aurais oublié plein de choses », « [le film] permet de sortir de l’illusion qui fait qu’on pense savoir alors qu’on ne réagit pas correctement ». Certaines personnes affirment même avoir utilisé le film comme un outil de sensibilisation : « nous avons visionné le film en famille, avec mon mari et mes enfants, qui ont appris beaucoup ». Toutefois, le film n’a pas toujours permis aux personnes de se projeter dans la simulation, notamment lors de projections en région parisienne. L’hypothèse que nous formulons est qu’un contraste en termes de contexte géographique et de risque (inondations de plaine et inondations à la dynamique plus rapide), trop éloigné du public, a pu jouer dans l’échec de la simulation. La proximité de situation reste donc une condition majeure pour que Dans l’alcôve soit considéré comme un outil de sensibilisation.
Ces premiers résultats nous ont permis d’envisager Dans l’alcôve comme un potentiel outil de sensibilisation, dans tous les cas un appui au spectacle interactif Sain et sauf ? qui est désormais employé comme outil de sensibilisation, dans une version permettant d’accueillir un public spectateur élargi. Depuis quelques années, les différents acteurs – institutionnels ou non – en charge de la prévention des risques ont pris le parti de diversifier leurs outils de sensibilisation et mettent en avant les potentiels des interventions artistiques dans des politiques de prévention (Polau, 2013). Dans la recherche de diversification des outils de sensibilisation, la vidéo est particulièrement mobilisée. De nombreux films visent à informer des risques et des comportements à adopter. La très riche bibliothèque audiovisuelle de l’Institut des Risques majeurs (IRMa) en témoigne, mais on peut également citer les Tuto Risques du ministère de l’Écologie, en format Youtubeur, ou encore les clips vidéo créés par la commune de Salaise-sur-Sanne pour accompagner la diffusion des documents officiels d’information. En cherchant à partager l’expérience de simulation, Dans l’alcôve s’inscrit dans ces multiples tentatives de sensibilisation par le film, en mettant en avant l’un des apports essentiels de ce projet de recherche-action : au-delà de la diffusion de la connaissance des consignes, le développement de la culture du risque nécessite des apprentissages de savoir-faire et de comportements de protection. Pour acquérir ces derniers, les personnes doivent appréhender leurs réactions et les émotions associées à des situations complexes pour réussir à intégrer les consignes de prévention dans leurs comportements. C’est dans cet esprit que le spectacle interactif Sain et sauf ? est aujourd’hui utilisé comme méthode de sensibilisation et que le film Dans l’alcôve peut l’accompagner auprès du public et des professionnels du risque.
Au terme de ce parcours, nous pouvons revenir sur les enjeux associés à la réalisation d’un film dans le cadre d’un projet de recherche. Nous avons pu mettre en évidence que la fabrique du film organise des allers-retours entre :
Cette dynamique constitue, pour nous, l’un des apports essentiels de la réalisation d’un film en termes de méthode créative et nous avons insisté sur ses apports scientifiques dans le cadre de ce projet de recherche, mais également sur la dimension de sensibilisation du film particulièrement intéressante dans le cadre d’un projet de recherche-action consacré à la sensibilisation aux risques majeurs.
Nous avons pu montrer qu’à chaque étape de réalisation, cette dynamique d’allers-retours est présente. L’étape d’écriture nous a amenées à mobiliser les données et l’expérience accumulée au cours de l’enquête de terrain et à produire de nouvelles analyses en orientant l’attention vers les différentes dimensions de l’interaction entre le comédien et la personne spectatrice dans l’alcôve. Les choix de la production d’une fiction ont permis d’explorer une analyse et de partager une expérience de simulation avec les personnes spectatrices du film qui n’ont pas participé au spectacle interactif Sain et sauf ? L’étape de la production du film a mis à l’épreuve les personnages issus des analyses et nous a amenées à reconsidérer les observations de terrain grâce aux échanges avec l’actrice qui les a interprétés. Dans le même temps, il s’agissait lors de la production, de réaliser un ensemble de choix esthétiques (jeu, lumière, son, cadrage) afin de transcrire dans le film l’ambiance du spectacle interactif et de rechercher les mêmes effets de simulation. Enfin, l’étape de postproduction et de visionnage du film a permis de préciser nos analyses. C’est au cours de cette étape que nous avons décidé de rédiger cet article qui complète l’analyse qualitative et dont l’écriture est, à nos yeux, complémentaire à celle de la finalisation du film.
Il nous semble que l’un des enjeux plus généraux des méthodes créatives au sein des sciences humaines et sociales est justement cette articulation entre formats de production créatifs et écriture académique plus classique. La création dans le cadre d’une production scientifique reste attachée dans ses formats et sa réalisation à une démarche de recherche qui nécessite de s’expliciter, elle ne peut être évaluée selon les critères seuls d’une création artistique qui trouve d’autres modalités de diffusion et d’échanges dans ses formes professionnelles. Cette association de modalités d’écritures différentes s’intègre aux allers-retours mis en évidence entre enquête de terrain, analyses, création d’un format – dont les modalités de diffusion et de partage sont différentes des formes de production scientifiques classiques – et partage de cette démarche au sein d’un projet de recherche-action dont les objectifs sont ceux d’une politique publique de sensibilisation dans la prévention des risques naturels.
Outre les satisfactions associées à la diffusion d’une recherche par le film, nous avons voulu montrer que l’expérience de réalisation intègre complètement l’enquête et ses résultats, tout en valorisant la dimension expérimentale au cœur de la démarche de recherche. En effet, ce film aurait pu développer d’autres choix artistiques pour mettre en avant d’autres dimensions de cette enquête. Par exemple, le film ne montre pas la richesse des réactions observées sur le terrain dans l’alcôve ou la créativité des personnes participantes dans la mise en situation. Cela aurait pu, notamment, aboutir à l’écriture d’un film documentaire, dont nous ne pouvons anticiper les effets ni leur articulation avec les questions de sensibilisation à la prévention des risques mis en avant dans cet article.
Les autrices souhaitent remercier l’ensemble de l’équipe du projet I²PRI (Élise Beck, Isabelle André-Poyaud, Aurélie Arnaud, Audrey Borelly, David Chionne, Sarah Duché, Christelle Gaïdatzis, Delphine Grancher, Etienne Jacquemet, Céline Lutoff, Claire Revol, Nicolas Robinet, Pascal Servet). L’opération I²PRI (Impact de l’Information préventive sur les Risques), dont est issu cet article et dont les objectifs principaux sont de développer des protocoles originaux pour l’évaluation de l’information préventive sur les risques est co-financée par l’Union européenne dans le cadre du Programme Opérationnel Interrégional du massif alpin (POIA). Ce travail a bénéficié du soutien financier du LabEx DynamiTe (ANR-11-LABX-0046) dans le cadre du programme « Investissements d’Avenir ». Nous remercions également les membres de l’atelier-vidéo de Pacte pour leur soutien et pour les discussions issues d’une séance de projection qui ont contribué à l’écriture de cet article.
1 MJC : Maison de la Jeunesse et de la Culture.
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