Laurent Paccaud, chercheur postdoctoral, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), Laboratoire de recherche santé-social (LaReSS)
Anne Marcellini, Professeure associée, Université de Lausanne, Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités
Si les chercheur·euse·s en sciences sociales font de multiples usages de la photographie à toutes les étapes des protocoles de recherche, tantôt comme images-objets à analyser, tantôt comme outils pour réaliser la recherche, l’utilisation des images comme outil de la recherche est encore peu documentée. L’article que nous proposons ici vise à y contribuer en analysant les apports et les limites de l’entretien par photo-elicitation pour une sociologie « par l’image » des parcours de vie de personnes ayant des in/capacités physiques « sévères ». Au cours de l’enquête, face aux situations de handicap que représentaient les entretiens classiques en face-à-face pour certain·e·s participant·e·s, nous avons expérimenté des entretiens par photo-elicitation, « hybridés » avec la méthode Photovoice. Ce dispositif méthodologique a reposé sur la constitution de corpus de photographies personnelles par les interviewé·e·s. Ces corpus sont ensuite devenus le support visuel pour l’entretien. Les résultats de cette expérimentation soulignent les aspects les plus heuristiques de l’utilisation des « photographies de famille » dans l’étude des parcours de vie.
Mots-clés : Photo-elicitation, Photovoice, Méthodes qualitatives, Parcours de vie, Handicap
While social scientists use photographs in a variety of ways at all stages of research protocols—sometimes as images-objects to be analyzed, sometimes as tools for conducting research—the use of images as a research tool is still not well documented. The present article aims to contribute to this methodological literature by analyzing the strengths and limitations of photo-elicitation interviews, within an “image-based” sociological study of the life courses of people with “severe” physical dis/abilities. We experienced that traditional face-to-face interviews were disabling for some participants. To address this issue, we developed a photo-elicitation interviewing technique, “hybridized” with the Photovoice method. The interview involved the constitution of a corpus of personal photographs by the participant himself·herself. The corpus of photos then serves as the visual support for the interview. The results of this methodological experimentation highlight the most heuristic aspects of the use of « family photos » in the life-course studies.
Keywords : Photo-elicitation, Photovoice, Qualitative Methodology, Life Course, Disability
Les entretiens occupent souvent une place centrale dans les protocoles des recherches qualitatives en sciences sociales ; que ce soit en complément d’autres outils de recueil des données ou en tant qu’outil unique. Pour l’enquêteur·trice, l’enjeu est alors de créer les conditions pour que les enquêté·e·s soient en mesure de produire des discours prolongés et riches, qui renseignent l’objet de recherche investigué. Mais que faire lorsque les techniques d’entretiens classiques – en « face-à-face » et sans autre medium que la parole – sont insuffisantes ou inadaptées ? Que faire lorsqu’elles ne permettent pas de produire les données nécessaires à l’élucidation des questions de recherche ?
Ce sont à ces difficultés que nous avons été confronté·e·s dans le cadre d’un travail doctoral réalisé par Laurent Paccaud, sous la supervision d’Anne Marcellini. Cette recherche visait à comprendre comment l’engagement dans une carrière de joueur·euse de powerchair hockey1 forme et transforme les parcours de vie des personnes utilisatrices de fauteuils roulants électriques (Paccaud, 2021). Notre méthodologie initiale était basée sur des observations participantes lors de différents événements sportifs et 11 études de cas pour lesquelles nous avions prévu des immersions de quelques jours dans la vie des participant·e·s ainsi que des entretiens de type « récit de vie » (Bertaux, 2013). Cependant, cette technique d’entretien n’a pas permis de renseigner certaines dimensions des parcours de vie des interviewé·e·s. De plus, elle s’est révélée handicapante pour certain·e·s d’entre eux·elles. Face à ces enjeux méthodologiques et heuristiques, suivant une posture de recherche adaptative, nous avons intégré la méthode visuelle à notre dispositif méthodologique, sous la forme d’entretiens par photo-elicitation « hybridés » avec la méthode Photovoice.
Dans cet article, nous souhaitons interroger les usages particuliers et innovants qui ont été faits de l’entretien par photo-elicitation dans l’étude des parcours de vie de personnes ayant des in/capacités physiques très importantes. Quelles adaptations ont été faites ? Dans quelles articulations avec la méthode dite Photovoice, qui inclut une dimension participative des enquêté·e·s à la recherche ? Dans quelles mesures ce type d’entretiens permet-il de réduire, voire d’éliminer les situations de handicap créées par les entretiens en face-à-face non-médiés par des images, pour notre population d’enquête ? Quelles opportunités ont été ouvertes grâce à l’introduction des images dans le dispositif d’enquête ? Quelles difficultés majeures ont été rencontrées ?
Pour répondre à ces questions, notre article s’organise en trois parties. Premièrement, nous présentons les différents usages qui ont été faits de l’entretien par photo-elicitation par les chercheur·euse·s en sociologie. Deuxièmement, nous expliquons plus précisément le parcours qui nous a amené·e·s à élaborer et expérimenter une technique spécifique d’entretien par photo-elicitation, adaptée à la population d’enquête et qui puisse renseigner les processus de formation et de transformation des parcours de vie des personnes ayant des in/capacités physiques majeures. Troisièmement, nous présentons des éléments sur l’expérience de l’entretien par photo-elicitation et discutons les apports heuristiques de la démarche suivie. La présentation de nos résultats et de leur interprétation suit la chronologie des étapes du protocole d’enquête en soulignant, pour chaque étape, comment notre expérience de l’entretien par photo-elicitation a permis de mettre au jour certaines facettes, auparavant invisibles, des parcours de vie des pratiquant·e·s de powerchair hockey.
La technique de l’entretien par photo-elicitation, s’inscrit dans le champ de la « sociologie par l’image » (Vander Gucht, 2010). Douglas Harper propose une définition de l’entretien par photo-elicitation comme outil de récolte de données (Harper, 2002). Selon cet auteur, la photo-elicitation repose sur l’idée, simple, d’insérer des images (le plus souvent des photos) dans le cadre d’un entretien de recherche. Ainsi, l’insertion d’une autre forme de représentation symbolique que le langage, entre le·a chercheur·euse et l’enquêté·e sert de stimuli qui permet non seulement de recueillir plus d’informations mais surtout un autre type d’informations. Selon Gilles de Rapper, les photographies rendent visible à l’enquêté·e la dimension matérielle de l’existence (de Rapper, 2016). Les images peuvent opérer alors autant comme données de recherche en soi mais aussi comme ressources interactionnelles au cours de l’enquête. À ce sujet, Michaël Meyer souligne que les photographies sont porteuses d’une double puissance : « une force vocative (la capacité d’interpellation) et une force évocative (la capacité à désigner et à remettre en mémoire) » (Meyer, 2017, p. 29). Des photographies très différentes peuvent être mobilisées dans le cadre des recherches faisant usage de cet outil de récolte de données. Parmi les différents types de photographie, Harper explique que les photographies qui mettent en scène la dimension intime de la famille, des groupes sociaux d’appartenance ainsi que du propre corps des enquêté·e·s sont les plus heuristiques dans le cadre des recherches s’inscrivant dans le domaine de la sociologie du corps. La sociologie du corps, en plus particulièrement du « corps handicapé », étant un des domaines dans lequel notre recherche s’inscrit, notre intérêt pour cet outil s’en trouve encore renforcé.
Les premières recherches faisant usage des photographies comme support pour mener des entretiens remontent aux années 1950, comme les travaux en anthropologie de John Collier qui expérimentaient ce qu’il avait alors dénommé des photo-interviews. Douglas Harper, qui a participé avec Dona Schwartz dans les années 1980 à la formalisation de l’entretien par photo-elicitation, a identifié, jusqu’en 2002, quatre thématiques de recherche investies par les chercheur·euse·s qui utilisent de cette technique d’entretien : l’étude des classes sociales, des organisations sociales et de la famille – les communautés et l’ethnographie historique – les identités, les biographies et autobiographies – la culture et les études culturelles (Harper, 2002, p. 16). Nos recherches s’inscrivent plus particulièrement dans la thématique qu’Harper a nommée « identités, biographies et autobiographies ». Dans ce cadre, selon Michaël Meyer, le fait de confronter l’enquêté·e « à son double photographique » et à des formes visuelles passées de ses groupes d’appartenance permet de décaler son regard sur ses pratiques : ce décentrement du regard étant renforcé par la demande de commentaires sur l’image (Meyer, 2017, p. 3). Ainsi, selon ces auteurs, l’entretien par photo-elicitation serait particulièrement heuristique pour nourrir la compréhension des dynamiques identitaires et des trajectoires sociales, qui sont des objets centraux de notre recherche. De plus, selon Marisol Clark-Ibáñez, les photographies sont des dimensions intimes du social, en particulier « les photos de famille ou d’autres groupes sociaux intimes, les images de notre propre corps, et les photos qui nous relient en tant que personne, à la société, la culture ou l’histoire » (Clark-Ibáñez, 2004, p. 1511)2. Ainsi, l’usage de ce type de photographies en entretien faciliterait le développement de discours sur les dimensions intimes de l’existence des enquêté·e·s.
Michaël Meyer et Christian Papinot intègrent dans la présentation de l’entretien par photo-elicitation tout le travail de réflexion sur la constitution par le·a chercheur·euse du corpus d’images qui va être soumis aux interviewé·e·s (Papinot, 2007 ; Meyer, 2017). Mais, à la fin des années 1990, quelques chercheur·euse·s (en particulier Caroline Wang) ont entamé une réflexion sur une autre façon de constituer ces corpus d’images (Wang, 1999). Il·elle·s ont proposé une méthode de recherche-action participative qu’ils ont appelé Photovoice dans laquelle les enquêté·e·s sont considéré·e·s comme des « participant·e·s » à la recherche et sont impliqué·e·s dans le processus de rassemblement voire de production des photographies qui sont ensuite mobilisées dans des entretiens individuels ou collectifs (focus groups) par photo-elicitation. Ces réflexions ont abouti à la conduite de recherches au cours desquelles les participant·e·s se voient confier des appareils photos et sont chargé·e·s de documenter, par des photographies, des pratiques sociales contemporaines. Ces photographies sont, dans un deuxième temps, triées, sélectionnées et commentées, voire analysées par l’ensemble des chercheur·euse·s et des participant·e·s. Ainsi, plusieurs degrés de participation à la recherche, et différentes formes de collaboration entre chercheur·euse·s et participant·e·s pouvant devenir co-chercheur·euse·s, peuvent être envisagés au cours du processus de recherche. Dans le cadre de notre recherche, nous avons accordé une importance notoire à la participation active des joueur·euse·s de powerchair hockey, à toutes les étapes du processus de recherche. De ce fait, la dimension participative de la méthode Photovoice nous a particulièrement intéressé·e·s.
L’ancrage méthodologique de notre recherche sur les parcours de vie de sportifs utilisateur·trice·s de fauteuils électriques est ethnographique. Ainsi, entre 2015 et 2019, nous avons mené une ethnographie du powerchair hockey à partir de la position de chercheur·euse·s en sciences du sport n’ayant pas d’in/capacités. Dans ce projet de recherche, les relations avec les participant·e·s ont été envisagées comme une collaboration (avec différents niveaux d’implication en fonction des étapes du protocole) maintenue durant toutes les étapes de la recherche. Cette démarche implique d’entrer en relation avec les participant·e·s sur une période prolongée et de s’adapter aux imprévus, défis et opportunités qui se présentent à chaque étape de la recherche (Paccaud, 2020). Dans ce cadre, comme le souligne Papinot (2007, p. 79), l’adoption d’un posture de recherche « critique-analytique » vise à mettre en application le renversement épistémologique initié par Georges Devereux (Devereux, 1967). Ainsi, les modalités de l’implication de l’enquêteur·trice sur le terrain et la façon dont les participant·e·s et lui-même ou elle-même en sont affecté·e·s, peuvent devenir une source de résultats et non une perturbation de ceux-ci, si l’enquêteur·trice fait l’effort d’expliciter la position depuis laquelle il·elle s’exprime ainsi que son expérience du terrain la recherche.
Dans un premier temps de recherche, Laurent Paccaud a mené des observations participantes – avec différents degrés de participation – lors d’entrainements et de compétitions nationales, ainsi que lors d’assemblées de clubs et du Comité suisse pour le powerchair hockey. Il a également accompagné l’équipe nationale durant 10 jours aux Championnats d’Europe 2016 à de Rijp, aux Pays-Bas, en tant que photographe de l’équipe nationale.
Le deuxième volet de la récolte de données a consisté en 11 études de cas. Pour chaque étude de cas, il avait été prévu de réaliser un entretien de type « récit de vie » (Bertaux, 2005). Au cours de l’entretien, différentes dimensions du parcours de vie devaient être investiguées : la trajectoire sportive, la trajectoire familiale, la trajectoire médicale, la trajectoire sentimentale la trajectoire scolaire/professionnelle, entre autres. Suite à cet entretien, quelques semaines plus tard, une immersion de deux à sept jours dans la vie de la personne était prévue, pour saisir l’articulation de l’engagement sportif avec les autres engagements parallèles à cette pratique, dans une pluralité de sphères de vie. Cette semaine passée ensemble devait aussi être l’occasion de s’entretenir longuement, de manière informelle, avec les participant·e·s et leurs proches.
Ce n’est que lorsque Laurent Paccaud a procédé aux entretiens de type « récits de vie » avec deux premiers participants qu’il a été envisagé de mettre en place des entretiens par photo-elicitation. En effet, lors de l’entretien avec le premier participant, Nicolas3, 37 ans au moment de l’enquête, celui-ci s’est montré très loquace et a parlé presque sans interruption durant plus de cinq heures. Néanmoins, au moment de la retranscription, il apparaissait très clairement que le participant n’avait pratiquement pas parlé de la dimension corporelle de ses expériences, même s’il est atteint d’une maladie génétique évolutive et a été confronté à des atteintes corporelles de plus en plus importantes (perte de la marche, greffe du cœur) au cours de sa vie. Si cette absence de discours au sujet de ses pratiques et expériences corporelles constituait un résultat en soi, la dimension corporelle de son existence restait invisible pour nous et non documentée. Lors de l’entretien avec le deuxième participant, Simon (32 ans au moment de l’enquête), qui a des limitations de capacité d’élocution, la situation d’entretien de type « récit de vie » a généré de grandes difficultés à parler de sa vie et à se souvenir de son passé. Son discours était ponctué, à maintes reprises, de « je ne me souviens pas », « je ne sais pas », « j’ai de la peine à me rappeler ». Dans un premier temps, nous nous sommes demandé si cet homme avait un fonctionnement cognitif spécifique, ce qui est fréquemment le cas des personnes qui, comme lui, présentent une infirmité motrice cérébrale. Néanmoins, après une discussion informelle avec lui, il a pu être établi que cette difficulté rencontrée lors de l’entretien pouvait s’expliquer autrement. Tout d’abord, au-delà des difficultés d’élocution liées à ses in/capacités physiques, Simon n’est que très rarement en situation de devoir/pouvoir parler plus que quelques mots à la suite dans sa vie quotidienne. En outre, il n’avait encore jamais été en situation d’élaborer oralement un récit de sa vie. En effet, selon lui et sa mère, il s’agissait de la première expérience personnelle lors de laquelle il a dû parler plus de cinq minutes « d’un coup ». Nous devions donc trouver un moyen d’adapter ou de compléter le protocole de récolte de données pour, d’une part, éviter de provoquer des situations de handicap au cours de l’enquête et, de l’autre, recueillir les données nécessaires à notre recherche.
C’est donc à partir de ces deux premières expériences d’entretien que nous avons pensé à recourir à des photographies pour mener des entretiens dans le cadre de cette enquête. Nous avons fait le pari que l’introduction d’un support visuel lors d’entretiens pouvait à la fois favoriser l’élaboration d’un discours sur le corps et stimuler la mémoire. Nous avons alors été particulièrement inspiré·e·s par les recherches sur le handicap ayant fait usage de la méthode Photovoice, dont Ebenezer Dassah, Heather Aldersey et Kathleen Norman ont fait une revue de littérature (Dassah, Aldersey et Norman, 2017). Néanmoins, plusieurs ajustements devaient être apportés aux principes du Photovoice. En effet, la méthode Photovoice a été utilisée pour rendre compte des relations sociales ou des mécanismes de discrimination, en les documentant par une prise de photographies confiée aux participant·e·s au moment même de l’enquête, dans une logique synchronique. Or, dans notre recherche sur les parcours de vie, il nous fallait pouvoir rendre compte de ces mécanismes dans une perspective diachronique.
Sous la forme d’une expérimentation méthodologique, un dispositif adapté a donc été élaboré. A la suite du premier entretien, il a été demandé aux participant·e·s de rassembler une vingtaine de photographies les représentant à différents moments de leur vie. Ainsi, en rassemblant, triant, sélectionnant les photos auxquelles il·elle·s avaient accès, les participant·e·s ont en quelque sorte mis en récit leur parcours de vie au moyen d’un medium photographique. Dans un deuxième temps, il était programmé de procéder à un entretien par photo-elicitation au cours duquel il était demandé aux participant·e·s de commenter les photos (qui les a réalisées ? où les ont-ils trouvées ? qu’est-ce qu’elles représentent ? qu’est-ce qu’elles leur évoquent ? Pourquoi et comment les ont-ils choisies ?). Cet entretien par photo-elicitation a été planifié à la suite de la semaine d’immersion. D’une part, nous voulions qu’il soit assez éloigné du premier entretien pour que le·a participant·e ne se souvienne plus exactement ce qu’il avait dit et n’ait pas peur de se contredire par rapport à son premier récit de vie. D’autre part, il s’agissait de pouvoir profiter de la semaine d’immersion pour assister à la démarche de recherche et de sélection des photographies lorsque cela était possible.
Cette démarche ne visait donc pas une première découverte de la vie de la personne, mais plus un approfondissement des connaissances, en particulier pour certains aspects de leur vie intime/privée. Le fait que ce dispositif ait été pensé en complément d’observations in situ et d’un premier entretien centré sur le récit de vie est particulièrement intéressant pour identifier l’heuristique de ce dispositif, par comparaison avec des entretiens en face-à-face non-médiés par des images.
Comme l’expliquent Stéphane Beaud et Florence Weber, l’analyse d’un entretien ne doit pas se limiter à l’étude du discours enregistré puis retranscrit, mais devrait également inclure l’étude des conditions de production de l’entretien (Beaud et Weber, 1997). Ainsi, le déroulement de l’enquête est, en soi, une source de données susceptibles de nourrir la compréhension de l’objet de recherche.
Lorsque la demande de réunir des photographies les représentant a été faite aux participant·e·s, à chaque fois, leur première réaction a été la surprise. La consigne formulée « Pourrais-tu réunir une vingtaine de photographies te représentant à différents moments de ta vie ? » ouvrait sur un dispositif qui ne faisait pas partie des représentations sociales de l’enquête sociologique partagées par ces personnes. Une fois l’étonnement dépassé, les participant·e·s ont réagi de différentes manières : parmi les 11 personnes, cinq ont immédiatement donné leur accord, montrant un grand enthousiasme à se prêter à l’exercice tandis que les six autres participant·e·s ont refusé de procéder à cette partie du protocole.
Alors que, dans la consigne, nous n’avions pas délimité le type de photographies que les participant·e·s devaient rassembler, systématiquement, les photographies que ces dernier·ère·s envisageaient pour répondre à la consigne étaient les photographies de famille qu’il·elle·s ou leurs proches avaient en leur possession. La formulation de la consigne a donc généré une interprétation univoque et nous a immédiatement fait plonger dans les pratiques de la photographie de famille. Comment fait-on des photos dans les familles ? Comment est-ce qu’on les trie, les conserve, les regarde et les transmet ? Ce dispositif méthodologique, qui a renvoyé les participant·e·s sur la pratique et les usages de la photo dans leur propre famille, a mis au jour des éléments relatifs aux dynamiques de la vie familiale de chacun, dont le dévoilement viendra nourrir in fine l’analyse des parcours de vie, et ce, qu’il·elle·s aient ou non ensuite participé à cette phase du protocole.
Dans plus de la moitié des cas, la réalisation de la consigne de rassembler une vingtaine de photographies de soi à différents moments de la vie n’a pas pu aboutir. En suivant le principe méthodologique selon lequel chaque refus rencontré sur un terrain ethnographique est une production heuristique majeure, il convient donc également d’analyser et interpréter ces refus car ils nous renseignent, sur les parcours de vie et les positionnements identitaires des participant·e·s. De plus, ces refus précisent, en creux, la valeur des médiums photographiques qui ont pu être réalisés avec la population d’enquête. Les motifs évoqués par les desparticipant·e·s pour ne pas construire le corpus de photographies tel que proposé par les chercheur·euse·s peuvent être regroupés en deux points.
Premièrement, certain·e·s participant·e·s nous ont indiqué que ce protocole impliquerait pour eux·elles un investissement en temps et en énergie qu’il·elle·s n’étaient pas en mesure de faire au regard de leur état de santé et de l’organisation de leur quotidien. Les participant·e·s qui ont invoqué ce motif de refus sont ceux·celles qui ont la plus grande autonomie fonctionnelle, qui vivent dans leur propre appartement et qui revendiquent une identité sociale de « personne autonome ». Il semble que le quotidien de ces personnes, se déplaçant en fauteuil électrique et qui vivent en appartement indépendant, ne laisse que très peu, voire aucun espace pour d’autres activités que celles qui sont routinières ou prévues longtemps à l’avance. Ce sont d’ailleurs ces mêmes personnes qui déjà avaient été les plus hésitantes quelques mois auparavant, à s’engager à participer à la recherche. Ainsi, on découvre que les configurations de la vie « autonome » de ces participant·e·s ne créent pas les conditions de possibilité d’une vie sociale contenant des imprévus, de l’inattendu, ou des changements non anticipés de leur emploi du temps.
En outre, nous avons pu constater que certain·e·s participant·e·s n’avaient pas accès ou un accès très limité à des photographies les représentant : « aller rechercher des photos chez mes parents, c’est compliqué, je n’y vais plus trop souvent en plus c’est loin » (Martina, 37 ans au moment de l’enquête). Les participant·e·s ne cohabitant pas avec leurs parents et vivant dans une autre commune nous ont expliqué les difficultés qu’il·elle·s auraient à se procurer ces photos d’eux·elles-mêmes. Aucun·e d’entre eux·elles n’était en possession d’un album de photos à son domicile. Les photographies de famille ne leur avaient pas été transmises lorsqu’ils ont quitté le domicile familial, y compris dans le cas particulier d’un participant dont les deux parents et l’unique sœur sont décédé·e·s. Ce participant, désormais sans famille (d’origine), n’était en possession d’aucune photographie de sa famille ni de lui-même jeune. Pourtant, comme l’explique Irène Jonas, la transmission d’une génération à la suivante des photos de famille participe également de la transmission de l’histoire familiale (Jonas, 2009). Une première sélection des photos de famille est classiquement transmise lors de la mise en ménage des enfants. Les parents transmettent alors une partie des photos (parfois les albums spécifiquement consacrés à cet enfant, d’autres fois des photos éparses) à l’enfant qui s’apprête à fonder sa propre famille. Le reste des photos est généralement transmis lorsqu’un des deux parents décède ou lors du décès du deuxième parent. Au regard de l’histoire de la pratique de la photographie4, cette situation n’est pas anodine car, d’abord signe de pauvreté, l’absence de photos de famille devient « carence humiliante, voire suspecte » (Jonas, 2009, p. 63). Ainsi, au regard des usages identitaires, individuels et collectifs des photographies de famille, cette situation de non accès aux photographies de famille nous renseigne, en creux, sur certaines dynamiques familiales lorsqu’un un enfant est handicapé et sur les positionnements de ces participant·e·s par rapport aux pratiques de transmission de la mémoire familiale au sein de leur famille.
Deuxièmement, pour certain·e·s participant·e·s montrer et partager avec nous, des photos d’eux·elles étant jeunes était dérangeant, voire inconcevable à leurs yeux. Ainsi, ces participant·e·s, qui incarnent un modèle d’intégration réussie de la « personne handicapée autonome », ont été les plus résistant·e·s à nous laisser entrer dans l’histoire intime de leur vie. Nous pouvons ici faire l’hypothèse selon laquelle rassembler un corpus de photographies tel que demandé et ensuite commenter ces photographies a pu être interprété par les participant·e·s comme une procédure pouvant mener au dévoilement de facettes intimes de leur vie, de l’envers du décor, des contraintes, des limitations, du coût à payer pour être « autonome ». Après discussion avec eux·elles à ce sujet, il apparaît que les manières dont ils-elles sont représenté·e·s sur ces photographies anciennes entrent en conflit avec la manière dont ils·elles voulaient se présenter au monde au moment de l’enquête5. Nous avons pu, ensuite, discuter longuement et regarder ensemble des photographies d’eux·elles-mêmes qu’ils·elles publiaient, au moment même de l’enquête, sur leurs réseaux sociaux. Ces photographies les représentaient le plus souvent soit sans aucune trace (ou presque) visible de leurs in/capacités physiques et technologies d’assistance, soit dans des mises en scène en tant que champion·ne·s de powerchair hockey. Ces photographies et les commentaires qu’ont fait les participant·e·s sur ces photographies actuelles d’eux·elles-mêmes nous ont donc renseigné sur l’image publique qu’il·elle·s veulent donner à voir et, en creux, sur les facettes plus intimes qu’ils·elles préfèrent rendre invisibles.
Parmi les cinq participant·e·s qui ont réuni le corpus de photographies demandé, deux ont repris des photographies d’un regroupement de photos déjà réalisé pour une autre occasion tandis que trois participant·e·s ont constitué ce corpus photographique spécialement pour le protocole de recherche.
Pour les deux participant·e·s qui ont repris (partiellement ou totalement), un corpus photographique déjà construit pour une autre occasion, l’information sur les conditions initiales d’élaboration de ces corpus est riche d’enseignements, au sujet des parcours de vie de ces personnes. En effet, tou·te·s les deux ont entrepris ces regroupements de photographies à l’occasion de « rites de passage » qui marquent l’entrée dans une nouvelle phase du parcours de vie. Pour Anja (32 ans au moment de l’enquête), il s’agit d’un événement précis : la célébration de son 30e anniversaire à l’occasion duquel elle a organisé une projection de ce que l’on propose d’appeler un « récit de vie photographique » à ses invité·e·s afin de se remémorer les « étapes importantes de [sa] vie », mises en photo par ses parents. Dans ce cas, le médium photographique est une modalité visuelle organisée d’expression du récit de vie, qui en reconstituant une chronologie du parcours de vie, constitue un « récit de vie photographique ». Marc (38 ans au moment de l’enquête), a quant à lui aussi commencé un regroupement de photographies à l’âge de 30 ans, mais à une période où « ça allait mal et qu'[il] pensai[t] mourir ». Il l’a construit progressivement, sur une longue période longue, également sous la forme d’un « récit de vie photographique6 ».
Légende des images 1 à 23
Récit de vie photographique complet réalisé par Marc de 2011 à 2017. Le projet de réalisation de ce récit de vie photographique a été initié par les éducateur·trice·s spécialisé·e·s, en collaboration avec la psychologue de l’institution spécialisée au sein de laquelle Marc vit afin de « l’aider à entreprendre un bilan de sa vie et accepter sa mort » (Henris, éducateur spécialisé). La réalisation (inachevée) de ce récit de vie photographique de 23 clichés qui se termine par une photo de Marc, immobile sur son lit et harnaché d’un appareil respiratoire, dure depuis sept ans
Dans les deux cas, ces récits de vie photographiques ont été construits soit lors d’une « bifurcation » (pour Marc) ou alors lors d’une « transition institutionnalisée » (pour Anja) du parcours de vie (Bessin, Bidart et Grossetti, 2010). Selon Marc Bessin, Claire Bidart et Michel Grossetti, il s’agit de « moments critiques » décisifs des modifications de la perception du monde. Dans ce cadre, le visionnage des photographies de famille, ainsi que la sélection de certaines photos par la personne, pour construire un « résumé » de sa vie participe de ce processus de changement.
De manière bien différente, lorsque les corpus de photographies ont été construits par les participant·e·s au cours de la semaine d’immersion et, donc, en présence du chercheur, cette étape du protocole a également été une opportunité de mettre au jour de nouveaux aspects du parcours de vie des participant·e·s. Notre présence, in situ lors de ce processus a permis d’accéder à de nombreuses informations sur le parcours de vie du·de la participant·e. Deux aspects de cette étape du protocole d’enquête ont été particulièrement heuristiques.
D’une part, suite à notre consigne, les participant·e·s et les membres de leurs familles se sont attelé·e·s au rassemblement d’un corpus de photos beaucoup plus important que la vingtaine de photos finalement sélectionnées. Nous avons donc été plongé·e·s au cœur des photos de famille du·de la participant·e. Nous avons passé de nombreuses heures à visionner ces photographies avec les participant·e·s qui les ont expliquées. Les autres personnes présentes n’ont pas manqué d’apporter leurs commentaires, de compléter, préciser ou contredire les explications données par les participant·e·s au sujet des photos présentées. Ainsi, nous avons pu assister à un moment du processus de construction et de transmission de la mémoire familiale en temps réel. En effet, selon Hélène Belleau, la photographie de famille participe de la construction de l’identité et de la mémoire familiale : « La famille élabore son histoire collective et celle de chacun de ses membres à partir d’une culture qui lui est propre » (Belleau, 1997, p. 106). Selon Gilles de Rapper, qui se réfère aux travaux d’Anne Muxel, la photographie s’inscrit dans les fonctions de la mémoire familiale : la fonction de transmission du récit de l’histoire familiale et la fonction de reviviscence des vécus personnels et collectifs (de Rapper, 1996, p. 15). Cette étape de la recherche a ainsi permis de mettre au jour des dynamiques relationnelles familiales nous permettant de réunir de nombreuses informations sur les fonctionnements internes des familles et les positionnements de chacun·e des membres ainsi que les relations de pouvoir qui les habitent.
À cette étape, un des élément clé a été d’identifier les critères à partir desquels les participant·e·s sélectionnaient les photos à retenir pour constituer le corpus pour l’entretien par photo-elicitation, parmi l’ensemble des photos sorties de leurs boîtes et albums. Face au dispositif et à notre consigne, il·elle·s ont retenu des photographies sur lesquelles il·elle·s pensaient pouvoir nous parler de sujets qui pourraient, de leur point de vue, nous intéresser. L’identification des récurrences de certaines catégories de photographie renseigne alors aussi sur la représentation que les participant·e·s se font de ce qui est important et légitime à dire au chercheur dans le cadre de cette enquête.
Si dans l’étude de Christian Papinot, les « choix photographiques » du chercheur ont parfois désarçonné les interviewé·e·s, c’est parce que l’utilisation qu’il a fait de la photographie différait de l’usage habituel de la photographie dans le contexte local (Papinot, 2007). Dans le cadre de notre enquête, le visionnage des corpus de photos sélectionnées par les participant·e·s a été une expérience émotionnelle forte. En effet, ces séries de photographies, une fois ordonnées au travers du temps d’une vie, deviennent des « récits de vie photographiques », qui nous ont touché, notamment par la présence de photographies présentant les participant·e·s à l’hôpital ou encore par l’évolution visible des atteintes du corps biologique au cours du temps pour certains·e·s participant·e·s. La photo la plus récente de chaque « récit de vie photographique », celle qui le conclut, a particulièrement retenu notre attention et suscité notre curiosité. Les chercheur·euse·s, à cette étape, ont été tenté·e·s d’analyser plus avant ces « récits de vie photographiques », en tant qu’« images-objets » (Terrenoire, 1985). Cette option nous aurait toutefois détourné de l’usage des photographies tel que pensé dans le cadre de l’entretien par photo-elicitation, qui est d’être un support au discours des participant·e·s.
Si nous avons eu ces réactions, c’est que, à certains égards, les corpus de photos sélectionnées sortaient des normes de la photographie de famille de par les thèmes qu’ils contenaient et les façons dont les participant·e·s y étaient représenté·e·s. Certes, lors des premiers entretiens de type « récit de vie », nous avons pu confirmer que les parcours de vie des participant·e·s sont souvent très différents des parcours de vie normatifs, les singularités de leurs parcours de vie étant en partie interreliées à leur « trajectoire de la maladie » (Strauss, 1975). Or, les codes de la photographie de famille favorisent la mise en récit par l’image de parcours de vie très normatifs, sur le mode de la réussite et répondant à des normes capacitistes. En effet, selon Irène Jonas, « l’album de photo de famille pérennise les personnages et les événements de la vie familiale qui “méritent” d’être conservés et transmis » (Jonas, 2007, p. 1). Chaque famille, en constituant ses albums, veut construire l’image qu’elle souhaite (se) donner d’elle-même : une image de famille réussie, selon les normes en vigueur. Ainsi, seules certaines photos y figurent, généralement les photos qui représentent les moments heureux et les réussites. On n’y représente que très rarement les moments douloureux, la tristesse, la maladie, les échecs ou encore la mort. On ne garde que les photos réussies, selon des critères relatifs aux codes photographiques, aux normes culturelles mais aussi aux regards subjectifs et individuels des membres de la familles (Jonas, 2009). Selon Richard Chalfen, les photographies de famille ponctuent les phases de la vie (Chalfen, 1987). Durant la prime enfance, on retrouve beaucoup de photos des « premières fois » : comme par exemple les premiers pas, le premier anniversaire, le premier Noël. Lorsque l’enfant grandit les photographies représentent les étapes du développement de l’enfant. Ce peut être l’acquisition de nouvelles capacités (les débuts à vélo), mais aussi des cérémonies ou étapes symboliques qui ponctuent le parcours de vie : baptême, première communion, entrée à l’école, entrée à l’université, qui consistent en des « transitions institutionnalisées ». L’enfant est presque toujours représenté sous son meilleur jour, bref en « normocapacité ». On montre ce qu’il sait faire, les étapes de sa construction et la bonne conformité avec le parcours de vie socialement attendu.
Ainsi, une réflexivité à l’égard de notre réception des corpus d’images et en particulier des récits de vie photographiques qu’ils deviennent ensuite, doit être menée. En effet, les parcours de vie ici étudiés affectent et interrogent les chercheur·euse·s dans leurs rapports à la maladie, à la souffrance et à la mort ; et la découverte des « récits de vie photographiques » exacerbent les affects qui y sont associés. Ainsi, cette expérience des corpus photographiques rappelle l’importance de l’élucidation de nos rapports affectifs au terrain et à nos objets de recherche, pour mieux les prendre en compte lors de la production des analyses et interprétations.
Suite à la constitution des corpus photographiques, les entretiens par photo-elicitation ont été organisés dans la configuration suivante : l’entretien devait avoir lieu, dans la mesure du possible, sur les lieux de vie des participant·e·s, dans une pièce possédant une table suffisamment grande pour pouvoir y déposer les 20 photographies.
Image 24 - Participant en situation d’entretien face à son récit de vie photographique, Suisse, 2017.
© L. Paccaud
Légende
Lors de l’entretien, l’ensemble des photos, préalablement imprimées sur papier et classées selon un ordre chronologique, étaient placées sur une table autour de laquelle le·a participant·e et le chercheur se trouvaient. Nous ne voulions pas imposer aux participant·e·s de commencer par la photographie les représentant au plus jeune âge afin de les laisser libres de faire des associations entre différentes photos. Néanmoins, par souci de lisibilité et pour les encourager à entrer dans un récit de type « récit de vie » nous avons disposé les photographies dans un ordre chronologique, formant ainsi des « récits de vie photographiques ».
Les entretiens à partir des récits de vie photographique ont duré entre 1 h 35 et 3 h 55. Lors des cinq entretiens le·a participant·e a donc pu construire un discours prolongé. Les participant·e·s ont réagi à notre consigne d’entretien de manières différentes. D’une part, trois d’entre eux (les trois hommes, tous francophones) ont commencé par discuter de la photo qui les représente au plus jeune âge et ont ensuite suivi la chronologie du parcours de vie. Ces trois participants ont, à chaque fois, décrit la photographie et reconstruit très précisément la scène de vie représentée à partir des souvenirs qu’elle leur évoquait. Après avoir décrit la situation précise représentée sur la photographie, ils ont poursuivi leur discours en digressant à propos des personnes figurant avec eux sur les photographies. Au fil des photographies, les enquêtés ont fait des liens avec les photographies précédemment commentées (mais pas avec les suivantes), soulignant les éléments de continuité et les éléments de rupture entre deux moments représentés de leur parcours de vie. Les discours sur les ruptures et les continuités se focalisaient sur les thématiques des relations avec les proches, sur leurs in/capacités physiques et sur les usages qu’ils ont fait des aides technologiques.
Légende des images 20 et 22
J’aime bien ces deux photos, on voit bien la différence entre les chaises. À gauche [photo 20], on jouait encore avec les chaises de ville, et puis à droite [photo 22] avec les chaises de sport. Ça change tout avec la chaise de sport, c’est vraiment sympa. On va plus vite, vraiment, et puis aussi ça pivote sur place. C’est vraiment cool de rouler avec. Déraper, aller à fond, accélérer, freiner. Ça ouvre des possibilités. Et puis aussi, le vent sur le visage, la vitesse. Oui, les émotions, c’est fort. On fonce avec, à plein gaz. Ça fait peur aux éduc[ateurs]. Mais bon, finalement, on se touche presque mais pas vraiment, à quelques millimètres. » (Marc)
D’autre part, deux participantes (qui sont les deux femmes et sont germanophones) n’ont pas suivi cet ordre et ont préféré faire des liens et associations entre différentes photos, en dépit de la chronologie temporelle. Toutes deux avaient retenu des « séries de photos » dans leurs corpus, autour de dimensions distinctes de leur parcours de vie (par exemple, pour Anja : le sport, les animaux, la famille, les ami·e·s). Lors de l’entretien, elles ont développé un discours à partir de séries de photos. Dans le cas d’Anja, cette dernière a, à certains moments de l’entretien, refusé de commenter longuement certaines séries de photographies. Pour cette participante, le travail de mise en récit de sa vie par les images a été le fruit d’une longue réflexion et selon elle, le récit photographique produit se suffisait à lui-même. Par contre, elle a développé un long discours sur les dimensions de sa vie qu’elle n’avait pas pu mettre en scène dans son récit de vie photographie (l’école et le travail) car elle n’était pas en possession de photos la représentant dans ces deux sphères de vie. Pour Anja, le récit par le médium photographique remplace en quelque sorte le récit oral.
L’expérimentation a souligné la forte valence émotionnelle de ce type d’entretien par photo-elicitation. En effet, lors de tous les entretiens sauf celui de Monika (la plus jeune, âgée de 17 ans au moment de l’enquête) l’enquêté·e, à certains moments, a été « pris·e » par des émotions intenses.
Image 23 - Autoportrait sur son lit, institution spécialisée, Suisse, 2017.
© Marc, par les mains d’un éducateur
Légende
« La dernière, là, je l’ai choisie parce que j’ai l’air apaisé, en paix, tu vois, sur le lit avec titi le chat. Je suis en paix maintenant, au clair. Alors bon, je pensais pas survire aussi longtemps… Du coup, je me préparais. Mais le hockey, cela m’a redonné un coup de boost, du coup, bientôt 40 ans, c’est un exploit pour un Duchenne [en référence à la myopathie de Duchenne, la maladie dont il est porteur], je suis un survivant. [Marc très ému, observe une pause, puis se met à pleurer. Après quelques instants, il reprend entre deux sanglots]. C’est dur et beau en même temps. C’est chargé. Tu vois, la vie, la mort… On peut faire une pause ? » (Marc)
Ce sont les commentaires sur certains types de photographies qui ont amené ces émotions fortes (larmes, tristesse, nostalgie, joie) : les photos sur lesquelles il·elle·s étaient représenté·e·s en présence d’un proche (conjoint) désormais décédé, les photographies les représentant lors de séjours à l’hôpital et également les photographies les représentant lors de la réalisation de ce qu’il·elle·s considèrent comme un exploit au regard de leurs in/capacités physiques et des situations de handicap vécues.
De façon concomitante et positive, lors des entretiens, les « récits de vie photographiques » se sont avérés être un médium qui, pour les personnes qui ont voulu/pu les construire, peuvent parfois remplacer, mais aussi soutenir et faciliter la parole. Ainsi, l’entretien par photo-elicitation peut être un dispositif efficace pour réduire ou éviter certaines situations de handicap générées par un cadre d’entretien en face-à-face sans autre support. En particulier, le dispositif que nous avons mis en place présente un fort potentiel de facilitation pour réaliser des entretiens avec des personnes qui ont des profils cognitifs singuliers, des difficultés de langage et qui ne sont pas habitué·e·s à s’exprimer longuement oralement, ni à faire des récits sur eux·elles-mêmes. L’entretien par photo-elicitation, à partir d’un « récit de vie photographique » construit par le·a participant·e a permis de réunir des données discursives riches plus contextualisées que la première série d’entretien « classiques » que nous avions réalisés.
Image 4 - Match de football après l’école, Marc, ses camarades de classes et les enseignant·es spécialisé·es, école spécialisée, Suisse, 1994.
© C. Guillaume
Légende
Exemple de « force vocative » et de la « force évocative » des photos. « Et puis, là, ma passion du foot. Parce que… pas le foot-fauteuil. Mais j’avais oublié de te dire, à la [nom de l’école spécialisée] je jouais très souvent au foot. Mais oui, là je me souviens bien. Ouais, j’avais des roues, exprès, qui ne touchaient pas le sol et que j’utilisais pour pousser le ballon avec. Là, je fais le gardien. Et j’arrêtais souvent de shoots. J’étais souvent au gardien. Ouais, à [nom de l’école spécialisée], on faisait toutes les pauses, tout le temps… Et des fois, je ne voulais pas me brosser les dents parce que je préférais aller jouer avec les autres. […] Et puis avec des adultes. Ils avaient joué avec nous. On avait fait une équipe mixte, tu vois, avec les valides. On les avait battus. Tu vois, en 2001, on a arrêté. On avait même des maillots de [nom de l’école spécialisée]. Le directeur avait acheté des maillots. On s’entraînait pendant les pauses. Les pauses et surtout après la pause de une heure. » (Marc)
Ainsi, les discours des participant·e·s ont porté sur des expériences de vie plus précises, que les enquêtés se sont remémorées à partir des images. Les discours étaient moins génériques et moins abstraits que lors du premier entretien classique. De ce fait, la dimension corporelle du parcours de vie des participant·e·s, que nous voulions approfondir par la mise en place de ce dispositif d’entretien, a été effectivement éclairée de manière nouvelle par les riches commentaires, récit d’anecdotes et digressions que les personnes ont pu faire faire en « lisant » pour l’enquêteur·trice les photographies qu’elles avaient regroupées. Ainsi, notre expérience de l’entretien par photo-elicitation confirme les propos de Michael Meyer ; les images de par leur « force vocative » leur « force évocative » ont permis de récolter certaines informations que l’entretien sans support visuel n’avait pas permis de faire.
Les discours produits par les participant·e·s à travers l’entretien par photo-elicitation portent principalement sur les dimensions personnelles et intimes (par opposition aux dimensions collectives et institutionnelles) de leurs parcours de vie. À travers ces commentaires d’images, les participant·e·s ont beaucoup parlé de leurs liens psychoaffectifs, des relations entretenues avec ceux et celles qui les ont soutenus au cours de leur vie. Ainsi, leurs discours ont porté sur des dimensions de leurs parcours de vie et sur des sphères de vie différentes de celles abordées lors du premier entretien. À l’exception de Marc, il·elle·s n’ont que très peu parlé de leurs carrières sportives dans cet entretien par photo-elicitation, alors même que nous leur avions présenté, en début de recherche, cet axe thématique comme central à notre recherche. Ce constat peut être compris comme la conséquence des consignes données pour la constitution du corpus photographique, puis pour l’entretien par photo-elicitation, consignes larges et qui n’évoquaient pas le sport. Les participant·e·s ont pu les interpréter comme une demande de discours sur autre chose que la carrière sportive, dont il·elle·s nous avaient déjà parlé longuement dans les phases précédentes du protocole. Contrairement à Marc, les autres n’ont d’ailleurs pas réuni beaucoup de photos les représentant en train de faire du sport. On peut également faire l’hypothèse que le plus grand développement des discours sur les dimensions personnelles et intimes de leur vie tient au fait qu’au moment de cet entretien, notre relation de confiance avec les participant·e·s était plus solide que lors du premier entretien. Mais au-delà de ces éléments renvoyant à la conduite de l’enquête, nous pouvons aussi penser que la qualité des discours produits est liée à la matérialité des « récits de vie photographiques » construits. En effet, les participant·e·s ont puisé les photos qui composent leur récit de vie photographique principalement dans les fonds photographiques familiaux. Or, selon Pierre Bourdieu, Luc Boltanski, Robert Castel, et Jean-Claude Chamboredon, la famille et les pratiques photographiques entretiennent des liens étroits, faisant de la photographie de famille un « rite du culte domestique dans lequel la famille est à la fois sujet et objet » (Bourdieu et al., 1965, p. 51). Cette piste confirmerait les positions de Marisol Clark-Ibáñez, qui défend l’idée que les entretiens menés à partir de photographies (en particulier lorsque ce sont des photos de famille) facilitent l’accès aux dimensions intimes du social (Clark-Ibáñez, 2004).
Le recours en entretien à un support visuel construit, par les personnes elles-mêmes, à partir de photographies de famille apparaît comme un dispositif heuristique pour les recherches sur les parcours de vie et en particulier les recherches qui investiguent les changements et les bifurcations du parcours de vie. Comme nous l’avons décrit au cours des entretiens, les participant·e·s ont exprimé beaucoup d’éléments relatifs aux continuités et aux ruptures dans leurs parcours de vie. Or, selon Richard Chalfen, les photographies de famille ponctuent les phases de la vie et plus particulièrement les moments de transformation du parcours de vie, comme les premières fois (marche, vélo etc.) mais surtout les cérémonies ou étapes symboliques qui ponctuent le parcours de vie : baptême, première communion, l’entrée à l’école, les diplômes, l’entrée à l’université etc. (Chalfen, 1987). Ainsi, le recours aux photos de famille serait particulièrement heuristique pour étudier les « transitions institutionnalisées » (Bessin, Bidart et Grossetti, 2010).
En dernier lieu, on peut dire que ce qui constitue à la fois un apport et une limite de cet outil d’entretien par photo-elicitation tel que nous l’avons expérimenté, c’est-à-dire « hybridé » avec la méthode Photovoice pour la production de « récits de vie photographiques », c’est qu’il produit des données fortement empreintes de la subjectivité familiale.
Image 3 - Marc tirant sa sœur en luge, colline derrière la maison des parents, Suisse, 1986.
© C. Guillaume
Légende
Exemple d’intrication des subjectivités individuelle et familiale dans les récits produits à partir des photographies : « Et puis, ça c’est moi et ma sœur. Elle, elle avait deux-trois ans et moi cinq-six ans. C’est moi qui tire la luge. Oui, j’avais beaucoup de force, encore. Mais on voyait quand même déjà, si tu regardes bien la photo, j’ai un peu de peine à marcher. Je suis sur la pointe de pieds. Ma mère elle aime cette photo, elle m’a toujours dit que c’était la dernière qu’elle a faite avant que les gros problèmes commencent. [rires, ému]. » (Marc)
En effet, contrairement aux entretiens en face-à-face de type « récits de vie » menés précédemment avec les personnes, qui produisent des récits reconstruits à partir du point de vue personnel de la personne enquêtée, l’introduction des photographies de famille (prises et gardées par la famille) nous fait entrer dans le « roman familial » et donc, en quelque sorte, dans un récit familial sur le parcours de vie de la personne enquêtée. S’il est illusoire de vouloir démêler ces deux discours, l’étape d’analyse et d’interprétation doit adopter à ce sujet une vigilance particulière pour les exploiter comme discours remémoratifs intriqués dans la production de savoirs visé.
Cette expérimentation de l’entretien par photo-elicitation « hybridé » avec la méthode participative Photovoice pour la production de « récits de vie photographiques », a été menée pour nourrir une recherche sur les parcours de vie de personnes ayant des atteintes corporelles majeures. Elle a été conçue et développée pour répondre à des contraintes et des défis qui se sont posés dans les tous débuts d’un protocole de recherche doctorale. Elle a permis de produire des données auparavant inexistantes, et qui n’avaient pas été produites par des entretiens de types « récits de vie » classiques.
S’il faut noter que plus de la moitié des participant·e·s n’ont pas pu ou souhaité participer au volet Photovoice proposé, qui consistait à regrouper une vingtaine de photos de soi, à différents moments de sa vie, cette non-participation a produit des connaissances sur les dynamiques familiales dans les familles avec un enfant ayant des in/capacités physiques sévères et le parcours de vie de ce dernier.
Pour tous ceux·celles qui ont pu regrouper le corpus de photographies demandées, celles-ci étaient typiquement des « photos de famille ». Les données produites lors des entretiens menés avec ce support visuel montrent que cette configuration d’entretien a, d’une part, facilité la prise de parole des participant·e·s, tout en créant des moments de fortes émotions et, d’autre part, orienté leur discours sur des dimensions corporelles, personnelles et intimes. En outre, les données produites confirment les analyses de Douglas Harper, montrant que les photographies qui mettent en scène la dimension intime de la famille, des groupes sociaux d’appartenance ainsi que du propre corps des enquêtés sont particulièrement heuristiques dans le cadre des recherches s’inscrivant dans le champ de la sociologie du corps. Ainsi, l’expérimentation de la méthode participative de recherche-action dite Photovoice, associée à l’outil qu’est l’entretien par photo-elicitation, permet-elle d’encourager le développement d’utilisation de corpus variés d’images, à imaginer en fonction des problématiques de recherche.
À l’issue de ce travail, une interrogation subsiste, à propos d’autres usages collaboratifs envisageables des « récits de vie photographiques » constitués à l’occasion de cette recherche. Pourrait-on imaginer qu’ils puissent, mis en scène sous une forme artistique qui reste à penser avec leurs auteurs, devenir, comme le propose Howard Becker, une autre façon de « parler de la société » (Becker, 2009) ?
1 Le powerchair hockey est un sport d’équipe pratiqué en fauteuil électrique dont les principes du jeu sont inspirés du unihockey. Cette pratique sportive a été inventée aux Pays-Bas au début des années 1970 par des enfants atteint·e·s de maladies neuromusculaires et leurs enseignant·e·s, au sein d’écoles spécialisées. En compétition, les deux équipes qui s’affrontent sont chacune composée de cinq joueurs et joueuses qui jouent soit avec une canne de hockey ordinaire, soit avec une canne fixée sur le pare-chocs du fauteuil électrique. Dans ce sport où seules les personnes ayant des in/capacités physiques dites « sévères » sont éligibles, les enfants et les adultes, de même que les femmes et les hommes jouent dans des équipes mixtes. Pour plus d’informations sur cette pratique sportive, se référer à notre article sur l’émergence et le développement de cette pratique sportive (Paccaud, 2017).
2 Citation originale : « […] photos of family or other intimate social groups, images of one’s own body, and photos that connect one’s self to society, culture, or history. »
3 Tous les prénoms des participant·e·s ont été modifiés.
4 Selon Irène Jonas, la photographie de famille connaît une profonde mutation à partir des années 1960, qui se poursuit au tournant des années 1980-1990 (Jonas, 2008). En effet, à partir des années 1960, en lien avec les avancées technologiques et la baisse du prix des appareils photographiques, les photos de famille sont progressivement réalisées par les membres de la famille et non plus par des photographes professionnel·le·s. Il en résulte une augmentation du nombre de photos prises mais aussi une transformation du type de photographies réalisées. Auparavant, la plupart des photographies consistaient soit en des portraits d’adultes, soit en des photographies de groupes, représentant un groupe de personnes (avec les adultes comme sujets centraux) lors d’événements spéciaux ou cérémonies. À partir de 1960, on va chercher à faire des « prises sur le vif », à capturer des situations de vie, des émotions, principalement dans la sphère de vie familiale. Progressivement, mais surtout à partir des années 1980-1990, on observe un glissement de l’attention centrale des photos de famille : de l’adulte et son statut social à l’enfant et son développement. Ceci s’accompagne d’une progressive injonction à faire des photos de famille. Ainsi, la naissance d’un enfant est souvent l’occasion pour un couple de commencer à constituer un album de photos de famille. Si les photos sont réalisées par les pères et les mères, voire les grands parents, ce sont la plupart du temps les mères qui se chargent de réaliser les albums. Gillian Rose décrit la photographie de famille comme une pratique de mères de famille de la classe moyenne blanche en Angleterre (Rose, 2003). Le fait que la famille de certain·e·s participant·e·s n’ait pas réalisé ou conservé de photos de famille les représentant est un signe de leur singularité. De plus, le fait que certaines familles qui en ont ne les aient pas transmises aux participant·e·s lors du décès des parents ou au moment où ils ont quitté le domicile familial renseigne sur la place qu’il·elle·s occupent au sein de la famille et leur (non) rôle dans la transmission de l’histoire familiale.
5 Cette résistance à la présentation de photographies anciennes de soi n’est pas sans nous rappeler les discours de personnes, devenues utilisatrices de fauteuil roulant suite à un accident, que nous avions recueillis lors d’enquêtes antérieures, dans lesquels ils·elles expliquaient avoir jeté ou même brûlé toutes les photos les représentant avant le moment de l’accident et l’irruption de leurs atteintes corporelles (Marcellini, 2005).
6 En tant que chercheur·euse·s novices dans l’usage de photos pour nos recherches, nous n’avions pas suffisamment anticipé les questions du droit de l’image ainsi que du droit à l’image qui s’imposent lorsque l’on désire les publier. Ainsi, au moment de la rédaction de cet article, nous avons tenté de rencontrer les auteur·trice·s des images mobilisées par les participant·e·s à l’enquête ainsi que l’ensemble des personnes qui y sont représentées afin de nous assurer du droit de diffusion. Au regard du type de photos mobilisées par les interviewé·e·s, ce travail s’est révélé compliqué et chronophage. Ainsi, nous ne sommes parvenu·e·s à obtenir les droits de diffusion que pour un seul récit de vie photographique dans son entier. Il s’agit du récit de vie photographique de Marc présenté ici. Par ailleurs, dans le cadre de la photographie de famille, les indications relatives à l’auteur·trice·s des photographies diffusées peuvent rapidement compromettre l’anonymat des participant·e·s à l’enquête, ce qui soulève de nouvelles questions relatives à l’éthique de la recherche. Ces questions ont été longuement discutées avec Marc et les auteur·trices des photographies.
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