Magali Uhl, Professeure titulaire, Université du Québec à Montréal (UQAM), CELAT
Cet article se propose de contribuer à la réflexion sur la pratique de la rephotographie à partir d’un terrain de recherche mené dans la ville de Vancouver au Canada. Ce terrain de recherche se situe géographiquement dans le quartier post-industriel de False Creek Flats qui est aujourd’hui en cours de requalification urbaine et suit un programme majeur de restructuration à l’horizon 2037. J’ai tenté de cerner la dynamique des transformations de cette zone urbaine, par l’intermédiaire de deux sources visuelles – des captations photographiques systématiques in situ et des recherches dans les archives visuelles de Vancouver – afin d’aboutir, par leur composition, à une proposition de rephotographie narrative. Les montages réalisés permettent de construire un contre-récit à celui, officiel, d’une ville sans « histoire ». Ils s’attachent à réintroduire le temps long en renouant avec le passé aquatique de la baie.
Mots-clés : Rephotographie, Espace urbain, Vancouver, Mémoires, Récits
This article proposes to expand current thinking about rephotography and how it might focus on a specific geographic terrain, thereby validating research conducted in Vancouver, Canada. The research site is located in the False Creek Flats post-industrial district, a district currently undergoing urban regeneration while pursuing a major restructuring program (to be completed in 2037). This paper attempts to identify the transformational dynamics that characterise the urban area by drawing primarily on two visual sources: photographs taken in situ and research conducted in Vancouver’s visual archives. After taking composition into account, these sources will play a key role in mounting a proposal that highlights narrative rephotography. The montages produced will then make it feasible to construct a narrative that runs counter to the official version: a city which has no past. The montages endeavor to reintroduce a temporal arc which reconnects with the aquatic past of the bay.
Keywords : Rephotography, Urban space, Vancouver, Memories, Narratives
Cette contribution a pour objectif de présenter les résultats d’une recherche de terrain en sociologie visuelle menée entre 2018 et 2020 dans la ville de Vancouver (CB). Circonscrite sur un territoire géographique précis, le quartier post-industriel de False Creek Flats, aujourd’hui en processus de requalification urbaine, il est au cœur d’un programme de restructuration majeur mené par la ville de Vancouver et la Commission économique de Vancouver. Bras de mer jusqu’à la fin du XIXe siècle, asséché et arasé au début du XXe siècle pour accueillir le transit ferroviaire et devenir un secteur industriel sans grande cohérence dans une cité pourtant en pleine expansion, le quartier de False Creek Flats est en effet aujourd’hui au centre des préoccupations de la ville. Son récent plan d’urbanisation (City of Vancouver, 2017) souhaite en faire, d’ici 2037, la parfaite illustration de sa conception de la ville « verte », « créative », « intelligente », et même « résiliente » dont chaque métropole occidentale s’enorgueillit d’être aujourd’hui le fleuron. Parce que son histoire est recouverte par l’oubli, à l’image du marais qui autrefois baignait les lieux, cette zone est particulièrement intéressante pour étudier les effets de la transformation rapide des environnements urbains à l’heure où les métropoles côtières sont rattrapées par l’urgence climatique (Dyson et Yocom, 2015). Les villes en front de mer comme Rotterdam, New York ou encore Jakarta rencontrent, en effet, les mêmes questionnements (Aerts, Botzenet, et al., 2014).
L’article croise différentes disciplines et domaine de recherche, mais il s’inscrit plus spécifiquement en études visuelles. Il invite à une visite pluri-temporelle d’un quartier avec les dimensions urbanistiques, historiques, mémorielles et, pour finir, écologiques qui le composent. Suivre cet itinéraire, c’est emprunter la logique du marcheur décrite par de Certeau avec son caractère erratique (1992, p. 97), mais à la pulsation des pas se superpose le rythme des images renvoyant aux couches de temporalités qui s’agencent, en dernière analyse, dans les montages re-photographiques finaux.
Je montrerai, dans cette contribution, comment un cas spécifique – ici la transformation d’un quartier post-industriel – excède la simple illustration d’un discours général et ambiant sur la ville. De quelle manière, en effet, la proposition singulière de rephotographie narrative présentée, peut-elle déplacer et enrichir la façon dont on conçoit la requalification urbaine et l’effacement mémoriel qui souvent l’accompagne ? Je tenterai en définitive de contribuer à la réflexion sur la pratique de la rephotographie en contexte urbain en insistant sur son potentiel de refiguration (Uhl, 2015) par les survivances (Warburg, 2010) qu’elle peut raviver. Ainsi, en remontant le fil de l’histoire de Vancouver, je montrerai comment des imaginaires distincts se sont partagés ses rives ; en exposant la vision urbanistique de la ville sur l’avenir du quartier de False Creek Flats et en décrivant, zone par zone, les nouvelles attributions et vocations qui y sont assignées, j’en préciserai les enjeux actuels ; enfin, après avoir présenté le dispositif méthodologique visuel déployé in situ, je formulerai, dans l’essai rephotographique final, l’un des probables devenirs de False Creek Flats sous la forme d’une uchronie : sa paradoxale submersion par un retour de l’eau.
Il est coutume de voir Vancouver comme une ville « sans histoire », regardant l’avenir et embrassant ses prospères avenues. Comme le montre l’historien Nicolas Kenny (2016), cette vision, portée par le consumérisme économique, questionne aussi bien la place de l’espace public que de l’espace domestique dans des villes envahies par les capitaux privés (Blomley, 2004). Forgée par des générations d’investisseurs privés, de promoteurs immobiliers et par l’industrie florissante du tourisme, cet imaginaire d’une cité idéale est relayé par les responsables municipaux et provinciaux et est devenu une marque de fabrique. Or, ce produit de luxe désirable et envié ne s’embarrasse pas de ce qui lui ferait ombrage, autrement dit des populations fragilisées et défavorisées qui pourtant habitent les mêmes quartiers, traversent les mêmes places, et admirent tout autant les sommets des Rocheuses se reflétant sur les tours de verre encadrant le Pacifique. Ouvrièr.e.s, populations autochtones, immigrant.e.s, consommateur.trice.s de drogues de synthèse, prostitué.e.s et personnes ayant des problèmes de santé mentale sont de cette cité, pour certain.e.s depuis quelques décennies pour d’autres depuis des millénaires (Roe, 2009). Les travailleur.se.s en situation de précarité, les personnes dans une pauvreté extrême et les réfugié.e.s politiques composent ainsi la trame sociale et urbaine de Vancouver, aussi bien que la jeune élite entrepreneuriale travaillant dans les arts et la technologie et performant la « rave culture » (Hutton, 2004). La fragmentation de l’espace urbain et les changements sociaux, culturels et économiques afférents participent nécessairement de sa reconstitution identitaire.
Vancouver n’est pas donc pas une ville sans histoire, mais une ville frappée d’amnésie qui vit délibérément dans un « brutal déni du passé » (Kenny, 2016, p. 178). Si son histoire a pourtant bien été écrite à l’aune de la colonisation et de la dépossession des territoires, nombre de commentateur.trice.s et écrivain.e.s relayent, encore aujourd’hui, l’image d’une cité parfaite combinant nature indomptée et paysages sublimes. De l’idyllique « City of Glass » de Douglas Coupland (2009) à la « Dream City », « avec si peu d’histoire » de Lance Berelowitz (2005), peu de place est donnée à ce qui sort du récit fantasmatique d’une ville soi-disant écrite, il y a deux siècles, sur une page vierge.
Dans le récit de cette ville rêvée, nulle référence n’est faite au quartier de False Creek Flats stratégiquement situé, mais peu pourvu d’attraits paysagers ou architecturaux. Articles scientifiques, ouvrages littéraires, représentations photographiques ou picturales, les traces pour en reconstituer l’histoire sont rares. Quelques jalons peuvent toutefois être posés grâce à son passé ferroviaire qui demeure documenté dans les archives. Ses antécédents aquatiques restent, quant à eux, en grande partie invisible, mis à part quelques clichés centenaires retrouvés çà et là. Une recherche dans les archives visuelles et cartographiques2 complétée par des articles de presse et des blogs locaux ciblés3, permettra toutefois d’attester de l’existence d’un marais recouvrant bien la quasi intégralité de la zone actuelle de False Creek Flats, ici à l’étude.
À l’image de Vancouver qui ne s’est pas construite ex nihilo en deux siècles ; à l’instar de Stanley Park qui n’est pas subitement passé de nature sauvage à parc urbain, mais est le fruit de l’activité humaine qui y modela, siècle après siècle, le paysage (Kheraj, 2013), le quartier de False Creek Flats a une histoire bien plus complexe que celle du passé industriel et ferroviaire auquel on le réduit volontiers. Sédimenté de différentes couches d’immigration, dont celle des ouvrièr.e.s et travailleur.se.s immigrant.e.s qui construisirent à la fin du XIXe siècle le chemin de fer reliant la côte est à la côte ouest du Canada, il est originairement le territoire traditionnel non cédé des Squamish, Musqueam and Tsleil-Waututh, trois premières nations appartenant aux Salishs de la côte qui y vivaient depuis plus de 8 000 ans avant la colonisation (City of Vancouver, 2014).
False creek Flats – ou « Skwahchays » signifiant « le fond du trou », pour utiliser le nom donné par les communautés autochtones – résulte en effet d’une longue histoire de colonisation (Macdonald 1992, p. 11). Il fut longtemps désigné par les colons britanniques comme une zone nuisible, une vasière inutilisable, « un marais infesté de moustique » (Derek, 2005, p. 101). Il représentait pourtant un milieu de vie pour ses habitants. Avant même la pose du dernier crampon du Canadian Pacific Railways (CPR) le 7 novembre 1885, symbole d’un Canada unifié d’Est en Ouest (Lavoie, 2004) ; avant même que le premier convoi transcontinental n’atteigne Vancouver le 23 mai 1887 ; avant même le remblaiement du marais pour créer un nouveau réseau ferré permettant d’accroître le transit ferroviaire, en 1915 ; avant même, enfin, qu’en 1916 ne soit totalement comblée l’étendue d’eau pour y faire passer la route reliant New Westminster à Vancouver favorisant ainsi la colonisation de peuplement et, par le fait même, la création de réserves autochtones en périphérie de la ville (MacDonald, 1992, p. 14), le bras de mer qui prolongeait la baie de False Creek4 était un riche milieu aquatique dont les eaux peu profondes étaient peuplées de moules, palourdes, crabes, saumons, esturgeons qui nourrissaient les personnes qui y vivaient, mais aussi les oiseaux migrateurs et les nombreux mammifères de la vallée du Fraser : ours, loups, loutres, phoques, etc. (Bollwitt, 2013 ; site web de False Creek Watershed Society). Vasière inutilisable pour les un.e.s, il représentait pour les autres un riche écosystème et un levier économique et social. Les Salishs de la côte y trouvaient effectivement toutes les ressources nécessaires à leur mode de vie : locomotion, habits, bijoux et œuvres d’art, éléments centraux des cultures Salishs (Carlson et Albert, 2001).
Ainsi à partir du début du XXe siècle, le déplacement des populations autochtones vivant sur le pourtour de ces criques poissonneuses, mais mal-aimées – on surnommait alors les lieux « la vasière » (Derek, 2005, p. 100) –, puis l’assèchement du marais et son remblaiement, vont permettre à la gare ferroviaire du Canadian Northern Pacific Station de voir le jour en 1915, suivi par la station de Great Northern Station en 1917 (Macdonald, 1992, p. 35 ; Derek, 2005, p. 101) ce qui marquera le début de l’industrialisation de False Creek Flats et la fin de son histoire comme milieu de vie ancestral5.
Alors qu’il est situé au cœur de la cité, à moins de 800 mètres du centre-ville, False Creek Flats est resté isolé du reste de la ville par sa configuration spécifique. En effet, entourée d’axes routiers et coupée en son milieu par des rails, cette zone ferroviaire et industrielle sera tout au long du XXe siècle marquée par son caractère d’îlot, au sein d’une ville alors en pleine expansion commerciale, immobilière et touristique, dont le développement post-industriel trouvera son apogée dans les années 1977-1985 pour devenir, la décennie suivante, une reproduction des valeurs et des visions du postmodernisme (Hutton, 2004, p. 60-62). Les changements spatiaux, physiques, sociaux, culturels et économiques s’accélérant, le désaveu de la production industrielle et l’orientation nouvelle vers une économie culturelle et technologique, favorisera cette transition d’un des derniers bastions de l’industrie fordiste, marqué par des modes de production et de consommation plus adaptés à l’époque. Accompagnant ce mouvement de désindustralisation, les années 1990 verront s’accroître les phénomènes de polarisation sociale et de gentrification lesquels deviendront un enjeu crucial de l’urbanisme à Vancouver (Blomley, 2004 ; Hutton, 2004 ; Burnett 2013) comme ailleurs (Hamnett, 1991 ; Harvey 2012).
Dans ce contexte du tournant post-industriel, les ambitions internationales de Vancouver seront couronnées par l’accueil de l’exposition universelle de 1986 et des Jeux Olympiques d’hiver de 2010 qui orienteront, de nombreuses années durant, ses plans de développement urbains (Punter, 2003), notamment autour de la baie de False Creek qui sera totalement reconçue autour du village Olympique. Le développement urbain présentera alors tous les signes d’une transformation urbaine en marche6.
Le coût des logements augmentant drastiquement dans la baie de False Creek, les anciens résidents seront, à leur tour, repoussés en périphérie pour laisser place à une jeune élite professionnelle, culturelle et entrepreneuriale. Pour les loger, la création de méga-complexes de condominiums, comme ceux promus, pour le village Olympique par Bob Rennie, agent de marketing immobilier et controversé collectionneur d’art, viendront au secours des nouveaux arrivants (Macdonald, 2007).
La cohabitation d’un style de vie « West Coast » et d’un mode d’habiter a donné naissance au « Vancouverism » (Francis, 2009). En effet, par son plan urbanistique innovant, favorisant le développement de technologies vertes, tout en répondant à la croissance démographique, les mérites de ce système de limitation de l’étalement urbain et de protection des espaces verts n’en finissent pas d’être loués (Beasley, 2019), mais sont aussi critiqués (Condon, 2019) par les artisans du concept eux-mêmes qui reviennent sur ses promesses, notamment en termes d’inclusion sociale. Il n’en demeure pas moins une image de Vancouver qui n’en finit pas d’être exportée.
Post-industrialisation oblige, le commerce de gros et d’entreposage comme les installations ferroviaires désuètes et les entrepôts désaffectés ont aujourd’hui perdu de leur prestige et le destin programmé de False Creek Flats – surnommé désormais « The Flats » – est de représenter la nouvelle économie du savoir, dans laquelle l’art, le design et la science, mais aussi la santé et les industries de pointe doivent construire ensemble la trame sociale et urbaine de demain. En écho à l’ambition de Vancouver qui souhaite être la ville la plus verte au monde et qui, entre argument marketing et volonté politique, s’y emploie activement7, The Flats a pour vocation de devenir le laboratoire urbain qui devrait en être la figure de proue. En effet, le dernier plan d’urbanisme adopté par la ville de Vancouver au printemps 2017, souhaite que « le plan d’action de la ville la plus verte devienne le lieu de travail le plus vert au monde » (City of Vancouver, 2017b, p. 2).
Renforcer la présence de l’art et de la culture et donner à l’ensemble une esthétique et une identité post-industrielle, avec pour modèle l’iconique quartier de Proxy à San Francisco, permettra ainsi de créer le HighTech district espéré par les pouvoirs publics8.
Cet état des lieux du quartier, essentiellement descriptif, a pour vocation de cerner le discours des pouvoirs publics et d’en dégager les enjeux. En effet, consommation culturelle et esthétisation du patrimoine industriel sont souvent les instruments d’une gentrification pacifique (Mathews et Picton, 2014) qui engage la population locale, bon gré mal gré, dans les transformations engagées. Les politiques publiques conçoivent souvent, par ailleurs, les requalifications urbaines comme des leviers économiques locaux en éclipsant la profondeur mémorielle des espaces en transformation qui sont, pourtant, des ressources contre un étalement urbain et un développement unilatéral (Lillevold et Haarstad, 2019). La commodification du patrimoine est un outil puissant au service de la requalification des sites patrimoniaux, notamment industriels, et entrave la possibilité de développer des pratiques urbaines basées sur l’inclusion et la participation citoyenne (Soccali et Cinà, 2020). Ces aspects sont au cœur des Critical Heritages Studies qui considèrent le patrimoine comme une construction sociale (Graham, 2002) et discursive (Morisset, 2018) et plus particulièrement le patrimoine industriel dont il est davantage question ici. Ces usages (Smith, 2006) sont intrinsèquement liés à la manière dont les pouvoirs publics lisent le passé de leur cité, selon quelles mémoires et selon quels artefacts ils le reconstruisent car, comme le souligne Graham : « l’héritage est cette partie du passé que nous sélectionnons dans le présent à des fins contemporaines, qu'elles soient économiques ou culturelles » (2002, p. 1006).
On peut ainsi substituer aux propositions des autorités publiques sur la revitalisation de ce patrimoine industriel lui-même érigé sur des terres ancestrales, un tout autre discours qui ne passe plus par le patrimoine bâti des anciennes usines ou des entrepôts désaffectés devenus « monuments » pour favoriser leur acceptabilité sociale, mais s’appuie sur le patrimoine immatériel et mémoriel dont ces lieux sont aussi baignés afin de favoriser une appropriation allogène9. C’est ce à quoi cette contribution s’emploie, mais en passant par la rhétorique de l’image et sa dimension critique.
Dans ce contexte social et urbanistique, le quartier de False Creek Flats représente aujourd’hui une force économique importante avec plus de 600 entreprises installées, 8 000 emplois dans de multiples secteurs tant artistiques, qu’industriels, technologiques ou environnementaux et devrait accueillir 3 000 nouveaux logements dans les prochaines années. On y trouve pêle-mêle : « Artistes et industries culturelles ; brasseurs de bière et chocolatiers ; entreprises du numérique, vertes et firmes biotechnologiques ; transport ferroviaires et concessionnaires de voitures ; et un large éventail d'autres usages coexistent dans ce périmètre » (City of Vancouver, 2017, p. 10). Une université de renommée internationale, la Emily Carr University of Art + Design, vient de transférer ses locaux dans des bâtiments flambants neufs répondants aux normes écologiques les plus avancées (LEED Gold Certified). Ce projet achevé en 2017 et dirigé par le cabinet d’architecte Diamond Schmitt, avait pour objectif de communiquer la transparence et la multidisciplinarité afin de « renforcer la pollinisation créative grâce à l'utilisation délibérée de la transparence et de la connectivité spatiale » (Diamond Schmitt, site web), répondant ainsi à l’orientation post-moderne vers laquelle Vancouver s’est engagée depuis quelques décennies (Hutton, 2004). Les transports sont également au centre de ce plan d’aménagement sur 30 ans, tout comme l’intégration prochaine de l’hôpital St Paul sur une large parcelle de plus 7,5 hectares destinée à devenir « un centre d'enseignement et de recherches de classe mondiale en soins de santé intégratifs » (City of Vancouver, 2017b, p. 5). La gestion des déchets, notamment par le biais d’entreprises de recyclage, tout comme une politique énergétique privilégiant une réduction maximale des émissions de gaz est également au centre du plan d’aménagement de ce nouveau quartier (voir City of Vancouver, 2017a, 2017b).
Afin d’offrir un panorama de cette zone en cours de requalification, j’ai choisi de la parcourir à pied et de la photographier11. À la « ville planifiée et lisible », j’ai pris le parti d’une « ville transhumante » (de Certeau, 2008, p. 142). Ainsi, après deux séquences d’observation libre en 2018, lors desquelles j’ai pu voir à quel point l’urbain est dynamique et varie d’heures en heures demandant de récolter une masse d’images avant d’arriver à une forme de saturation des données visuelles (Krase et Shortell, 2011, p. 372), le semestre passé sur place, de janvier à juin 2019, m’a permis de systématiser mon observation. Afin de dresser un panorama visuel de la zone, j’ai confronté ces deux « pratiques de l’espace », géographiques et vécues (de Certeau, 2008, p. 142) pour mieux restituer les « rhétoriques cheminatoires » de ma « dérive » dans cette zone urbaine (p. 151).
Les cinq planches photographiques qui suivent, proposent donc un assemblage libre de l’espace « perçu », « conçu » et « vécu » (Lefebvre, 1974) du quartier de False Creek Flats, en prenant pour acquis que « la triplicité : perçu – conçu – vécu (spatialement : pratique de l’espace – représentation de l’espace – espaces de représentation) perd sa portée si on lui attribue le statut d’un “modèle” abstrait » (p. 50). Pour favoriser cette compréhension, j’ai donc privilégié quelques indicateurs visuels (rails, routes, sol, eau, oiseaux, ciel, tags, clôtures, etc.) en insistant sur la coexistence d’éléments disparates (anciennes voies ferrées, métro aérien, bâtiments neufs, terrains vagues, entrepôts désaffectés, nouveaux commerces, etc.) sur l’absence notable de personnes dans cette zone et sur le sentiment d’un espace à la fois infini mais contraint. J’ai choisi de mettre en évidence des correspondances visuelles dans les formes, les lignes, comme dans les couleurs (des tonalités rouille, terre et brique omniprésentes aux couleurs primaires du nouveau campus), qui évoquent aussi les ambiances différentielles que le.la marcheur.se traverse dans son arpentage des lieux.
L’objectif de ces cinq planches est de favoriser la traversée de ce territoire par un découpage selon les zones qui le composent et qui contribuent aussi à une compréhension commune. Jouant sur sa configuration d’îlot, j’ai choisi de le présenter à partir des principaux axes routiers qui le délimitent et qui constituaient, jusque dans les années 1900, les rives de la baie de False Creek, étendues alors jusqu’au Flats (Mcdonald, 1992, p. 31).
Au sud passe Great Northern Way, sur laquelle se trouve le campus Emily Carr et les autres infrastructures représentatives du Creative District (galeries d’art, centre for digital media, etc.). Ce campus a servi de point de départ pour ma réflexion et mes marches, car il est actuellement le projet d’envergure le plus abouti et offre, de ses bâtiments immaculés, des points de vue sur les trois autres axes routiers qui circonscrivent le site. Cette route abrite également l’ancienne China Creek devenue parc urbain ; elle était, avant le remblaiement de la zone, une baie névralgique pour les Salishs de la côte et les mammifères terrestres qui s’y nourrissaient.
À l’ouest, Main Street (anciennement Westminster Avenue sur laquelle passait, jusqu’au début du 20ème siècle, le pont reliant les rives nord et sud de la baie de False Creek) où se situe la gare historique, Pacific Central Station (bâtie en 1918 et vers laquelle convergent toutes les voies ferrées) est la partie du quartier pour le moment la moins développée. Entre locations de voiture et terrains de jeu, elle verra aussi naître le pôle de santé, comprenant le New St Paul’s Hospital en 2026 (site web, New St Paul’s 2019).
Au nord, Prior Street est une zone d’entrepôts en activité où se développent des industries légères associées aux services de la ville (comme le recyclage) et une grappe d’activités autour de la culture et de l’art. Un hôtel et spa pour chiens y a aussi pignon sur rue.
À l’est, Clark Drive, ancien viaduc routier traversé par deux métros aériens, devrait devenir un axe de transport plus intégré avec voies piétonnes et cyclables et a pour ambition de participer à la réorganisation des transports et au verdissement de la zone par la promesse d’une canopée.
Enfin, au centre, Industrial Avenue, axe qui, dès 1922, scinda la zone en son milieu (Derek, 2005, p. 101), accueille service industriel, commerce de gros et de stockage. Plusieurs artisans culinaires y proposent aussi des produits locaux gourmets comme du chocolat ou du pain.
La position géographique de ce quartier, avec ses chemins de fers découpant l’espace tout comme l’alternance de structures industrielles conservées et de nouveaux bâtiments proposant une architecture verte et résiliente, en fait un terrain aux points de vue multiples, encadrés par les Rocheuses. Il est ainsi aisé de construire un imaginaire alliant passé, présent et futur tant pour les urbanistes de la ville, les firmes d’architectes et les élus politiques locaux, que pour les chercheurs.ses qui arpentent ces très inspirants lieux.
Image 18 - La cheminée industrielle 1960-2019
photos 1-2 © City of Vancouver Archives, 1960, 1982
photos 3-4 © M. Uhl, 2019
Le tissu urbain est nécessairement fragmenté, tel un “palimpseste” de formes passées superposées et un “collage” d'usages actuels dont beaucoup sont éphémères
(Harvey, 1990, p. 66)
L’architecture d’une cité, et plus largement ici sa conception urbanistique, est le fruit des projections économiques et politiques des villes dans le contexte de la globalisation. Ainsi, les formes architecturales, plastiques et matérielles, l’esthétique et le design sont en eux-mêmes un discours des plus cohérents (Bandyopadhyay et Garma Montiel, 2013, p. 92) que la sociologie visuelle peut capter. Si la collecte des données photographiques in situ (présent) et archivistiques (passé) a permis de présenter la morphologie de la zone de False Creek Flats, rendre compte du palimpseste temporel qui façonne l’urbain demandait toutefois l’apport d’un autre type de méthodologie.
En effet, pour répondre aux défis posés par l’étude de cas (notamment au niveau de son historique complexe, de ses présents contrastés et de son futur tracé par la ville et les investisseurs privés), j’ai arrimé les principes descriptifs de la sociologie visuelle historique (celle de Becker, 1974 et Harper, 1988 notamment) qui saisissent le moment présent et insistent sur le moment crucial de la captation, à ceux de l’anthropologie iconologique de Warburg (2010) qui accueille aussi bien la mémoire des lieux que ses devenirs possibles. Ainsi, pour analyser les enjeux sociaux, spatiaux et mémoriels, j’ai mis en œuvre un dispositif de montage heuristique et réflexif qui vise à déplier les lieux, puis à les recomposer virtuellement et temporellement. Je suis donc partie du paysage urbain que j’ai photographié et, par le collage ou la superposition d’images d’archives, j’ai tenté de singulariser ces espaces en misant sur le potentiel génératif du montage visuel (Latour, 1993 ; Achutti, 2004 ; Didi-Huberman, 2009). La perspective n’est pas tant de mettre en évidence les modifications de l’espace au fil du temps, tel que la photographie séquentielle l’exprimerait par collage de différentes images d’époques différentes en version panoramique (voir les très belles propositions de Mark Klett et Byron Wolfe des paysages américains : Senf et Pyne, 2012), mais plutôt, par la superposition, de témoigner de la dimension de palimpseste qui caractérise davantage ce territoire urbain précis.
Dans ces montages rephotographiques, deux sources sont ainsi associées : la photographie in situ (prises sur une période de deux ans afin de constituer une documentation visuelle de la zone tels que Collier et Collier le préconisent [1986]) et les représentations issues des archives de la ville de Vancouver. Et, par l’assemblage de ces images, je tente de singulariser les lieux en me concentrant sur le potentiel du montage visuel dont Aby Warburg (2003, 2010) parle dans ses recherches iconologiques. J’ai donc aussi bien suivi les enseignements et les techniques de rephotographie inaugurés par Mark Klett dans ses études visuelles du territoire nord-américain (2011), et par Jon H. Rieger dans sa documentation du changement social dans des petites localités américaines (2011), que la généalogie créative à laquelle nous convie l’iconologie warburgienne. Si les indicateurs visuels12 de Rieger peuvent être, dans une certaine mesure, associés au « pathosformel » warburgien (Warburg, 2003, p. 162) et comparés à des « motifs », les deux approches s’accordent moins sur leur conception de la temporalité dans la construction des montages re-photographiques. Les représentations visuelles et l’imagination sont intimement liées dans le processus de connaissance iconologique dans lequel les images sont, tout à la fois, la source du savoir et son véhicule. Ainsi, les principes méthodologiques d’association et de mise en correspondance pour repérer des « survivances » prônés par Warburg, comme l’importance qu’il accorde à la fertilité des anachronismes à l’instar de Benjamin (2006) permettent cette quête anthropologique souvent absente des visualisations sociologiques parfois figées dans le temps Alpha de leur captation. Si j’ai donc bien recherché « le point de vue exact » ou de « multiples points de vue » (Klett, 2011, p. 116, p. 122), dépendamment des montages, j’ai aussi parfois pris la liberté de superposer des éléments photographiques glanés dans des prises de vue à l’extérieur du cadre exact mais toujours captés dans la zone étudiée : ainsi, un rocher, des coquillages, un métro aérien, des déchets ou quelques fougères permettent de relancer le processus d’imagination et d’interprétation. Conjuguer systématicité de la méthode des sociologues visuels et association créative de l’iconologie warburgienne permet de faire parler autrement cet espace. Les propositions visuelles qui en émergent sont des mises en récits de ce territoire pour le singulariser. Mais aux récits de la « City of Glass » (Coupland, 2009) ou de la « City of Dreams » (Berelowitz, 2005) qui naissent d’une conception des territoires de l’Ouest, perçus comme vierges, inhabités et sur lesquels la ville se serait harmonieusement érigée, je propose un autre récit, celui d’une terre habitée depuis des millénaires et dont le riche milieu de vie aquatique a été dérobé en même temps que l’histoire, prolongeant alors les analyses de l’histoire sociale et de la géographie critique de Vancouver développées supra.
Je vais maintenant explorer, à travers quatre montages rephotographiques, la manière dont la temporalité et le territoire peuvent être différemment mis en intrigue. Si plusieurs « narrations » auraient pu être proposées, en particulier celles des personnes, premières nations, ancien.ne.s travailleur.se.s, nouveaux.elles entrepreneur.e.s, artistes et étudiant.e.s, je me suis rapidement heurtée, au cours de la recherche, à la rareté, voire à la possible absence de témoignages anciens comme à la difficulté, cette fois-ci bien actuelle, de leur récolte auprès des descendant.e.s des peuples des premières nations. Après deux ans d’aller-retour entre Montréal et Vancouver et six mois passés sur les lieux, j’ai également eu le sentiment permanent d’un espace oublié que personne n’investissait. Pour en avoir discuté, à de nombreuses reprises, avec des résident.e.s de Vancouver, de toutes origines, classes et générations confondues, plutôt que de récolter les informations attendues, je devais, à chaque fois, situer géographiquement la zone, décrire sa morphologie, pour finalement en faire moi-même le compte-rendu historique afin d’en dégager les enjeux actuels de restructuration... Ces discussions m’ont donc surtout renseignée sur l’absence de ce quartier dans la carte vécue des vancouvéroi.se.s.
Par conséquent, la voie que j’ai choisi de suivre a été celle du milieu vivant, animal et végétal, qui est le témoignage par excellence de l’activité humaine et de sa prégnance. Le milieu vivant pris comme artefact paysagé forme en effet un riche récit transhistorique. À partir de là, l’objectif a été de cerner, par ce travail de rephotographie narrative, les dynamiques des transformations urbaines (Suchar, 2004) à partir de cet environnement hanté par des rémanences mémorielles et tendu vers des devenirs en négociation. C’est finalement le contexte aquatique qui a été à la base du récit transhistorique déployé. L’eau est comprise comme une « actante » au sens de Callon, Latour et Akrich (2006), autrement dit comme une entité, ici autre qu’humaine (Lestel, 2019), qui prend part et modifie la situation d’enquête. Renversant le rapport de connaissance et reconnaissant la multiplicité des positions subjectives – tel que le perspectivisme animiste l’a initié (Viveiros de Castro, 1998) –, l’eau devient le point de vue à partir duquel le récit proposé se déploie. Pour paraphraser le questionnement de Viveiros de Castro (2014, &31) : quel monde s’exprime à travers l’eau disparue ? Quel monde s’exprimerait si elle réapparaissait ? Bref, de quel monde l’eau est-elle le point de vue ?
Les quatre montages photographiques ne prétendent pas répondre à ces questions mais plutôt à en proposer des voies d’investigation, ils suivent et articulent ainsi différentes modalités de l’équation temps et paysages urbains pour présenter un autre récit et une autre vision de False Creek Flats.
Succédant à la vague de revitalisation urbaine des années 1960, Vancouver s’est rapidement transformée en une ville touristique et commerciale prête à accueillir Expo 86 et son pavillon emblématique : Science World. Et, puisque la désuétude des installations industrielles et ferroviaires de False Creek Flats font désormais tache dans la splendeur des réaménagements du Shoreline, c’est une coupure architecturale (et sociale) qui rendra la zone à son historique isolement avec la construction village Olympique pour les Jeux de 2010 (Hutton, 2004).
Le traitement de l’image, qui reprend exactement le point de vue historique de 1891 (voir image 1), cherche à retrouver les textures et couleurs des images du début du XXe siècle, lorsque les photos en noir et blanc étaient recolorisées à l’aquarelle. Le résultat semble sortir de l’imaginaire d’un auteur de science-fiction de l’époque. On joue ainsi avec la perception du temps, d’un temps futur imaginé, mais déjà obsolète, une sorte de « nostalgie du futur », autrement dit, une nostalgie qui n’est plus tournée vers le passé mais se transporte virtuellement vers un temps et un espace à venir (Uhl et Niemeyer, 2020). C’est ce que l’on perçoit dans les discours sur cette ville trop « photogénique » pour exister autrement que dans une projection fantasmatique.
En arpentant les lieux munis des photos d’époque qui témoignent de la présence de cours d’eau, d’activités agraires et d’une société pastorale, on observe bien que la végétation endémique a été recouverte par des espèces non-indigènes plus résistantes, et que toute trace de vie animale comme d’expression d’une vie sociale développée est réduite à quelques rongeurs de passage. Si l’estuaire de China Creek qui bordait l‘ancien marais est devenu un dépôt à ordure municipal dans les années 1920 et 1930 (Bollwitt, 2011), c’est à l’image de tout le secteur qui perdra de son prestige ferroviaire et industriel dans les années de post-industrialisation et dans lequel les traces de vie aquatique vont petit à petit disparaître au profit de la rouille et des déchets. La projection proposée par les pouvoirs publics souhaite pourtant faire revivre le passé industriel en restaurant les buildings patrimoniaux et renouer avec cette mémoire de l’eau, sans préciser toutefois comment.
Pour construire ce montage, nous avons retrouvé le lit d’un cours d’eau au détour d’une voie ferrée et une cheminée industrielle ancienne qui a résisté au passage d’un siècle et demi de remodelage du paysage (voir image 8). Cette image est travaillée pour mettre en avant la structure stratifiée du temps, non pas comme un continuum, mais plutôt comme une coexistence des expériences. Utilisant trois images de la même zone prises à trois époques différentes et sous trois points de vue distincts, elle déploie l’histoire du lieu autour d’un axe physique et trans-temporel : la cheminée. Cette tour patrimoniale se fait donc charnière dans le processus, et les montagnes deviennent le point de fuite d’un temps suspendu dont l’expérience commune pourrait se vivre dans un même présent.
Verdissons ! Traçons des parcours piétonniers et cyclistes ! Créons un esprit de quartier où les citoyens sont parties-prenantes des décisions ! Tel est le leitmotiv qui parcourt les 120 pages de recommandations rédigées par la ville (City of Vancouver, 2017), en particulier sur ces deux secteurs un peu moins développés du Flats situés au centre et au sud-est. Ils sont en effet le point névralgique de la « greenisation » de la zone qui va déployer des habitats écologiques et une canopée. Parallèlement, un viaduc routier a été recommandé, en avril 2019, par un panel de citoyens afin de désengorger la circulation par des voies automobiles aériennes (Smith, 2019). Ainsi, au milieu de la canopée, le viaduc couvrira le ciel dans un nouvel élan paradoxal…
Les images sont prises du même point de vue que celle de l’archive (voir image 10) avec deux perspectives différentes. L’une montre l’usine et le train (vue du passé : un futur glorieux ou un présent prospère), l’autre un ruisseau envahi par les déchets (vue du présent : une conséquence, un avenir probable). Dans cette mosaïque le temps est éclaté et l’espace possédé par la végétation. Malgré la rationalité des discours publics sur son verdissement, sa piétonisation, son exemplarité écologique, retrouver une cohérence spatio-temporelle dans la zone semble encore appartenir au domaine onirique.
En contradiction avec le discours de mise en œuvre d’une architecture résiliente pour le futur pôle de santé intégrant montée des eaux et risque sismique, aucune digue n’est pourtant visible dans les plans du futur hôpital construit dans une zone potentiellement inondable. Or, si l’on suit les prévisions scientifiques concernant le continent nord-américain (City of Vancouver, 2018), corroborées à la prospective locale effectuée par une firme d’architecte de Vancouver en 2010 (Smith, 2010 ; Keenan et Andrew, 2011), à partir d’une montée des eaux de deux mètres, la zone serait atteinte avec des risques majeurs d’inondations, à quatre mètres, Main Street qui sépare Science World de False Creek Flats est recouverte par les eaux, au-delà le marais retrouverait l’intégralité de son lit d’antan… Une vision à 2100 tout à fait envisageable selon certaines prévisions13 (Smith, 2017). Ainsi, un siècle après son comblement artificiel, la zone redeviendrait le paradis des coquillages.
Dans ce dernier montage qui part d’une image d’archive du littoral en 1904 (voir image 5), l’illusion n’est pas totale mais elle est volontaire. Elle questionne notre regard au passé en dévoilant un peu de sa supercherie tout en questionnant ses effets. Ici, le temps se dévoile par des clins d’œil à ce qui fut et probablement sera. En effet, les moules, jadis prolifiques dans cette embouchure, côtoient les actuels déchets ; le métro aérien, des structures en bois d’un temps révolu. Et le futur apparaît au détour d’un bâtiment du passé industriel immergé par la montée des eaux. La « vasière », tel que la nommait les colons du XIXe siècle, semble reprendre, dans l’avenir probable dessiné par le changement climatique, son lit passé.
Dans cette contribution, j’ai tenté de cerner la dynamique des transformations de la zone urbaine de False Creek Flats à Vancouver, par l’intermédiaire d’une démarche visuelle combinant marche, observation et captation d’une part, recherche d’archives visuelles de l’autre. J’ai souhaité montrer de quelle manière la méthode de rephotographie narrative, est une voie pour connaitre, et connaître autrement, par couches temporelles et spatiales. Au croisement de la systématicité de l’agencement technique et descriptif de la rephotographie en sociologie visuelle et de la créativité d’une visée générative et prospective de l’iconologie warburgienne, il s’agissait de mettre en récit les espaces observés, parcourus et photographiés par la génération de brèches temporelles dans l’agencement territorial.
Indépendamment de la contextualisation historique et urbanistique comme de l’analyse sociologique qui forme le cadre scientifique de cette contribution, les quatre montages pourraient avoir leur existence propre. Toutefois, les narrations plus locales, prospectives et poétiques, qui les accompagnent sous forme de micro-récits, sont des partenaires heuristiques incontournables pour cette approche de la rephotographie narrative.
La démarche proposée est aussi une tentative d’exposer autrement le diagnostic général de la crise mémorielle et des effets des transformations urbaines pour mieux qualifier les inégalités sociales et spatiales qui, historiquement, les caractérisent. Il s’agissait ainsi de contribuer au débat plus général, non pas par l’illustration d’un nouveau cas similaire, mais en le singularisant fortement. Les montages finaux permettent ainsi de construire un contre-récit à celui officiel ou canonique d’une ville sans histoire, l’iconique cité de tous les rêves et de tous les possibles. Ils s’attachent au contraire à réintroduire le temps long, avec l’histoire millénaire et oubliée de ce territoire, et à montrer l’un de ses probables horizons. En effet, au futur glorieux programmé par le plan de requalification urbaine, j’oppose une fiction prospective, celle d’un quartier qui renoue, paradoxalement, avec son passé aquatique, par la montée des eaux due au réchauffement climatique. Redevenu marée, d’autres imaginaires et d’autres avenirs peuvent à nouveau se déposer sur les rives de False Creek Flats.
L’enquête de terrain menée à Vancouver a, depuis 2020, donné lieu à plusieurs propositions de recherche-création en collaboration avec Marie Lavorel : un podcast (2021) ; une exposition multimédias mettant en dialogue les résultats de la recherche avec notamment une projection vidéo de Yana Kehrlein (2021) et enfin un moyen-métrage qui croise les points de vue d’expert.e.s sur la recherche-création à partir du projet (2022).
Je souhaite remercier les personnes qui ont contribué de diverses manières à cette recherche. Je remercie Marie Lavorel (PhD), agente de recherche et interlocutrice privilégiée durant deux ans, qui a facilité les procédures de recherche aussi bien à Montréal qu’à Vancouver et a contribué à son déploiement. Je remercie également Yana Kehrlein, artiste visuel de Kimberley (CB), qui a capté les images finales et les a montées pour la phase de post-production. Enfin, je remercie Lauranne Faubert-Guay (MA), étudiante de recherche, qui a réalisé une première recension des écrits. Cette recherche a bénéficié du concours financier du CRSH (Conseil de recherche en sciences humaines du Canada) et du Centre de recherches CELAT (Centre de recherche : cultures, arts, sociétés).
1 Ce texte est la traduction française de Magali Uhl (2021). « Marshland Revival: A Narrative Rephotography Essay on the False Creek Flats Neighbourhood in Vancouver », avec la permission de Taylor & Francis Ltd, (http://www.tandfonline.com) au nom de l’International Visual Sociology Association©. DOI: 10.1080/1472586X.2021.1876527.
2 J’ai effectué l’essentiel de mes recherches cartographiques à la cartothèque de l’UQAM (Montréal), aux services des archives de la ville de Vancouver (City of Vancouver Archives) et à la Vancouver Public Library (Special Collections). Deux atlas ont complété ces sources : MacDonald, 1992 et Hayes, 2005.
3 Les articles ciblés sont principalement issus de The Georgia Straight et The Tyee où le mot clef « False Creek Flats » a été le point d’entrée. Plusieurs sources web locales ont aussi été consultées : principalement, le blog de miss604 : https://miss604.com/ ; le site de City Studio : https://citystudiovancouver.com/ ; celui de False Creek Watershed Society : http://www.falsecreekwatershed.org
4 Pour un bref historique de False Creek Flats, on peut consulter la brochure éditée par la ville de Vancouver en collaboration avec City Studio et conduite par Nicolas Kenny du Département d’histoire de la Simon Fraser University, « History of Northeast False Creek, 2016, [en ligne] https://www.citystudiovancouver.com/wp-content/uploads/2018/04/HistoryBoards2.pdf
5 Le lien entre colonialisme, extractivisme et construction des chemins de fer au Canada n’est plus à faire et reste toujours d’actualité (unknown author, 2020).
6 Je ne m’attarde pas ici sur les usages controversés du concept de gentrification (voir notamment les synthèses de Bidou-Zachariasen, 2003 et Bourdin, 2008). Cette présentation du contexte urbain demeure sur le versant descriptif et présente certains des marqueurs de la gentrification déjà retenus dans les travaux pionniers de Glass (1960) ou dans ceux, plus récents, de Hamnett (1991, 1992) parce qu’ils se rencontrent sur le terrain et notamment dans la baie de False Creek qui jouxte la zone étudiée. Une étude complémentaire permettrait de mieux qualifier le type de transformation rencontré dans la zone de False Creek Flats dont les caractéristiques diffèrent de la baie de False Creek. Dès lors, il me semble que l’usage de la notion dans un sens généralisé (Smith, 2003) ne rend pas compte de la mutation de cette zone péricentrale peu habitée. J’utilise donc le terme avec prudence lorsqu’il est question de False Creek Flats afin de ne pas unifier des processus sociaux de nature différente qui trouvent leurs origines dans le temps long de l’histoire de ce quartier et pas seulement dans ses développements récents.
7 La ville fait partie du réseau C40 (C40 Cities) dans lequel les métropoles s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, [en ligne] https://www.c40reinventingcities.org. Elle est par ailleurs le fer de lance de EcoDensity Initiative « an initiative of the former mayor of Vancouver, Canada, was the achievement of a more sustainable city development through densification of existing neighbourhoords » (Rosol, 2011, p. 2238).
8 False Creek Flats a beaucoup de points communs avec Greenpoint dans le quartier de Brooklyn (NY) étudié par Krase (2012), notamment lorsqu'il voit dans ce quartier post-industriel en front de mer, l'image même d’un « vernacular landscape of gentrification ».
9 Une analyse selon les termes des Critical Heritage Studies mériterait amplement d’être conduite sur ce quartier emblématique des zones post-industrielles du Canada, de la même manière qu’une approche en Critical Urban Theory permettrait de déplacer la réflexion vers la « geopolitical economy » (Brenner, Madden et Wachsmuth, 2011).
10 Marcher et photographier renvoie à deux postures de recherche que l’on retrouve dans la perspective de de Certeau (1990), mais qui s’inspire aussi de la marche poétique décrite par Pierre Sansot (2004) et de la dimension cognitive de la photographie développée par Becker (1974).
11 J’ai eu l’opportunité de tester différentes méthodologies de recherche dans l’espace urbain lors d’une recherche collaborative menée en 2017 et dont les résultats sont disponibles ici : https://pensercreerlurbain.uqam.ca
12 Par exemple, ici : la terre et la boue omniprésentes (il pleut à Vancouver), les rails qui découpent le paysage, les déchets, la végétation désordonnée, les oiseaux qui envahissent à intervalle régulier le ciel, les voitures, les camions de marchandises et le métro aérien (le bruit est constant), l’absence de personnes dans les rues, et même sur le campus pourtant en activité, etc.
13 Il est à noter que la ville de Vancouver a produit en 2018 son propre guide sur les effets de la montée des eaux sur le Shoreline, lequel tempère l’absence de prise en compte réelle des risques afférents dans le plan d’urbanisme de 2017. Les prévisions sur un siècle montrent False Creek Flats comme la principale zone qui serait touchée avec seulement un mètre de montée des eaux (City of Vancouver, 2018, p. 6). Par comparaison, les projections de Keenan et Andrew pour le compte de Bing Thom Architects, envisagent trois mètres et non un en 2100 (2011, p. 10).
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The Georgia Straight : https://www.straight.com
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Magali Uhl, « La survivance du marais. Essai de rephotographie narrative du quartier de False Creek Flats à Vancouver », Revue française des méthodes visuelles [En ligne], 6 | 2022, mis en ligne le 6 juin 2022, consulté le . URL : https://rfmv.fr