Revue Française des Méthodes Visuelles
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N°4, 06-2020
ISBN : 978-2-85892-471-4
https://rfmv.fr/numeros/4/

Abjure

David Bart, artiste plasticien & cinéaste

En partenariat avec

Introduction

En 1612, le mathématicien et philosophe de la nature Galileo Galilei (1564-1642) observa des taches solaires grâce à une nouvelle invention appelée « télescope ». Il rapporta que ces taches sombres étaient irrégulières et variables. Mais l’interprétation qu’il en fit remettait en question la scolastique héritée de la philosophie aristotélicienne. Considérant traditionnellement que le soleil était un astre parfait et immuable, comment pouvait-il y avoir des taches sur sa surface ?

En son temps, le télescope fut perçu comme un dépassement des capacités physiques de l’œil humain. La lunette augmentait la puissance de la vue. L’instrument permettait de voir autrement. Cela était admis tant que les observations étaient terrestres. Cependant, dès lors que le télescope était dirigé vers le ciel, il en allait tout autrement et la question fut de savoir s’il voyait juste. Découvrir des taches sur le soleil, de nouvelles étoiles ou les lunes de Jupiter n’allait pas de soi. Toute l’argumentation de Galilée visait à faire admettre que les lentilles ne déformaient pas mais, bien au contraire, augmentaient notre perception visuelle. La science venait ainsi de faire un gigantesque pas en avant grâce à un appareil de vision présentant une autre image du réel, différente de celle donnée par la perception humaine… et la doctrine religieuse. Les imperfections des facultés sensorielles allaient être corrigées par l’expertise de l’action mécanique. Mais les vues optimistes de Galilée sur les possibilités de la connaissance allaient rapidement être censurées. Sur la base de ces observations astronomiques, prétendre que le soleil n’était ni immobile ni le centre du monde n’était pas acceptable. Les intérêts de certaines institutions religieuses devant être préservés, l’Inquisition exigea de Galilée d’abjurer, en 1633, la théorie physique du cosmos de Copernic.

Le photographe David Bart renoue avec cette question du regard et du sens, prenant le prétexte de l’abjuration de Galilée. Lorsque des préjugés, des certitudes, des aveuglements viennent brouiller nos perceptions sensorielles, la compréhension du monde s’en trouve perturbée. L’artiste tente alors de nous reconnecter avec le monde et ses fausses apparences. Pour nos méthodes visuelles, c’est une méditation sur la valeur de nos observations. Nos instruments de vision ont plus d’une fois contribué aux « révolutions scientifiques » depuis le XVIIe siècle. Abjure se présente comme une invitation à réévaluer les évidences, avec ou sans instrument. C’est une part importante du travail scientifique… aidé parfois par des « organes artificiels ».

Alain Bouldoires

Abjure
Pour citer cet article

David Bart, « Abjure.  », Revue française des méthodes visuelles [En ligne], 4 | 2020, mis en ligne le 15 juin 2020, consulté le . URL : https://rfmv.fr