Revue Française des Méthodes Visuelles
Géographies audiovisuelles

N°3, 07-2019
ISBN : 978-2-85892-471-4
https://rfmv.fr/numeros/3/

Filmer la montagne et l'isolement

Filming the mountain and isolation

Les dimensions matérielles et sensibles de l'attachement au territoire et de l'accessibilité

The material and sensitive dimensions of attachment to a territory and accessibility

Anne Barrioz, Doctorante en géographie, CNRS / Université Savoie Mont-Blanc, Laboratoire EDYTEM UMR 5204.

Suzy Blondin, Doctorante en géographie, Université de Neuchâtel, Institut de Géographie.

L’audiovisuel permet de stimuler une réflexion épistémologique, méthodologique et éthique chez le géographe. Dans cet article, nous souhaitons montrer quels sont pour nous les avantages et enjeux d’une démarche filmique et sensorielle en géographie. À travers les exemples de nos recherches doctorales en cours et qui portent sur des questions d’habitabilité, d’attachement au territoire et de mobilité dans des vallées de montagnes au Tadjikistan et en France, l’objectif est ici de mettre en avant l’intérêt des vidéos pour révéler, discuter et mettre en perspective ces processus.

Mots-clés : Audiovisuel, Géographie sensible, Montagne, Isolement, Mobilité

An audiovisual approach stimulates an epistemological, methodological and ethical reflection in the geographer. In this paper, we want to highlight the advantages and the stakes of a filmic and sensitive approach in geography. Through examples from our doctoral researches, which focus on issues of habitability, place attachment and mobility in mountain valleys of Tajikistan and France, our aim is to point out the benefits of videos in order to reveal, discuss and put these processes into perspective.

Keywords : Audio-visual approach, Sensitive geography, Mountains, Remoteness, Mobility

Filmer la montagne et l'isolement

Les dimensions matérielles et sensibles
de l'attachement au territoire et de l'accessibilité

Introduction

L’audiovisuel occupe une place marginale dans la géographie contemporaine même s’il intéresse de plus en plus les géographes. Le colloque « Le Film dans la pratique de la géographie » organisé en mars 2018 à Bordeaux a clairement mis en lumière cette tendance. Les géographes qui prônent et encouragent la réalisation de vidéos/films insistent tout particulièrement sur les intérêts heuristiques et méthodologiques de la vidéo en géographie. Les réflexions sur l’intérêt et la place à accorder à l’audiovisuel dans notre discipline vont de paire avec une réflexion épistémologique et éthique profonde. La convergence de nos objets de recherche ainsi que de nos démarches audiovisuelles exploratoires nous ont encouragées à rédiger ce présent papier, qui vise à souligner les nombreux atouts de la vidéo pour le géographe à travers deux cas de recherches doctorales en cours. Cet article s’inscrit dans le cadre de nos travaux doctoraux menés dans des espaces de montagne « isolés1 » en France et au Tadjikistan. La recherche menée par S. Blondin s’effectue dans le massif du Pamir, dans la région du Kuhistoni-Badakhshon au Tadjikistan, et principalement dans la vallée du Bartang. Celle conduite par A. Barrioz se déroule dans huit hautes vallées des Alpes françaises (Haut-Giffre, Beaufortain, Haute-Maurienne, Valbonnais, Valgaudemar, Queyras, Haute-Ubaye, Haute-Tinée). Ces deux thèses, menées sur des territoires éloignés, ont en commun d’utiliser la vidéo pour interroger l’isolement et les mobilités locales à travers des approches spatiales sensibles. La dimension sensorielle du fait de vivre en montagne, de se déplacer et d’accéder à ces espaces constitue un fil directeur de nos deux démarches audiovisuelles.

Cet article revient sur l’usage du travail filmique autour de trois parties que nous développerons successivement. La première partie analyse comment la vidéo nous a permis de saisir les dimensions visuelle et sensorielle de notre discipline. D’une façon générale, avoir recours à une caméra permet de travailler son regard. Il ne s’agit pas seulement d’enrichir les observations mais également de prendre position sur son terrain. Nous y voyons une opportunité de construire une géographie sensorielle et incorporée, particulièrement pertinente pour nous puisqu’elle permet d’interroger les contraintes de déplacement liées à l’état changeant des routes et aux conditions de vie particulières des hautes vallées. La seconde partie montre plus concrètement comment l’audiovisuel permet une analyse plus rigoureuse de la montagne comme espace vécu, franchi, traversé. Nous avons ainsi filmé les paysages de montagnes et l’environnement auxquels les Pamiris (habitants du Pamir) et les Alpins sont vivement attachés, ainsi que différents aspects de la vie quotidienne dans les villages des vallées. Le rapport sensible à l’espace de montagne évoqué par ces résidents prend corps à travers des scènes de paysages visuels et sonores qui reflètent les caractères singuliers de ces confins et les liens avec la nature. Cette approche par les espaces du quotidien permet de mieux appréhender les discours des habitants sur leur attachement physique et sensible à leur vallée. Dans un troisième temps, nous discutons de la place qui peut être donnée à l’audiovisuel dans une thèse de géographie en soulignant les possibilités offertes par cet outil mais aussi les incertitudes qui l’entourent. En effet, si nous sommes au départ des autodidactes sur le plan technique, nous nous sommes rapidement rendu compte que les matériaux audio-visuels que nous avons récoltés, s’ils permettent une valorisation originale des résultats de recherche, notamment auprès des acteurs des territoires intéressés, ajoutent aussi une dimension à notre réflexion théorique qui influence finalement l’ensemble du projet de recherche.

Préambule méthodologique :
notre découverte de l’audiovisuel

Notre envie d’utiliser l’audiovisuel dans la thèse s’est construite de façon spontanée, au fur et à mesure de notre cheminement de recherche. Il s’est premièrement agi de filmer pour rapporter des archives de paysages et de situations diverses mais également dans le but d’observer de façon plus attentive la matérialité des environnements que l’on rencontrait sur le terrain (nous reviendrons sur ce point dans le corps de l’article). Nous avons également eu l’envie de filmer certains éléments que les personnes que nous interrogions mettaient en exergue (une rivière cruciale pour les besoins en eau, une montagne particulièrement dangereuse, une portion de la route régulièrement problématique…) lorsque nous discutions des liens entretenus avec leur lieu de résidence. Ainsi, une partie des séquences n’ont pas été pensées au préalable, par exemple, lorsque l’on filme un trajet en voiture ou à pied dans des conditions météorologiques difficiles. A contrario d’autres découlent d’éléments issus d’autres méthodes de travail (suite à un entretien).

Notre façon de traiter les images varie également beaucoup. Certaines images sont visionnées sur le terrain, d’autres ne sont pas visionnées avant le retour, mais des semaines plus tard. Au Tadjikistan, Suzy a également organisé des visionnages collectifs avec des participants à la recherche suivis de discussions critiques spontanées.

Cette découverte progressive de l’audiovisuel est due en partie à notre absence de formation spécifique. L’une d’entre nous a suivi une option audiovisuelle dans le cadre du Master Géographie des Pays Emergents et en Développement de l’Université Paris 7 qui a surtout stimulé une réflexion théorique sur l’audiovisuel en sciences sociales. D’un point de vue technique, nous devons toutes les deux reconnaitre notre amateurisme et un apprivoisement des outils visuels de façon instinctive et autodidacte. Notre matériel, léger, plutôt bon marché et amateur, incarne la simplicité de notre technique. Dans les Alpes, un appareil photographique numérique compact avec option vidéo (qui a remplacé un reflex utilisé au début) est utilisé avec un petit trépied flexible. Au Tadjikistan, c’est un appareil photographique numérique reflex avec option vidéo qui est utilisé. Dans les deux contextes, un enregistreur est utilisé aux côtés des appareils photographiques lorsque cela nous semble particulièrement important (interlocuteur qui se situe loin de la caméra dans un plan large, chant d’un oiseau qui doit se distinguer d’autres sons se superposant). D’autres détails sur notre démarche audiovisuelle et sur les effets escomptés de nos films seront donnés tout au long de ce travail.

1. Filmer : pour une géographie visuelle et dynamique

Dans cette première partie, nous proposons une réflexion sur l’intérêt spécifique de la vidéo en géographie en soulignant les dimensions visuelle et dynamique de notre démarche. Aiguiser son regard avec cet outil permet de mieux appréhender le monde physique et ses aspects mouvants. Nous montrons ainsi l’importance de la construction du regard des géographes en général mais aussi de l’intérêt du mouvement et de la mobilité pour comprendre les territoires de montagne de façon spécifique.

Filmer pour travailler son regard

La géographie est une discipline profondément visuelle, comme l’atteste notamment son utilisation traditionnelle des cartes et du concept fondamental de paysage (Chatelain, 1989). L’acte de filmer permet au géographe de renouer avec les racines visuelles de sa discipline. En filmant, le géographe va réfléchir à son angle de vue et donc à une notion primordiale dans sa discipline : la notion d’échelle. Qu’est-ce que le géographe doit regarder et considérer ? Comment va-t-il délimiter le cadre de sa vidéo et le cadre de sa recherche ? La caméra, comme l’expérience du géographe, vont faire des allers-retours entre plans serrés intimes (vidéo 1) et plans larges englobants (vidéo 2).

Vidéo 1 - Gros plan sur un fossé d’irrigation, village de Basid, vallée du Bartang
© S. Blondin, juillet 2018

Vidéo 2 - Paysage du village de Bardara, vallée de Bardara, avec le son de la rivière très présent
© S. Blondin, juillet 2018

La vidéo nous est apparue comme un outil privilégié pour entraîner notre regard dans des contextes où l’environnement physique joue un rôle central en tant qu’aménité à laquelle on s’attache ou en tant que facteur de dangers fréquents que l’on redoute par exemple. Elle apparaît comme un outil spontané d’observation permettant de prendre du recul sur une situation en train de se dérouler.

L’étude de paysages et le concept même de paysage peuvent nourrir et être nourris par le travail de prise d’images. J.-L. Tissier définit le paysage comme tel : « Agencement matériel d’espace – naturel et social – en tant qu’il est appréhendé visuellement, de manière horizontale ou oblique, par un observateur. Représentation située, le paysage articule plusieurs plans, permettant l’identification des objets contenus et comprend une dimension esthétique » (Lévy et Lussault, 2013, p. 753). En lisant cette définition, le lien entre cadre (de la photographie ou de la vidéo) et paysage semble presque évident.

En ce qui nous concerne, la caméra a stimulé l’observation des reliefs escarpés qui font craindre aux habitants avalanches ou chutes de pierre, de portions de routes inondées qu’on hésite à emprunter ou de cours d’eau dans lesquels on aime se rafraîchir. Notre attention a fait des allers-retours entre le gigantisme de la montagne et la petitesse d’une habitation, entre la largeur d’un torrent et l’étroitesse d’un fossé d’irrigation, entre le silence d’un village et le brouhaha d’un bistrot lorsque la porte s’ouvre.

De même que « le paysage n’est pas une notion reposante qui s’accommode de la contemplation passive » (ibid., p. 753), l’acte de filmer et le choix du cadre nécessitent une posture active face à une situation et à un espace, qui font appel aux différents outils du géographe. Comme le dit le géographe D. Linton concernant le dessin :

There is no better way of becoming seized of the characteristic features of any landscape than by sitting down and making a drawing of it. The drawing is not merely a record. It is a means of enabling the geographer to see what he looks at and a step towards understanding what he sees2.

(Linton, 1960, cité in Sidaway, 2002)

La caméra peut matérialiser l’outil « regard » et mettre en lumière son intérêt comme outil central de la géographie. D’ailleurs, une observation filmée donne au chercheur un statut plus actif que celui du simple observateur et peut parfois lui permettre de légitimer sa présence sur ses lieux de recherche. J. Rouch expliquait que lorsqu’il filmait, il devenait « ciné-Rouch » (interview filmée avec P.-A. Boutang, 1992) et adoptait ainsi une nouvelle attitude, une nouvelle posture active. Comme le dit M. Ernwein (2015, p. 225) dans le cas de l’utilisation de la vidéo pour sa thèse : « Actionner la caméra me permettait de montrer que j’étais active, presque au même titre que les personnes en train de travailler que je filmais. Faisant moi aussi mon travail, la caméra me donnait une raison d’être là ».

Pour nous, la caméra a pu aussi permettre de légitimer une observation rapprochée de pratiques domestiques quotidiennes et aussi de trouver sa place dans un groupe de voyageurs dans le cas de la co-itinérance au Tadjikistan. Les participants à la recherche comprennent parfois mieux la volonté de les suivre pour les filmer plutôt que pour seulement « être là » et les regarder.

La prise d’images apprend aussi à regarder et à comprendre ce que l’on regarde : « le film comme la photo devraient être les moyens privilégiés de la restitution du regard » (Browaeys 1999, p. 26). La vidéo permet de sélectionner l’information sur le terrain et les éléments à intégrer dans le cadre de l’image. M. Ernwein a intitulé une sous-partie méthodologique de sa thèse « Filmer pour observer » où elle démontre à quel point cette pratique permet de « développer un regard compétent » et d’« adopter un mode d’attention particulier » (Ernwein 2015). Le théoricien du cinéma Kracauer parlait quant à lui des « fonctions de révélation du cinéma » qui permettent de découvrir (au sens propre), de voir et de mettre en présence des phénomènes (Kracauer 2010, p. 87).

Au Tadjikistan, une observation filmée, longue et attentive de la topographie des villages a permis de mieux appréhender les discours des habitants sur leurs perceptions des risques environnementaux. L’observation attentive d’éléments matériels autour desquels se cristallise l’attachement au territoire est également une façon de mieux se saisir des choix résidentiels ou de l’habitabilité d’une vallée de montagne. C’est le cas dans les Alpes, où la caméra a été posée pendant de longues minutes au-dessus d’un village ou en face d’une montagne emblématique. En plus de réussir la prise de vue, ces moments permettent de prendre le temps d’appréhender ce qu’il se passe, d’observer les interactions entre des habitants, de s’imprégner du mouvement à travers le passage de voitures, etc., et de pouvoir visionner cela plus tard, au moment de la rédaction.

À travers la superposition de différents sons corrélés avec le paysage visuel, l’audiovisuel constitue un véritable apport pour la géographie. Il est autant un « élément de dispositif d’enquête, support d’observation et d’analyse […, qu’un] puissant révélateur, un élargissement de l’enquête orale […] et une source de connaissances du passé » (Lynch, 2017, p. 13). C’est notamment en cela que l'audiovisuel a un potentiel heuristique fort pour le géographe. La vidéo, comme d’autres techniques visuelles, est ainsi utile au géographe dans la mesure où elle lui permet d’éduquer et d'entraîner son regard, ce qui peut l’aider à se saisir de la dimension matérielle de l’espace dans ses aspects stationnaires et mouvants.

Filmer une géographie en mouvement

La photographie est plus courante que la vidéo en géographie et accompagne souvent articles, mémoires et thèses. Toutefois, l’image fixe ne retranscrit qu’une infime partie des dynamiques spatiales puisqu’elle ne mobilise que la vue, laissant de côté les ambiances sonores ou le son du vent, très présents dans les territoires montagnards qui nous occupent. De plus, l’image statique manque de profondeur dans l’appréhension des perceptions et des représentations spatiales. Le paysage, le décor d’un espace, l’atmosphère d’un lieu sont mobiles. Et c’est notamment pour cette raison que la vidéo s’avère particulièrement intéressante à intégrer dans une réflexion sur l’isolement en montagne. Les vidéos révèlent une richesse d’éléments à observer et à analyser : déplacements contraints par une inondation ou un glissement de terrain (vidéo 3), mouvement et son de la rivière qui alimentent la vallée (vidéos 4 et 5), silence d’une maison isolée, discussions animées au cœur d’un village, etc.

Vidéo 3 - Limitation des déplacements routiers pour accéder au fond du Queyras en prévision d’un glissement de terrain qui isolerait complètement les derniers villages de la vallée
© A. Barrioz, 2017

Vidéo 4 - Le Giffre qui alimente la vallée éponyme
© A. Barrioz, 2018

Vidéo 5 - Un affluent de la Tinée, le torrent de Sestrière, qui s’écoule à Saint-Dalmas-le-Selvage, Haute Tinée
© A. Barrioz, 2018

La mobilité, le mouvement, et la façon dont les humains peuvent traverser ou franchir l’espace sont des thèmes privilégiés de la géographie mais aussi du cinéma3. Le mouvement de la caméra nous informe sur la méthodologie de travail du géographe-cinéaste, sur son implication physique et sur la façon dont celui-ci franchit l’espace4. Dans le cas d’études comme les nôtres qui donnent une place importante à la mobilité et à l’accessibilité des territoires, il est intéressant pour le géographe et sa caméra de suivre des personnes lors de leurs trajets afin de mettre en lumière les conditions de mobilité. Cette méthode d’ethnographie filmée mobile qui facilite une « compréhension plus située de la mobilité corporelle quotidienne5 » (Spinney 2011, p.161), permet de s’intéresser aux voyages du chercheur sur son lieu d’étude et à ses pratiques de mobilité sur place, qui constituent des informations pertinentes à intégrer à sa recherche. Ces vidéos de mobilité peuvent aboutir à un film de type « road-movie », défini de cette manière par le dictionnaire Collins : « un genre de film dans lequel les personnages principaux voyagent sur les routes d’un pays avec un véhicule motorisé, en faisant différentes rencontres et vivant des aventures, etc., en chemin6 » (2018). Le « road-movie » de recherche illustre donc le trajet, le cheminement du chercheur et ses rencontres, au sens propre comme au figuré. Au Tadjikistan, Suzy Blondin a filmé des voyages partagés, à pied ou dans des véhicules motorisés, dans le but de réaliser des road-movies (ou « road videos ») qui donnent notamment à voir les personnes en mouvement, les conditions d’accessibilité de la vallée étudiée et le voyage de recherche (vidéo 6).

Vidéo 6 - « Sur les routes du Bartang »
© S. Blondin, 2018

Quel que soit le mode de transport, se déplacer implique un mouvement physique et des sensations corporelles7, plus ou moins intenses et appréciées en fonction de l’état de la route et de l’état de santé de la personne, ce dont la vidéo peut rendre compte. D’où l’intérêt pour la géographe qui travaille sur la mobilité de filmer le mouvement, le voyage, le trajet, qu’elle réalise seule ou de façon co-itinérante. Le recours à la vidéo peut aider à traduire ce que signifie concrètement et physiologiquement se déplacer en montagne et sur des routes en très mauvais état. Cela constitue ainsi un moyen de donner une dimension corporelle, sensible et mouvante à la pratique de terrain : la vidéo présentera par exemple des trajets dans des remorques lors de déplacements partagés, où l’image est aussi tremblante que le corps de la géographe, ou de marches à pied dans l’eau glaciale d’un torrent qui inonde la route (vidéos 7 et 8).

Vidéo 7 - Filmer depuis la remorque d’un vieux semi-remorque soviétique, route du Bartang
© S. Blondin, 2017

Vidéo 8 - Filmer les pieds dans l’eau, le long de la route du Bartang inondée
© S. Blondin, 2017

C’est en faisant l’expérience de ces sensations que la géographe prend conscience de ce que peut signifier corporellement se déplacer dans la vallée étudiée, et c’est en le mettant en images qu’elle espère interpeller physiologiquement le spectateur, que ce soit les pairs scientifiques, les participants à la recherche, des étudiants, ou tout autre public.

En somme, notre découverte du terrain et certaines de nos méthodes de travail nous ont conduites vers la vidéo. Notre démarche audiovisuelle nous a permis de nous concentrer plus précisément sur l’environnement physique qui caractérise nos terrains d’études et notamment sur les mouvements qui font la mobilité en contexte d’isolement. Toutefois, la vidéo trouve sa pertinence au-delà de la description d’éléments physiques. En effet, comme nous allons le voir, elle permet d’examiner et de rendre compte du rapport intime qu’entretiennent les habitants d’un territoire avec leur environnement physique, et qui s’exprime de manière particulièrement forte en contexte isolé de montagne. L’environnement physique est alors considéré comme le médiateur et le support de perceptions et d’émotions qui lient les habitants à leur territoire.

2. Filmer la relation des habitants à la montagne

Filmer la relation des habitants avec la montagne est un objectif commun de nos deux travaux doctoraux. Plus que de vouloir simplement illustrer des propos, la vidéo aide à explorer et retranscrire une ambiance et les perceptions d’un lieu que peuvent avoir les personnes qui le fréquentent et le ressentent. Elle « devient un médiateur possible entre science et sensibilité » (Langewiesche et al. 2008, p. 12). La vidéo permet de s’attarder sur la dimension palpable du lien entre habitants et territoires, et, par extension, le film géographique permet de transmettre des résultats par le biais de cette ambiance partagée et d’« impliquer physiologiquement » le spectateur (Kracauer 2010, p. 236). Le film constitue ainsi un outil de choix pour une discipline s’intéressant aux différents sens qui permettent de recevoir les stimuli externes que nous envoie notre environnement. Cette deuxième partie propose tout d’abord une réflexion sur l’utilisation de l’audiovisuel pour appréhender les perceptions que les habitants ont de l’espace montagnard, avant de montrer plus clairement comment les vidéos permettent une exploration sensible de l’attachement intime au territoire. Nous montrerons ensuite que notre cheminement sensible personnel en contexte montagnard isolé a facilité notre compréhension des perceptions et émotions des habitants.

Donner une place centrale aux perceptions de l’espace montagnard

Filmer la montagne, c’est redonner une place de choix à la perception d’un lieu et donc aux sens qui permettent de l’aborder. La géographie s’est éloignée du déterminisme qui la caractérisait à ses débuts et donne de plus en plus de place à l’invisible, tout en interrogeant les liens entre réalité physique et réalité sociale (culturelle, économique, politique, etc.), et plus globalement entre population et environnement. Dans une perspective phénoménologique8, nous ne nous intéressons donc pas seulement à la réalité physique et matérielle des choses (la topologie d’un village, l’état d’une route, une inondation) mais à la façon dont ils apparaissent aux personnes qui interagissent avec, et deviennent ainsi phénomènes.

Dans le cas de nos recherches, les populations entretiennent des rapports intimes avec la matérialité de leur lieu de vie. La montagne tient une place importante dans leur quotidien, à la fois en tant que paysage (le relief, la végétation, l’eau, etc.) et en tant que cadre physique déterminant l’accessibilité des vallées et donc la vulnérabilité des habitants face aux variations climatiques saisonnières. Lorsque les interviewés mettent en avant leur isolement dans l’espace, c’est en faisant souvent référence à des éléments précis de leur environnement. Filmer ces éléments permet de mieux appréhender les propos de nos interviewés concernant leur attachement à cette « nature », tout en nous y familiarisant en tant que chercheuses. Au Tadjikistan, la majorité des participants à la recherche ont manifesté le lien à leur village notamment à travers l’attachement à l’eau des torrents et des rivières qui hydratent, rafraichissent, irriguent (vidéos 1, 2 et 9). Dans les Alpes, ce sont plutôt des références aux montagnes vues et ressenties qui ont été faites (vidéos 10).

Vidéo 9 - Jeune garçon buvant de l’eau de source dans le jardin familial, village de Baghu, vallée du Bartang
© S. Blondin, 2018

Vidéo 10 - Tour d’horizon de la Haute-Ubaye
© A. Barrioz, 2018

Dans les deux contextes de recherche, l’environnement physique est observé, surveillé, parfois craint car c’est lui qui détermine l’accessibilité de la vallée, son ouverture ou sa fermeture. La vidéo permet de rendre compte des pratiques spatiales quotidiennes ou périodiques que les habitants mettent en avant. Par exemple, la neige est un facteur climatique, matériel et palpable qui joue un rôle majeur dans la vie en montagne comme l’attestent ces extraits d’entretiens :

Il y a peu de gens, pas de commodités pour faciliter les déplacements, le déneigement l’hiver peut être une contrainte.

Par contre la neige sur la route, ça me botte pas terrible. Pour conduire sur la neige, il faut prendre son temps.

(Habitants anonymes, Alpes, 2017)

Filmer un trajet pour atteindre un village alors que la route est enneigée et/ou qu’il neige (vidéos 11 et 12) permet ainsi d’appréhender d’une autre manière les conditions climatiques particulières et la distance-temps allongée dans leur dimension physique.

Vidéo 11 - Rejoindre Arêches, petit village du Beaufortain, lors d’une soirée enneigée
© A. Barrioz, 2018

Vidéo 12 - Sur la route du Pamir enneigée, entre Khorog et Ishkashim
© S. Blondin, 2015

En nous attardant sur les interactions entre humains et environnement biophysique, l’audiovisuel nous a aidé à appréhender les perceptions qu’ont les habitants de leur environnement quotidien. Mais, en allant plus loin, la vidéo permet aussi d’appréhender les sensations et émotions émanant de l’environnement des habitants dans un espace de montagne « isolé ». Elles sont particulièrement importantes dans le cadre d’étude portant sur les choix résidentiels et l’habitabilité dans des contextes fortement isolés et/ou exposés à des risques environnementaux nombreux.

Approcher et analyser la montagne par le sensible

Se rapprocher d’une géographie sensible en mobilisant l’audiovisuel nous permet une meilleure prise en compte de la dimension multisensorielle de la vie en montagne, et donc de l’attachement au territoire qui conditionne bien souvent le choix du lieu de vie.

Dans le cas des hautes vallées alpines françaises, le rapport intime que les résidents établissent avec la montagne se reflète par une série de termes employés qui attestent de leur volonté de vivre dans un environnement singulier. Ils parlent de « la beauté des paysages », « de la proximité de la nature », « de la simplicité du lieu », « de l’émotion et du sentiment particulier de vivre ici ». La vidéo 13 (à 6’10) met en avant ce rapport sensible à l’espace : la voix d’un habitant des Alpes qui parle de ce lien particulier qu’il ressent est superposée à un paysage où le soleil se lève doucement sur une montagne enneigée.

Vidéo 13 - Extrait du film de thèse présentant les principaux résultats
© A. Barrioz, 2019

Filmer l’environnement physique met également en valeur des paysages sonores. En ce sens, le son de la vidéo permet de compléter l’approche uniquement visuelle sur laquelle s’appuie la géographie. L’image sonorisée appréhende une autre facette de l’espace, celle de l’ambiance sonore dans laquelle vivent les habitants des vallées rencontrés. C’est le cas de cette habitante qui « ne pourrai[t] pas vivre autrement » et qui déclare : « on a la source, l’eau et le chant des oiseaux le matin… ». Ici c’est bien le son de la vidéo qui permet de comprendre pourquoi elle a la volonté de vivre de façon « isolée » (extrait 14).

Vidéo 14 - Paysage de la vallée du Haut Giffre où la vidéo fait entendre le chant des oiseaux
© A. Barrioz, 2017

De cette manière, la vidéo permet de donner de la substance aux émotions exprimées par les interviewés qui mettent en avant un attrait pour le vivant. Cette « biophilie » crée des ressentis, des émotions voire des sentiments plus ou moins intenses à la vision ou à la fréquentation d’un lieu.

Ce sont des perceptions et émotions qui relèvent de la subjectivité des individus qui sont finalement mises en avant grâce à la vidéo. Cette subjectivité de nos interlocuteurs est appréhendée à travers notre propre regard et notre expérience sensible du terrain. Grâce au vécu du géographe en chemin, on donne à voir les conditions de mobilités et les interactions avec la biophysique à hauteur d’humain. La vidéo a donc ce double intérêt : elle permet de transmettre perceptions et sensations de façon physiologique au spectateur et elle encourage le géographe à considérer les aspects sensibles et incarnés du terrain et ce, d’autant plus en contexte d’isolement.

Explorer la vallée isolée au travers de la vidéo

Les perceptions environnementales et les émotions liées au territoire ont d’abord été étudiées à partir de notre façon personnelle, subjective et sensible de faire l’expérience de l’isolement. Cette approche sensible (du latin sensibilis, sentire, percevoir) donne de l’importance à notre vécu sur le terrain. Elle nous aide à comprendre l’espace par les sens, à contempler les paysages, à palper les mouvements de la végétation, à effleurer des cultures agricoles, à percevoir l’effet de la neige qui mouille, à entendre le tonnerre qui gronde, à saisir l’agitation d’une route et les déplacements des corps qui la déblaient, à suivre une habitante flânant sur les chemins à la recherche du calme et de la lenteur… Le géographe-cinéaste peut alors capter ces sensations et utiliser la vidéo comme facilitateur d’observation, moyen de donner à voir de façon directe, rapide et significative des éléments sans avoir nécessairement recours aux mots.

Alors que la rareté des images sur ces espaces de montagne et l’invisibilité de ces vallées contribuent d’autant plus à renforcer la perception d’enclavement de ces territoires, la vidéo permet d’explorer des terrains de recherche et de les faire sortir, d’une certaine manière, de leur isolement. En s’opposant à l’idée que ces vallées sont uniquement des angles morts isolés de montagne, les chercheuses que nous sommes ont vu dans la vidéo un moyen d’expérimenter le terrain et de faire état de nos pratiques empiriques.

De plus, à travers la caméra, l’outil vidéo a pu représenter un facilitateur de rencontres et un moyen d’apprivoiser ou parfois de rompre la solitude. Alors que nous étions isolées dans des contextes particuliers, la caméra nous a permis de favoriser les contacts, notamment dans le massif du Pamir où filmer avec un appareil de type réflex est un acte moins fréquent que dans les Alpes. Cela nous a aussi permis de nous focaliser sur notre réflexion personnelle, notre intérieur de recherche et notre capacité à prendre du recul. L’isolement se retrouve dans la pratique du terrain en elle-même, mais pas seulement. De manière générale l’observation filmée nécessite une concentration qui engendre une certaine forme de solitude. Cela permet notamment de se focaliser sur notre réflexion personnelle, de s’effacer un temps, voire de se replier pour laisser venir les pensées et la réflexion. L’isolement réside donc dans l’expérience du terrain en elle-même, mais pas seulement.

En effet, la notion d’isolement revêt une troisième dimension. Se lancer dans la prise de vidéos dans ces espaces relativement isolés, et qui plus est dans la réalisation d’un film en géographie, n’est pas sans difficulté. En cela, que ce soit dans le Pamir ou dans les Alpes, l’utilisation de la vidéo a été envisagée comme une méthode exploratoire, comme un « road-movie » nous menant sur les routes du terrain au hasard des événements et rencontres.

Ainsi, en situation d’isolement géographique, technique et épistémologique, nous avons trouvé dans la vidéo un outil précieux pour l’exploration de vallées de recherche. La vidéo nous a permis de mieux toucher et sentir ce qui fait la montagne et, par extension, de mieux appréhender le rapport sensible que les habitants entretiennent avec leur environnement physique : comment ils l’apprécient, l’observent, le touchent, l’écoutent. Cela s’est fait grâce à la mise en avant de différents sens (ouïe notamment) et par l’appréhension d’une dimension immatérielle de l’ordre du ressenti voire de l’affectif. Dans nos travaux, le matériel (une montagne, un cours d’eau, un chemin) est le support et le médiateur de l’immatériel (sentiment d’attachement à un village, à une vallée). La vidéo ouvre donc le champ de l’exploration des terrains, dans une perspective réflexive, subjective et sensible mais aussi de nouvelles méthodes de recherches pertinentes à utiliser en contexte doctoral. Au fur et à mesure que ce parti-pris épistémologique s’est affiné dans notre travail, la place à accorder à l’audiovisuel dans la thèse s’est précisée, comme va le montrer la partie suivante.

3. L’audiovisuel dans une thèse de doctorat en géographie

L’utilisation de l’audiovisuel est une démarche qui demande au préalable d’être légitimée auprès des chercheurs qui nous entourent. En effet, à l’heure où les technologies de l’information et de la communication ont une place grandissante dans nos sociétés, le géographe-cinéaste est encore relativement isolé au sein de sa discipline. L’utilisation de la vidéo demande d’oser la prise de risque méthodologique, tout en étant en accord avec les méthodes de travail de la géographie, ce qui s’avère d’autant plus difficile en contexte doctoral et de premiers pas dans la recherche. Cette troisième partie va aborder la question de la place à accorder à l’audiovisuel dans nos thèses de doctorat, la façon dont la vidéo nous permet de faire de notre recherche doctorale une « géographie partagée » et finalement nous discuterons des attentes et enjeux relatifs aux films de géographe.

La place de l’audiovisuel dans la thèse

Dans nos deux contextes doctoraux, la démarche audiovisuelle s’est construite progressivement. La réflexion méthodologique et heuristique s’est étoffée au fur et à mesure des séjours sur le terrain. Il a tout d’abord été difficile d’assumer le statut de preneur d’images débutant. Et pourtant, nous avons osé, en filmant tout d’abord ce qui s’offrait à nos yeux (paysages, routes, aléas environnementaux…) avant de nous intéresser plus spécifiquement à la relation habitants-environnement (interactions entre habitants et réalité physique).

Les enregistrements audios d’entretiens sont également utilisés comme des voix off pour donner corps à l’image présentée et accentuer la mise en relation des caractéristiques présentées par les habitants (vidéo 13). D’un point de vue matériel, ce travail a été accompagné de multiples interrogations. Le matériel simple et léger que nous avons choisi, bien que limité techniquement, permet de nous adapter aux contextes de recherche qui demandent de filmer seules, en itinérance, et généralement avec des moyens limités. L’audiovisuel s’est petit à petit imposé comme une méthode-clef dans la thèse, au fur et à mesure de l’avancée du travail de terrain, de la découverte de la prise d’images et de sons, du montage, de l’analyse des données, de l’écriture textuelle…

Des exemples récents ont montré que faire des vidéos dans le cadre d’une thèse pouvait correspondre à des méthodes de travail bien différentes. Dans certains cas, la vidéo est mobilisée surtout pour ses aspects heuristiques et dans d’autres à des fins plutôt illustratives ou didactiques. De plus, les vidéos peuvent être au cœur de la démarche heuristique mais ne pas être rendues avec le manuscrit. C’est le cas notamment de la thèse de M. Ernwein dans laquelle les vidéos ne figurent pas même si la démarche audiovisuelle et son potentiel heuristique sont largement explicités dans le rendu final (2015). La démarche audiovisuelle sur le terrain peut également résulter d’un besoin de collecte, d’archivage et de documentation d’évènements ou de paysages particuliers (De Flore, 2015 ; Ronsin, 2018). Les images récoltées constituent alors un bloc-notes de terrain pour le doctorant.

Dans nos contextes doctoraux, les résultats ne reposent pas nécessairement sur la réalisation d’un film. Pour A. Barrioz, cette méthode exploratoire a été pensée dès le début de la thèse mais n’a jamais été l’objectif principal de la réflexion. La vidéo étant une méthode de recherche complémentaire, il a fallu prendre le temps d’expliquer la présence de la caméra auprès de tous (chercheurs et habitants), afin de légitimer son utilisation, ce qui a finalement été particulièrement délicat. Face à cette difficulté, l’exploration filmique permet d’avancer dans la réflexion tout en offrant une certaine liberté créative ainsi qu’un cadre d’analyse différent, voire nouveau.

Quand la vidéo accompagne l’écrit dans le rendu final, il ne s’agit pas obligatoirement de réaliser un « film de thèse ». Comme l’illustre la thèse de C. Buire, le doctorant peut faire le choix d’intégrer des vidéos montées qui constituent des « épisodes » accompagnant des chapitres précis de la thèse. C. Buire justifie ainsi son choix : « le choix de multiplier des vidéos n’excédant pas un quart d’heure répond au refus de limiter le discours filmé à une narration cinématographique fermée par un scénario unique » (Buire, 2011, p. 143). Comme l’explique G. Ronsin, ce peut aussi être au fur et à mesure de la recherche que l’on découvre le statut que la vidéo prendra dans le rendu final de la thèse (Ronsin, 2018). Nous nous retrouvons personnellement dans cette démarche exploratoire où nous découvrons petit à petit le rôle que l’audiovisuel joue dans notre travail.

Ainsi, S. Blondin réalise une thèse par articles et ce découpage en articles s’accompagne d’une réflexion audiovisuelle en chapitres (ou épisodes). Le chapitre méthodologique de la thèse reviendra sur la mise en relation de l’audiovisuel et de l’écrit. Un court montage ayant pour thème les mobilités sur son terrain (vidéo 6) a été réalisé, et elle finalise actuellement un montage sur un participant à la recherche dont la famille a été déplacée à cause de catastrophes naturelles, ainsi qu’un autre sur l’attachement des habitants à leur vallée. La réalisation d’un film de thèse regroupant ces différents épisodes est en cours de réflexion. Pour A. Barrioz, la dimension audiovisuelle a pris une place importante dans la pratique de terrain, et notamment dans l’approche « ethnogéographique », via la méthode d’observation participante dans un des terrains (Beaufortain). Dans l’objectif de retranscrire cela d’une façon plus concrète, un court-métrage d’une vingtaine de minutes (Barrioz, 2019), synthétise les principaux résultats de la thèse en alliant les images filmées, une présentation cartographique des terrains, la mise en avant visuelle de données statistiques couplées avec la voix off. Il a pour objectif de servir de support de présentation des résultats pour les acteurs rencontrés et les soutiens financiers du travail de recherche. Plusieurs sous-parties du manuscrit de thèse sont consacrées à l’explication de cette démarche audiovisuelle.

La place à accorder à la vidéo dans le travail de recherche peut donc être variée et la démarche audiovisuelle s’avère chronophage sur le terrain comme lors des moments d’écriture et de montage. Articuler écriture filmique et texte demande également d’être précisément pensé afin de ne pas perdre la pertinence et la coordination des deux. À chaque géographe d’articuler au mieux l’audiovisuel avec ses autres méthodes de travail. Dans le contexte de nos thèses de doctorat, la découverte progressive de l’audiovisuel en parallèle de questions méthodologiques plus larges, d’allers-retours sur le terrain et de la rédaction d’articles et du manuscrit de thèse a stimulé notre réflexion générale d’apprenties-chercheuses et nous a permis de nous positionner plus clairement du côté d’une géographie incarnée, vécue et partagée.

La « géographie partagée » 9

Faire sortir ses vidéos et films des murs de l’université, mais aussi impliquer des informateurs, des interviewés et éventuellement des techniciens dans le processus audiovisuel, c’est aller dans le sens d’une géographie partagée. Penser la géographie, tout comme la science en général, en termes de partage, c’est se poser des questions éthiques fondamentales (Collignon 2010).

Au Tadjikistan, S. Blondin sollicite ses informateurs en récoltant des photographies et vidéos prises par leurs soins. Elles constituent des informations précieuses concernant la route et ses états changeants, les conditions de mobilité, l’isolement, etc. Ces images peuvent être des moteurs de discussion et permettent à la chercheuse l’accès à des images qu’elle n’aurait pas pu filmer (à une saison où elle était absente par exemple) ; mais cela rend également concrète l’expérience de « géographie partagée » en analysant la façon dont les populations elles-mêmes peuvent documenter certains évènements de leur quotidien, et en créant ensemble un objet filmique et géographique. Cela participe par ailleurs à réduire la relation inégalitaire qui peut apparaître entre le chercheur, caméra au poing, et les personnes filmées. Au Tadjikistan, tous les informateurs ne sont pas équipés d’outils numériques mais, même dans un contexte où l’accès à l’électricité reste un enjeu majeur, l’usage grandissant du smartphone a rendu plus commune la prise d’images. Dans les Alpes, la difficulté a davantage été de partager pleinement cette recherche avec des habitants. Malgré une démarche en amont pour expliquer ce travail et l’intérêt de la vidéo, les habitants rencontrés sont restés au statut d’informateurs via un discours oral et non de réalisateurs de vidéos qu’ils utilisent pourtant au quotidien.

D’autre part, rapporter sur le terrain un film plutôt qu’un travail écrit, souvent long et éventuellement dans une langue étrangère, facilite la diffusion des données sur le terrain de recherche car un film est généralement moins excluant qu’un texte. Cet échange permet aux informateurs de mieux comprendre les raisons de la présence du chercheur sur le terrain, mais aussi de bénéficier des résultats de cette recherche. Comme cela a été déjà vécu par S. Blondin, cela permet aussi d’encourager questions et critiques à propos de la méthodologie, de l’éthique de la recherche et du travail en lui-même (Colleyn, 2009). Le retour sur le terrain aide donc le chercheur à poser un nouveau regard sur sa recherche et sur son film et participe aussi à renforcer l’intimité de la relation avec les informateurs. Au Tadjikistan, les projections de séquences montées ont souvent été suivies de nouvelles discussions précieuses pour la recherche et qui correspondent à ce que M. Ernwein appelle séances de « vidéo élicitation collective » (Ernwein 2015), c’est-à-dire où la vidéo stimule la discussion. Dans les Alpes, A. Barrioz a prévu de retourner dans chacune des vallées étudiées à la fin de la thèse, afin de présenter le court-métrage de présentation des principaux résultats de la recherche.

Le chercheur et sa caméra peuvent également devenir un moyen précieux de prêter voix à une population dans une logique activiste (voir Pink, 2011). Ainsi, si le chercheur et les autres participants à la recherche profitent de la plus-value audiovisuelle, cela permet de créer une relation de recherche plus forte, au cœur d’une géographie appliquée et partagée. Dans le cas des recherches de S. Blondin au Tadjikistan, différents participants à la recherche ont sollicité l’aide de la chercheuse, à travers ses images, avec deux finalités principales : la valorisation des paysages et de la culture locale dans un but touristique et, de façon un peu moins courante, la diffusion d’images illustrant la difficulté des conditions de vie dans un but de sensibilisation politique ou d’appel à l’aide humanitaire. En juillet 2017, elle a filmé des hommes rehaussant une portion de route complètement inondée et impraticable avec seulement quelques outils (vidéo 6). Plusieurs fois, les hommes du chantier l’ont priée de diffuser au maximum ces images afin de faire connaître les conditions de vie de la vallée et la pauvreté des infrastructures. En devenant le porte-voix de différents acteurs dans une logique critique, activiste ou humanitaire, le géographe-cinéaste apprend aussi à poser un regard critique sur les scènes qui s’offrent à ses yeux et sur l’accueil qui lui est réservé dans différents lieux selon les intérêts des personnes filmées (Collignon, 2010). Cette transmission de messages entre le terrain de recherche et le pays ou l’institution d’origine du chercheur par le biais de vidéos permet aussi d’aller dans la direction d’une géographie utile et « partagée ».

Enjeux et attentes relatifs aux films de géographes

Au regard de l’ensemble des éléments présentés, un certain nombre d’enjeux relatifs à la production et à la réalisation de films de géographes ressortent, en commençant par interroger le couple montrable/regardable. En effet, comment la dimension esthétique des documentaires et des films de télévision et de cinéma peut-elle être mise de côté pour aller davantage vers des vidéos « brutes » mais d’intérêt géographique ? Si le spectateur est habitué à voir de « belles » images au cadrage et au montage professionnels, il nous semble nécessaire dans notre travail de thèse d’anticiper toute critique à ce sujet et d’expliciter la démarche filmique en début de film, de présentation orale ou dans le manuscrit de thèse (ou livre, article de recherche…). Pour reprendre les mots de L. Faugères, le film tel que nous l’entendons ici est davantage un « cinéma de recherche » plutôt qu’une « recherche de cinéma » (1987, p. 52). De plus, c’est surtout sur le fond que la mobilisation de cette méthode se révèle pertinente. La plus-value de l’image animée se distingue par rapport à un film classique puisque c’est l’ensemble des images filmées, « belles » et moins agréables à regarder, qui nous intéressent, qu’elles aient été prises sur l’instant ou de façon plus anticipée. Dans nos cas, notre amateurisme technique a pu être ressenti comme un complexe et une difficulté à surmonter. Par exemple, il a souvent été jugé nécessaire de parler du contexte de réalisation des extraits ou des films, juste avant une projection auprès de scientifiques, comme s’il fallait expliquer au préalable le résultat et comme si les vidéos ne pouvaient se suffire à elles-mêmes. Nous nous sentons parfois obligées de justifier que certaines séquences dont le cadre bouge (vidéo 8) où l’image n’est pas nette, peuvent constituer un matériau de choix pour un film de recherche. Les enjeux esthétiques et politiques notamment n’apparaissent plus comme des barrières mais doivent être intégrés à la réflexion sur la production de l’image scientifique. Ce parti-pris de recherche audiovisuel peut être explicité et revendiqué à l’écrit, ce qui constitue un des intérêts du présent papier. Les éléments audiovisuels qui offrent une plus-value au travail de recherche vont bien au-delà de ce qui pourrait être montrable ou regardable dans un film de cinéma ou de télévision.

Le film de géographe invite donc à une analyse et une interprétation scientifique. Il « plonge le spectateur, par des moyens qui relèvent de l’écriture cinématographique, dans un univers mental qui est celui du géographe » (Faugères, 1987, p. 52). Les critères d’évaluation de ce type de travail ont été réfléchis depuis les débuts de l’utilisation de cette méthode en géographie (Faugères, 1987 ; Browaeys, 1999). Certains éléments se rapprochent des productions manuscrites classiques puisque la précision des objectifs et de la méthodologie, le contenu du film, la structure, la présentation et l’expression définissent une première base de l’évaluation d’une production audiovisuelle. En géographie, on s’attachera également à la place accordée aux recherches sur le terrain. Mais en se distinguant du rapport écrit, du documentaire et du témoignage, c’est davantage la dimension réflexive qui fonde la pertinence de ce type de travail. Pour X. Browaeys, « l’image oblige à assumer sa part inévitable de subjectivité, ce qui ne veut pas dire abaisser sa “garde méthodologique” » (1999, p. 26). Ainsi, l’analyse du contenu par le chercheur et les comparaisons proposées constituent des critères importants. Plus précisément, L. Faugères a proposé des solutions pour évaluer le fond d’un travail filmique. Il explique que les quatre concepts-clés de la géographie de l’époque que sont le paysage, l’espace, la structure, la dynamique et l’historicité pourraient faire office de critères d’évaluation, à condition qu’ils mettent toujours « en relation […] des paysages, des objets et des sujets » (1987, p. 53). Dans nos cas, nous veillons à relier notre démarche filmique avec la mobilisation de différents concepts liés à la mobilité, à l’isolement et à la marginalité. Par exemple, le montage de S. Blondin (vidéo 6) s’est inspiré du concept de motilité, défini comme le potentiel de mobilité, et de deux dimensions centrales du concept que sont l’accessibilité et les compétences de mobilité. A. Barrioz s’est quant à elle appuyée sur un triptyque mêlant les notions de marginalité, d’attractivité et de pérennité pour construire son court-métrage.

Sur la forme, la Society for Visual Anthropology propose d’évaluer la conception, l’efficacité des œuvres visuelles ainsi que les compétences techniques mobilisées dans le cadre de la réalisation d’un film (2001). Cela nécessite donc intrinsèquement la création de plateformes de publication qui faciliteraient autant la nécessaire, bien que contestée, évaluation par les pairs (Berkeley, 2016) que la valorisation du travail de recherche auprès d’un large public.

Dans tout travail de création filmique, se posent également des questions d’éthique et de droit à l’image. Comme pour les photographies, les captations et exploitations de vidéo montrant le visage d’une personne sont soumises à autorisation. La jurisprudence sur la vidéo est encore peu étoffée10. Pour la photographie, la justice française distingue la prise d’images dans un lieu privé comme le domicile (accord entre les parties obligatoires) et dans un lieu public où l’image d’une personne peut être utilisée « sans son accord, à condition que cette photo présente un caractère d’actualité et permette d’illustrer une information » (Stérin, 2017, §4). Le respect du droit à l’image demande donc d’anticiper les prises de vue. Les deux parties (chercheur et personne filmée) doivent normalement signer un contrat lorsque le contexte l’exige (lieu privé, visage filmé en gros plan hors des conditions sus-explicitées). Dans les faits, il faut reconnaître que ces obligations nécessitent de mettre en place une démarche administrative précise. La réflexion des géographes à ce sujet doit mener à garantir le respect de ces droits tout en maintenant la spontanéité qui fait l’intérêt de la vidéo.

Dans nos cas, nous nous assurons du consentement des personnes filmées/enregistrées en interview, nous veillons à ne pas instrumentaliser leurs propos et gestes, et à toujours adopter une attitude en accord avec les principes éthiques de notre discipline. Si elles le souhaitent, nous leur proposons également de visionner le montage avant de le diffuser. Cette question du droit à l’image a clairement été une barrière à l’appropriation totale de ce matériau de recherche dans le cas du travail mené par A. Barrioz. Certaines personnes n’ont pas souhaité être enregistrées donc les filmer n’a pas pu être envisagé. Cette méthode étant complémentaire dans son travail qui s’attache d’abord à comprendre les trajectoires de vie d’habitants, la démarche de recherche a d’abord consisté à mettre en confiance les enquêtés. Pour pleinement utiliser cet outil, il faudrait, dans une recherche future, proposer directement la présence de la caméra. L’objectif de réaliser un film portant sur le rapport des habitants à l’isolement pourrait être explicité directement. Cela n’était pas le cas au début de la recherche puisque cette méthode était exploratoire. La reconnaissance, par les pairs et les enquêtés, la présence légitime de la caméra mais aussi de son utilisation à des fins scientifiques, pourrait ainsi être facilitée.

Nous espérons que les travaux récents et en cours sur ces questions encourageront les enseignants et chercheurs à réaliser mais aussi à accompagner et évaluer des films ou vidéos de recherche. Bien entendu, les suites du colloque de Bordeaux et la publication de ce présent numéro vont dans le sens d’une meilleure reconnaissance de l’utilisation de la vidéo en géographie.

Conclusion

Utiliser la vidéo en géographie permet de se poser des questions épistémologiques fondamentales sur la nature même de la géographie en tant que science humaine et sociale et en tant que discipline, sur son intérêt et ses destinataires, ainsi que sur les enjeux éthiques de notre travail.

Ce papier a présenté deux exemples concrets et relativement similaires d’une démarche audiovisuelle s’inscrivant dans le contexte de thèses de géographie. Notre approche s’insère dans une perspective phénoménologique et empirique, et dans une démarche de géographie sensible au service de nos intérêts pour les pratiques spatiales des populations et les perceptions qui en découlent. La vidéo facilite ainsi notre étude de mobilités et de trajectoires individuelles et notre analyse de l’attachement au territoire de montagne. En captant des ambiances visuelles et sonores, la vidéo permet également aux chercheuses que nous sommes de coupler scientificité et créativité. Toutefois, intégrer cette méthode de travail nécessite d’approfondir des questions sur l’éthique mais aussi sur la subjectivité du chercheur. L’honnêteté intellectuelle consiste ici à assumer la subjectivité des conditions de production de la connaissance mais aussi à reconnaître que la vidéo est une méthode exploratoire de travail. Les contours de son utilisation, les formes de restitution ou encore les caractéristiques de son intégration dans un travail manuscrit plus classique diffèrent selon les démarches et de multiples façons d’utiliser cet outil en géographie restent à explorer.

Tout en considérant ces enjeux, il ressort néanmoins que la vidéo, de même que d’autres méthodes dites artistiques (bandes dessinées, peinture, etc.), obligent le chercheur à poser un nouveau regard sur la géographie et sur son terrain. Ces différentes méthodes permettent aussi la diversification de la transmission et de l’enseignement des résultats de recherche à des publics variés. Nous espérons ainsi que cet article permettra d’inciter les étudiants, les enseignants et les chercheurs à se saisir de ces outils visuels et sonores de recherche.

Notes

1 Nous utilisons dans ce papier les termes -isolé- et -isolement- dans leur usage commun bien que nos travaux discutent et critiquent justement cette notion.

2 Traduction libre : « Il n’y a pas de meilleur moyen d’être saisi par les caractéristiques particulières d’un paysage que de s’asseoir et d’en faire un dessin. Le dessin n’est pas une simple archive. C’est un moyen de permettre au géographe de voir ce qu’il regarde et un pas en avant vers la compréhension de ce qu’il voit » (Linton, 1960, cité dans Sidaway, 2002).

3 Voir Kracauer sur l’importance au cinéma du mouvement, et notamment de la poursuite (2010, p. 81), du voyage et de la traversée (2010, p. 114).

4 Le film de l’anthropologue Julien Glauser Tokyo through the looking glass (2012) issu de sa thèse « Revers de Tokyo : images et imaginaires du skateboard : recherche en anthropologie visuelle » (Glauser 2012), constitue un excellent exemple de co-itinérance filmée (en skateboard).

5 Traduction libre de « a more situated understandings of daily corporeal mobility » (Spinney 2011, p.161).

6 Traduction libre de « a kind of film in which the main characters travel highways of a country by motor vehicle, having various encounters, adventures, etc. along the way » (Collinsdictionary.com)

7 Urry parle de « sensuousness » de la route (Urry 2007, 125). Voir aussi l’article de Mondada (2014) pour un exemple de tournage avec une caméra mobile et qui rend compte de façon très détaillée du mouvement d’un groupe lors d’une visite guidée, avec alternance de moments de mobilité et d’immobilité.

8 Voir Sanguin (1981).

9 Clin d’œil à Jean Rouch qui parlait d’« anthropologie partagée » (Colleyn, 2009).

10 Il s’agit là d’un des chantiers ouverts par la présente Revue Française de Méthodes Visuelles (voir le texte « Edito-Manifeste » reproduit en ouverture des deux premiers numéros de la revue, Bouldoires et Reix, 2017).

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Pour citer cet article

Anne Barrioz, Suzy Blondin, « Filmer la montagne et l'isolement. Les dimensions matérielles et sensibles de l'attachement au territoire et de l'accessibilité », Revue française des méthodes visuelles [En ligne], 3 | 2019, mis en ligne le 5 juillet 2019, consulté le . URL : https://rfmv.fr