Mélodie Drissia Tabita, vidéaste, Directrice adjointe du Lab’AF (Laboratoire d’Anthropologie Filmée)
Je suis vidéaste. Après un Master en cinéma documentaire à l’Université de Provence, j’ai travaillé comme assistante-monteuse et preneuse de son sur des films documentaires. J’ai collaboré avec l’anthropologue et cinéaste Christian Lallier en tant qu’assistante de réalisation et preneuse de son sur un tournage de 18 mois pour son film documentaire, L’Élève de l’Opéra. Après cette expérience, j’ai réalisé un poème sonore, « La dame au pain biscuit ». J’ai également réalisé un film documentaire, Avec le frère de mon père mort, voyage inverse jusque dans les collines du Rif, au Maroc, là où est né mon père… Ce film a été sélectionné en compétition pour l’édition 2016 du festival RISC (Rencontres internationales Sciences et Cinémas) à Marseille et également sélectionné à l’édition 2017 du Festival international du Cinéma Numérique de Cotonou au Bénin où je suis allée le présenter. Actuellement, je travaille au montage d’un film documentaire et à l’écriture d’une nouvelle. Je viens de réaliser une vidéo intitulée Faut pas t’inquiéter. J’ai également participé en tant que preneuse de son et assistante de réalisation aux deux dernières productions du Lab’AF (Laboratoire d’Anthropologie Filmée) dirigé par Christian Lallier. Je suis aujourd’hui directrice adjointe de cette structure et nous travaillons actuellement sur une enquête ethnologique autour de la mémoire culturelle d’un site industriel du nord de la France.
Ma toute première expérience en tant que preneuse de son remonte à 2005 pour le tournage d’un short institutionnel dans le cadre d’un stage d’étude. Et il me reste encore de cette journée de tournage à la raffinerie de La Mède, la prégnance d’un sentiment et d’une étrange sensation. Comme le retour à un état fœtal où, attachée par un cordon à la matrice-caméra, je me suis retrouvée plongée dans un bain sonore, déformant mon propre rapport au dehors. Je pouvais entendre ce que l’on se disait à vingt pas devant moi par la portée du micro HF1 et de la perche quand, dans le même temps, ce que me disait le collègue face à moi était inaudible par l’emprise de ce casque sur les oreilles. Je garde comme une empreinte cette sensation à la surface de la peau.
Huit ans plus tard, en 2013, je retrouve ce même état de corps et de perception. Je suis alors preneuse de son sur un terrain en anthropologie filmée qui durera dix-huit mois, conduit par Christian Lallier pour la réalisation de son film, L’Élève de l’Opéra2. Il s’agit ici de s’engager à rendre compte des situations dans leur complexité à partir des interactions et des relations sociales entre les acteurs du terrain3.
Extrait audio 1 - L’Élève de l’Opéra :
C’est comme ça que je l’ai vécu
4’14
Dans les conditions du documentaire d’observation filmée, poser un micro HF demande la plupart du temps rapidité et précision. C’est un geste qui s’effectue souvent au bord d’une situation déjà en jeu et sur laquelle je dois alors me retirer au plus vite. Ce qui peut sembler être de simples salutations entre des personnes sont des lieux de mise en représentation des rapports institutionnels et des relations symboliques qu’il convient de savoir observer et filmer. Sur le tournage de L’élève de l’Opéra, nous faisions en sorte de pouvoir trouver les personnes que nous allions filmer pour un cours, un atelier ou une réunion bien avant que la situation formelle ne soit engagée afin que je puisse les équiper du micro et faire mes tests sons. C’est aussi par la même, par cette disposition hors de la situation formellement instituée, que nous nous donnions la possibilité de rendre compte des espaces interstitiels qui sont autant de lieux où des enjeux peuvent se manifester. Pour cela, il faut acquérir une bonne connaissance de son terrain, repérer les habitudes, les espaces, les logiques et les voies de déplacements des individus et des groupes sociaux au sein de l’environnement observé. Dans d’autres cas, si nous arrivons alors que les acteurs de la situation sont déjà engagés dans un échange, je dois alors faire valoir de la nécessité de mon action qui consiste à poser un micro et effectuer des tests sons, tout en sachant faire preuve de discrétion et d’efficacité.
L’approche immersive du documentaire d’observation ou de l’anthropologie filmée suppose de pouvoir construire son propre cadre d’engagement au sein d’une situation sociale qui existe en dehors de soi. Autrement dit, un des enjeux préliminaires à notre action est de construire nos propres repères de travail dans un espace de travail tout autre, qui est celui des autres. Poser un micro sur une personne est toujours un geste délicat, précis, qui ne va pas de soi. L’objet-micro peut faire un effet miroir et renvoyer la personne à sa place dans la situation et à la complexité du cadre institutionnel dans lequel chaque individu doit agir et qu’il doit tenir.
En effet, nous agissons dans des cadres et qu’ils soient ceux du travail ou ceux de la famille, chacun va tenter autant que possible de tenir sa place. L’enjeu de sa place dans un cadre social peut être mis en tension entre ses convictions propres et les attentes du rôle ou de la fonction que l’on incarne ou représente. Chacun doit alors pouvoir accorder en soi-même ce en quoi il croit - les convictions, avec ce qu’il doit - les attentes. Cet objet-micro placé sous les vêtements, au contact de la peau ou presque peut renvoyer la personne filmée à son propre corps ; or quand nous agissons dans un cadre social, le rapport à notre corporéité est régi selon des codes et des règles de conduite précises, convenues. Il est attendu d’abstraire cette part de soi pour souscrire au cadre que nous incarnons, notre corps devenant un membre représentant du cadre institutionnel par lequel nous nous engageons. Si la personne se sent mal à l’aise dans la situation, l’objet-micro peut devenir une chose, une tout autre chose qu’un simple outil technique. On le tripatouille, le tapote comme on rongerait discrètement ses ongles et ce micro devient un petit bout de soi. Il me faudra pour autant pouvoir gérer ces interférences, ce son altéré - par le moi-peau4 de l’autre, tout en respectant l’espace intime de la personne.
Le dispositif technique qui me permet de prendre le son me lie, physiquement, à celui qui filme. Faire le son c’est être la continuité entre l’autre filmé et l’autre filmant.
La mixette reliée par un cordon à la matrice-caméra modifie mon rapport à l’espace et à mon propre corps en tant qu’il construit un autre état de motricité. Contrainte dans mes déplacements par la longueur du câble qui me relie à la matrice-caméra, il me faut entrer dans le pas de cette démarche qui n’est pas mienne quand bien même je la partage, à savoir – rendre compte de l’engagement d’individu dans une situation de travail à travers l’observation des interactions sociales. Je dois non seulement percevoir le rythme propre de la situation, ce qui se joue et m’accorder au pas, au rythme et à l’état de perception de celui qui filme et qui réalise. Le micro-perche tenue à bout de bras devient un axe autour duquel je rayonne et que je porte autant qu’il me supporte dans l’espace où je dois me mouvoir en rythme, comme une danseuse, presque sur la pointe des pieds. Je dois aussi pouvoir ajuster, dans le flux des déplacements conduits par la situation et le filmant, la longueur du câble du micro-perche en fonction de la distance qui me sépare de la personne filmée. Cette contrainte, ce pli du réel construit potentiellement un rapport performatif à la situation. C’est avec ce corps recomposé, cet état de corps propre qu’il s’agira de s’engager dans une situation déterminée sans déterminisme où l’enjeu d’une preneuse de son en milieu humain sera de trouver sa place entre le filmé et le filmant.
S’accorder à la dynamique propre de la situation sans préjuger de ce qui pourrait advenir est parfois, tout simplement, un exercice de bon sens. Si une personne regarde l’heure et dit qu’elle doit y aller, il y a de grande chance qu’elle se lève et qu’il me faudra aussi lever ma perche ! Citer un tel exemple peut sembler tout à fait anecdotique et pourtant quand on s’attache à rendre compte d’une situation à partir des acteurs qui y sont engagés, c’est par l’observation du quotidien ordinaire d’un individu que l’on pourra rendre compte d’une réalité singulière. Porter l’attention aux évènements les plus modestes ou comment tenter d’appréhender le monde à soi – l’umwelt 5 de cet autre qui me fait face. Durant le tournage de L’Élève de l’Opéra, nous avons été amenés à suivre des situations où plusieurs interactions se déroulaient simultanément. Nous circulions entre ces différentes circonstances d’échanges. Il me fallait alors parfois assurer la prise de son avec le seul micro-perche. L’autre difficulté dans une telle situation multimodale est de savoir quelle interaction filme le caméraman-réalisateur au moment de la prise de son. Les conditions de cet accord sont parfois délicates car il n’est pas toujours possible pour le caméraman de désigner les personnes filmées au risque d’interférer dans la situation observée. Cette fragilité de l’accord suppose de développer une disposition, un état de veille, d’advertance et de grande porosité avec celui qui filme afin de pouvoir accompagner son mouvement, celui-là même enchâssé dans la situation.
Extrait audio 2 - L’Élève de l’Opéra :
La ritournelle
2’12
Filmer et prendre le son dans ce qui est une situation de travail qui relève du quotidien pour ceux qui y sont engagés, c’est accepter une place précaire et liminaire. Ni en dehors ni tout à fait dedans. Pris dans le mouvement de ce qui se joue, nous restons toujours au seuil de l’entre-soi, en dehors de la familiarité des échanges puisque notre condition - en tant qu’être hybride équipé d’une caméra et de micros - fait de soi un tout autre. Nous ne sommes pas les acteurs de la situation, nous sommes tout au bord, passagers clandestins montés à bord d’une situation où il n’y a pas a priori de place pour soi. Nous avançons au rythme des interactions.
J’ai remarqué que nous nous déplacions souvent à l’endroit de l’ombre portée de la situation, comme le double, non pas des individus eux-mêmes mais de ce qui est dit. On porte l’attention là où la parole est prise, autrement dit, là où la parole est projetée dans la situation. Une parole projetée est comme un faisceau lumineux qui génère une ombre. Si un individu prend la parole dans une situation donnée - le professeur dans la classe, l’élève qui répond à la question, un individu dans le cadre d’une réunion - la parole va produire un point de focalisation à son endroit qui sera comme autant de projecteurs braqués sur la personne. Cette interaction génère un double faisceau : celui de la parole projetée et celui des regards focalisés qui éclairent, de ce fait, le sujet qui parle. Dès lors, ces faisceaux produisent un champ d’ombres – ombre portée de la situation interactionnelle. Cet espace est l’endroit où l’on peut se mouvoir en étant au plus proche de ce qui se joue et de ce qui se dit sans que la lumière ne soit pour autant projetée sur soi-même. C’est une place mouvante et ondulatoire où il faut être capable de beaucoup de souplesse et de réactivité puisque la parole produit un champ d’interactions, de flux, de circulation. C’est un exercice de grande attention et d’écoute, proche d’un état de samyak-smriti, expression qui signifie en sanskrit présence attentive.
Extrait audio 3 - L’Élève de l’Opéra :
Le défi
6'46
Lors des nombreuses réunions que nous avons pu suivre à l’occasion du tournage de L’élève de l’Opéra, nous avons eu à rendre compte d’échanges qui pouvaient se jouer entre une dizaine de personnes. Pour autant je ne dispose jamais que de deux micros HF et d’une perche. Bien que je puisse déplier cette dernière jusqu’à dix mètres, je déplie aussi son poids et son amplitude ce qui rend plus précaires ma mobilité et ma réactivité. Il faut alors pouvoir s’attacher à tous ces signes et ces postures qui précèdent la prise de parole et qui permettent d’appréhender, de pré-sentir le moment où se manifestera un interlocuteur. Dans ce type de situation, mon travail de prise de son va consister notamment à saisir la parole au vol. Afin que la femme-embryon-machine puisse appréhender le flux des échanges, il lui faut pouvoir percevoir la situation comme une forme mouvante d’interactions. Pour celui qui fait face et qui prend la parole à un moment donné, ce qui est dit s’inscrit à la fois dans une continuité et une circonstance. Celui qui prend la parole dans le cadre d’une réunion s’engage à énoncer ce qui le travaille lui, dans la continuité de lui-même et ce qui est en travail ici, en circonstance, avec les autres.
Prendre appui sur une situation dont la forme interactionnelle est mobile instruit de pouvoir s’intéresser à ce que représente institutionnellement la situation pour ceux qui y sont engagés. En effet, sans cette attention et cette advertance on peut facilement se perdre dans le flux des échanges et se trouver dans une posture de capture de la parole comme une forme sonore quelconque. Savoir d’où parle celui qui prend la parole6 afin de pouvoir saisir ce qui est dit et ce que ça dit devient un engagement pour soi. Dès lors, l’enjeu pour soi qui sommes tenu de rendre un son audible, n’est donc pas tant de se saisir de la parole de l’autre que de saisir l’enjeu pour ceux qui engagent leur parole.
En portant une attention, en ce qui me concerne à bout de bras-micro-perche, à la circonstance instituée, établie et donnée et en prenant appui sur un état de corps et de perception, je parviens à construire en moi-même un état de connaissance. C’est à partir de cet état, ce capital symbolique retenu en soi-même, que je vais parfois même pouvoir deviner là où la parole va jouer. Nous ne sommes pourtant pas dans une fiction et aucun script n’a été écrit par un tiers qui dicterait à des acteurs une partition à exécuter. Pour autant, nous ne sommes jamais non plus hors du monde mais simplement dans un monde hors de soi7. Il s’agit alors de s’accorder à la dynamique propre de la situation, au rythme qui la constitue sans préjuger de ce qui pourrait advenir. C’est à dire, non pas simplement d’observer une situation mais de se laisser « prendre » afin d’en éprouver l’enjeu : l’ordre du jour d’une réunion peut être les réglages techniques d’un spectacle et pour autant ne pas être l’objet de ce qui est discuté. Il s’agit, en fait, de pouvoir rendre compte non pas tant de ce qui se dit mais de ce que ça dit. En s’attachant à la parole des acteurs de la situation et en se déplaçant au rythme des interactions, nous travaillons alors à rendre compte des enjeux dont nous sommes des témoins privilégiés.
Extrait audio 4 - L’Élève de l’Opéra :
Tiens-toi droit !
2'05
Portée par des formes mouvantes d’interactions, se déplacer tout à la fois dans l’ombre portée d’une circonstance et entre le filmant et le filmé construit en soi une figure de liminarité. Et cette figure liminaire s’éprouve depuis par la place que je tiens dans ce dispositif. Prise sous la coupe de mon casque audio en étant tenue de restituer un son au plus proche du souffle de celui qui parle, je dois aussi avoir un regard balayant tout alentour afin de prévenir et d’anticiper une prise de parole, le déplacement, l’entrée ou la sortie d’une personne. Je deviens moi-même une personne de seuil, entre le cadre, le champ de la situation que l’on filme et l’hors-champ, le monde qui reste. Je me trouve, de fait, très souvent sollicitée par des personnes passant aux abords du champ de notre cadre d’engagement – ce que nous sommes en train de filmer, comme si je n’y participais pas entièrement, me renvoyant à ce corps composite, hybride et morcelé de femme-embryon-machine.
J’évolue dans la situation à l’épreuve d’une perception altérée par un dispositif technique qui m’aliène9 – autrement dit, qui augmente d’un état autre et étranger ma perception – autant qu’il devient la condition de ma place dans cette situation que j’observe. C’est par l’objet-film-son en train d’être co-construit, qui agit comme un miroir ou une figure de projection, là où je vois le sens de mon action, que va pouvoir se recréer une unité, une re-figuration de soi-même. La femme-embryon-machine devient un être et un état, une condition à une place n’allant pas de soi quant à être là, reliée à une caméra avec une perche et ses micros.
Faire un film documentaire ou une anthropologie filmée quand il s’agit de s’intéresser à ce qui se joue, autrement dit à ce qui est en tension ou sous-tend les liens d’attachements d’individus les uns aux autres, demande une disposition ou un désir d’aménager en soi-même une absence qui sera le lieu pour accueillir sa propre altérité tout autant que celle qui nous fait face. Comme tout être devant se projeter au-delà et en-deçà de son monde propre afin d’exister dans un monde qui existe bien hors de soi-même.
Extrait audio 5 - L’Élève de l’Opéra :
Tu vas voir la maîtresse !
1'45
1 On nomme habituellement micro-cravate ce que j’appellerai ici micro HF. En effet, je fais une entorse au vocabulaire technique puisqu’effectivement HF pour Haute Fréquence, correspond à une liaison, celle du signal audio et non pas à un microphone. Mais je n’ai simplement pas envie de désigner un outil technique renvoyant à ce qui est convenu d’appartenir au vestiaire masculin.
2 À l’occasion de ce tournage, nous avons suivi un projet artistique et culturel conduit par l’Opéra national de Lyon dans deux établissements scolaires de Vénissieux, sur le Plateau des Minguettes. Nous avons été amené à suivre une équipe de 3 à 6 artistes intervenant auprès de 600 élèves de 6 à 14 ans, encadrés par 34 enseignants. Pour le tournage, je disposais de trois micros : deux micros HF et un micro super-cardioïde suspendu à une perche, reliés tous trois à une mixette (table de mixage portable permettant de mélanger plusieurs sources sonores en direct). Le choix de la pose des micros-cravates s’organisait avec le réalisateur. J’étais alors chargée de les positionner sur les personnes que nous allions filmer. La mixette utilisée dispose de trois entrées me permettant de mixer le son en direct sur deux pistes. Je portais un harnais pour soutenir cette mixette de plus de 3 kg. Sur celle-ci étaient branchés 3 micros : d’une part 2 micros à liaison HF (sans fil) dont je conserve les récepteurs (les émetteurs étant posés avec leur micro sur les personnes à filmer) et d’autre part, un micro directionnel fixé par une suspension à une perche que je peux déployer jusqu’à 10 mètres. Son poids varie selon qu’il s’agisse d’un tournage en intérieur ou en extérieur. Dans ce dernier cas, le micro sera protégé par une coque anti-vent plus lourde qu’une simple bonnette d’intérieur. À noter : je dispose de 3 micros mais d’une mixette avec seulement deux pistes d’enregistrement. Cela signifie que deux des micros, en l’occurrence les micros à liaison HF sont enregistrés sur une même piste, sachant que deux sources sonores enregistrées sur une même piste sont scellées ensemble et ne peuvent plus être isolées. Cette mixette est elle-même rattachée à la caméra par un cordon spirale. Le caméraman dispose d’un retour-son lui permettant d’entendre en direct, le son enregistré.
3 Lallier Christian (2009), Pour une anthropologie filmée des interactions sociales, Paris, Édition des Archives Contemporaines.
4 Anzieu Didier (2015), Le Moi-Peau, 1ère édition 1985, Paris, Dunod.
5 Umwelt : notion de Jakob von Uexküll qui désigne l’environnement sensoriel propre, autrement dit le monde-propre à une espèce ou un individu.
6 L’expression « d’où l’on parle », désigne les conditions de la parole et amène à considérer singulièrement et circonstanciellement le sujet qui parle – ce qui est dit par un je ou nous. Par exemple, prenons une personne qui exerce la fonction d’instituteur et qui porterait la critique sur son institution, cette parole n’aura pas le même enjeu si la personne s’adresse à un collègue, à un ami syndicaliste ou à son supérieur hiérarchique. Ni non plus si cet échange se déroule dans la salle des professeurs, dans un bistrot ou au cours d’une réunion de travail. Prendre la parole, c’est dire je ou nous et nous sommes tout à la fois un individu, une personne et un sujet. Voir Honneth Axel (2013), La Lutte pour la reconnaissance, 1ère édition 2000, Paris, Folio Essais, p. 47).
7 Gérard Valérie (2011), L’Expérience morale hors de soi, Paris, PUF, coll. « Pratiques théoriques ».
8 J’ai découvert au cours de l’écriture de ce texte, l’auteur historienne et philosophe Donna Haraway* qui m’a été suggéré par un ami et lecteur de mon travail quand il a découvert mon expression de « femme-embryon-machine ». Cette image m’est apparue quand j’ai voulu décrire l’état de perception de cette toute première expérience en prise de son, où emberlificotée dans mes câbles et sous l’emprise d’un environnement sonore déformé, j’ai eu une sorte de rémanence de cet état primitif et originel.
* Haraway Donna (2007), Manifeste cyborg et autres essais. Sciences, fictions, féminismes, Paris, Exils.
9 Du latin « alienare » dérivé de « alienus » (« étranger »), lui-même de « alius » (« autre »). Wikipédia, extrait du Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, 1932-1935 (« aliéner »).
Mélodie Drissia Tabita, « Femme-embryon-machine. Une preneuse de son en milieu humain », Revue française des méthodes visuelles. [En ligne], 2 | 2018, mis en ligne le 12 juillet 2018, consulté le . URL : https://rfmv.fr